par Philippe Waechter, Chef économiste chez Ostrum AM
Le Parlement britannique ne veut pas du Brexit. Il a refusé par trois fois l’accord signé par le gouvernement de Theresa May avec l’Union européenne et qui aurait permis une sortie en douceur. Il ne veut, cependant, pas une sortie sans accord et dans la précipitation. C’est pour cela qu’il a retoqué les propositions de Boris Johnson visant une sortie à la date négociée du 31 octobre qu’il y ait ou pas un accord.
Pour les parlementaires, cette date apparaît désormais trop proche pour avoir le temps de négocier un accord qui ne serait pas celui obtenu par Theresa May. La date limite de sortie serait repoussée au 30 janvier 2020. La sortie rêvée des britanniques, selon les parlementaires, se ferait alors à cette date et en accord avec les 27 autres pays de l’Union Européenne (UE).
Plusieurs remarques autour de ces points :
- Que s’est il passé depuis le 29 mars, date théorique de sortie, pour que les parlementaires apparaissent dans une situation de précipitation à moins de deux mois de la nouvelle date butoir ? La recherche d’un équilibre politique lors du long processus de désignation du premier ministre a paralysé les initiatives et réduit la possibilité de réfléchir à de nouvelles options. Les deux mois entre la démission de Theresa May, le 24 mai, et la nomination de BoJo, le 24 juillet, ont été perdus, mordant largement sur le délai accordé par l’UE.
- Le prolongement au-delà du 31 octobre ne sera possible qu’avec l’accord de l’UE. Celle ci se réunit les 17 et 18 octobre pour évoquer la question du Brexit. Des voix dissonantes sont déjà audible. Le président français mais aussi l’Espagne et quelques autres avaient manifesté de l’agacement au report au 31 octobre. Amélie de Montchalin, secrétaire d’Etat aux affaires européennes pour la France, indiquait encore, le 5 septembre, la probable sortie des Britanniques le 31 octobre et sans accord. L’Europe pourrait couper l’herbe sous le pied des parlementaires britanniques.
- Lors du sommet du 10 avril dernier, les européens avaient paru désuni sur la question du report, il serait souhaitable que cela ne soit plus un objet lors du prochain sommet d’octobre. L’union entre européens doit présider au prochain sommet des 17 et 18 octobre.
- Les Européens peuvent avoir intérêt à couper rapidement le lien. La question du Brexit reste dans toutes les têtes, crée de l’incertitude et reporte, en conséquence, les ajustements économiques qui pourraient avoir lieu selon la forme de la sortie. Il peut être urgent pour les européens d’en finir rapidement.
- L’économie britannique souffre également de cette situation. Sa croissance est désormais nettement plus faible que celle du G7 et l’investissement des entreprises est 11% en dessous du niveau qu’il aurait pu avoir en cas d’absence de référendum. Les coûts sont considérables.
- Boris Johnson a perdu. Son coup d’Etat a échoué. Il ne pourra pas mettre le parlement de côté et ultime affront, il ne peut convoquer des élections générales le 15 octobre, juste avant la date fatidique (Il redemandera aux parlementaires la possibilité d’élections générales lors de la session parlementaire de lundi prochain (9). Mais il n’aura pas la majorité des 2/3 si la date est trop proche). Vue de Londres, la sortie de l’UE, quoiqu’il arrive, pour le 31 octobre ne pourra avoir lieu.
Désormais, BoJo ne dispose plus d’une majorité au parlement après la défection de Phillip Lee et l’expulsion de 21 membres du parti conservateur. Le système apparaît paralysé.
De ce bololo politique, rien ne semble pouvoir sortir. La démission de BoJo pourrait être perçue comme une solution mais elle reposerait immédiatement la question de son ou sa remplaçante et du délai pour le faire. Compte tenu de l’état du parti conservateur et de sa fragilité à la Chambre ce serait un pari risqué.
Il faut rebattre les cartes et cela passe probablement par des élections générales à une date plus lointaine que le 15 octobre (la date limite pour le renouvellement du parlement est le 5 mai 2022).
Mais le risque serait celui d’une absence de majorité. C’était déjà ce qui s’était passé après les dernières élections voulues par Theresa May. le 8 juin 2017. Elle n’avait dû son salut qu’au petit parti séparatiste irlandais, le DUP…
Le recomposition de la droite anglaise, après les événements récents, tant au sein des conservateurs eux mêmes qu’en raison de la concurrence de Nigel Farage, le poids plus importants des Libdem et la défiance vis à vis de Corbyn, le patron des travaillistes qui veut nationaliser à tout crin, suggèrent l‘impossibilité d’une majorité claire. Des élections rapides, comme le souhaitait Johnson auraient obligé chaque candidat à se positionner pour ou contre la sortie de l’UE. Cela aurait alors faciliter la tâche du premier ministre issu de ses élections. Mais cette majorité aurait pu n’être que de courte durée en se faisant uniquement sur la question du Brexit. Des élections plus lointaines, après les 31 octobre, poseront les questions différemment sans pour autant faciliter la recherche d’une majorité et la nomination d’un premier ministre. Les questions existentielles posées par le référendum de juin 2016 ne semblent pas spontanément solubles dans la politique.
Dans ces conditions, l’absence d’une majorité claire capable de trancher, l’Europe aurait intérêt à couper tout recours à un délai supplémentaire . En d’autres termes, le bololo politique ne serait pas levé en cas d’élections générales mais le Brexit dur se profilerait..
Pour lever les ambiguïtés, et face à l’incapacité du gouvernement et des parlementaires à trouver un accord que personne ne veut, un nouveau référendum est nécessaire. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas puisque la première consultation a eu lieu le 23 juin 2016. Les britanniques s’étaient prononcé à 51.89% en faveur de la sortie. A eux de confirmer ce choix ou pas. Ils doivent décider de leur avenir collectivement puisque le gouvernement et le Parlement n’y arrivent pas.