par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Confirmant le lot de statistiques décevantes publiées ces trois derniers mois, le PIB américain a stagné au premier trimestre 2015, poursuivant le ralentissement initié au T4-2014 où le PIB avait progressé de 2,2% T/T en rythme annualisé après 5% en moyenne les deux trimestres précédents.
Alors que de nombreux observateurs s’émeuvent de ces mauvaises performances en début d’année 2015, faut-il vraiment s’en inquiéter ?
La stagnation de l’activité au premier trimestre 2015 doit être nuancée car elle s’explique en partie par des effets particuliers : comme l’an dernier, des facteurs climatiques ont réduit l’activité dans de nombreux secteurs ; par ailleurs, des grèves dans les ports de la côte ouest ont affecté les échanges.
Toutefois, hors ces effets particuliers, l’économie américaine se trouve dans une phase de ralentissement. La chute du prix du pétrole depuis l’été dernier a conduit à un recul marqué des investissements dans le secteur « minier » qui a pesé significativement sur la croissance en début d’année. Par ailleurs, l’appréciation du dollar a commencé à avoir un impact négatif sur les exportations. Il est cependant difficile de discriminer cet effet de l’impact défavorable des grèves dans les ports de la côte ouest au T1-2015. Ces deux facteurs vont continuer à peser sur la croissance américaine dans les trimestres qui viennent.
Au total, une partie de la faiblesse est transitoire, l’autre ne l’est pas. Ainsi, l’activité devrait rebondir au deuxième trimestre mais elle ne reviendra pas sur les rythmes de mi-2014. Après deux trimestres à 5%, il est naturel que la croissance américaine ralentisse. Lorsque la production s’approche de son niveau potentiel, en d’autres termes que l’output gap se referme, il est normal que l’économie revienne sur un rythme de croissance plus soutenable. Le FMI estimait le rythme du PIB potentiel américain à 1,8% en 2014. La reprise sera principalement portée par la consommation des ménages et plus marginalement par l’investissement productif, le taux d’investissement étant déjà très élevé. Après une hausse de presque un point de leur taux d’épargne au T1-2015, les ménages américains devraient en effet accélérer leurs dépenses dans les mois qui viennent bénéficiant d’une hausse significative de leur revenus. L’inflation va rester faible et les salaires commencent à montrer les premiers signes de frémissement.
Quelles conséquences pour la Fed ?
Lors de son FOMC du 29 avril, la Fed a adopté un ton neutre. Si elle a souligné le ralentissement de la croissance, elle l’a également nuancé (facteurs particuliers). Dans le paragraphe sur sa forward guidance, elle a retiré la phrase précisant qu’elle n’augmenterait pas les taux en avril sans ajouter d’autres précisions, laissant la porte ouverte à une éventuelle première hausse en juin. Toutefois le news flow macroéconomique décevant de ces dernières semaines plaide plutôt en faveur d’un statu quo en juin, la Fed préférant probablement attendre le mois de septembre pour augmenter les taux. Si cela n’est plus le scénario le plus probable, il nous semble cependant qu’une hausse en juin est toujours possible. Pour cela, il faudrait que les créations d’emplois reviennent sur un rythme proche de 200K en avril et mai, que le taux de chômage reste sur sa tendance baissière et que les statistiques d’activité se renforcent. Rien d’impossible…
Dans les mois qui viennent, malgré l’amélioration du news flow, les marchés vont devoir s’habituer à des statistiques un peu moins favorables que celles du S2-2014, des créations d’emplois de 280K par mois n’étant pas soutenables à moyen terme… Il est également très probable qu’une vague de révisions à la baisse de la croissance américaine ait lieu, 3% de croissance en 2015 et 2016 étant probablement trop optimiste. Mais cela ne signifie pas que la Fed n’augmentera pas ses taux (cf Fed : entre patience et impatience). Avec une croissance proche de 2%, l’économie américaine tourne finalement à son potentiel.