Le retour de l’optimisme… À relativiser

par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez Amplegest

L’accélération en cette fin d’année de la baisse des taux longs témoigne de l’optimisme des investisseurs quant aux perspectives d’inflation et aux futures décisions des Banques Centrales. Comme souvent, le mouvement est un peu excessif au regard de la réalité macro-économique. L’inflation reflue mais reste au-dessus des objectifs affichés. Les Banque Centrales devraient maintenir une certaine prudence à court terme et ne débuter leur programme de baisse des taux courts qu’à la mi-2024.

Les taux d’intérêt à long terme ont donc fortement baissé depuis début novembre dans le monde. De bons chiffres inflationnistes et une communication conciliante des Banques Centrales sont à l’origine de ce mouvement. Madame Lagarde a signifié à plusieurs reprises que la hausse des taux était terminée en Europe. Quant à Monsieur Powell, il a même parlé de baisses de taux à venir aux Etats-Unis. Il n’en fallait pas plus pour enclencher ce rallye sur les taux, dont l’ampleur a surpris et qui a dû mettre les Banques Centrales dans l’embarras. En effet, si le sentiment que l’inflation est désormais derrière nous semble prévaloir, cela ne correspond pas tout à fait à la réalité. Ce sentiment pourrait même se révéler dangereux car une détente trop importante des conditions financières pourrait provoquer un appel d’air prématuré pour l’économie.

Aux Etats-Unis la volonté des autorités monétaires est d’accompagner un atterrissage en douceur de l’économie. A ce jour, la probabilité d’un tel aboutissement est forte mais nécessite encore la vigilance de la Banque Centrale. Laisser le sentiment que le combat contre l’inflation est gagné pourrait provoquer un regain de confiance, donc de consommation et d’investissement. Un tel rebond serait sans doute mal perçu par les marchés alors que la décélération économique commence à peine. L’inflation s’affiche à 3,5%, ce qui n’est plus très loin de l’objectif. Mais des points de vigilance demeurent, notamment sur le logement. Les loyers représentent 30% de l’indice inflationniste et ils doivent être surveillés dans un contexte de crise du logement subsistant.

En Europe l’économie est faible depuis plusieurs trimestres. Le souci de la Banque Centrale Européenne n’est donc pas d’accentuer ce ralentissement. Mais pour autant il parait clair que l’inflation n’est pas encore complètement jugulée. Les salaires continuent de progresser et une remontée des matières premières à l’orée de cet hiver n’est pas utopique. La vigilance est donc également de mise et devrait reporter d’éventuelles décisions sur les taux au début du second semestre 2024. Le déclin de l’inflation devrait par ailleurs redonner du pouvoir d’achat aux ménages européens, ce qui pourrait contribuer à une reprise de la consommation courant 2024.

Ces considérations ne perturbent pas les autorités chinoises, plutôt soucieuses de relancer l’économie dans un contexte fortement désinflationniste. Des baisses de taux additionnelles et des relances budgétaires sont probables dans les prochains mois.

L’environnement global, avec une récession mondiale évitée et un repli de l’inflation, est plutôt favorable aux actifs financiers. C’est ce qui a entrainé le rebond de novembre et décembre après la mauvaise séquence de septembre et d’octobre. Ces pics de volatilité pourraient se renouveler en 2024 avec toujours comme élément moteur les taux d’intérêt mais aussi les résultats des entreprises dont nous aurons un premier aperçu à partir de la mi-janvier. Le niveau des marges et les perspectives d’activité seront déterminants pour la tenue des marchés actions début 2024. Les grands indices actions dans le monde (S&P500, CAC40) sont au plus haut mais évoluent en trompe l’œil. Pour l’indice large américain les sept plus grandes capitalisations expliquent la quasi-totalité de la hausse. Les 493 autres valeurs sont en moyenne en stagnation. Beaucoup de valeurs sont encore loin de leurs plus hauts.

Nous avons profité du rebond de fin d’année pour alléger les actions sur nos mandats modérés et équilibrés. Nous restons en revanche pleinement investis sur nos mandats dynamiques.