par Charlie Awdry, gérant Actions émergentes chez Henderson Global Investors
Le 23 janvier dernier, la Chine est entrée dans l’année du dragon. Cet animal mythique est le symbole de l’empereur et tout comme la Chine, il est synonyme de pouvoir et de richesse. Depuis l’ouverture de ses portes à la fin des années 70, la Chine a remplacé le Japon en tant que deuxième économie mondiale. Elle devrait passer à la première place d’ici 2016, en termes de parité de pouvoir d’achat.
– 3.8% : ce chiffre représente le poids de la Chine en termes de droit de vote au Conseil des Gouverneurs du FMI. Preuve du rôle de plus en plus important joué par les pays développés, la Chine est en passe de devenir le troisième membre le plus important du FMI, après les Etats-Unis et le Japon. A l’heure actuelle, la quote-part du Japon est de 6.24% et celle des Etats-Unis de 16.76%*.
L’accession de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2001 fut un tournant historique, ouvrant la porte au commerce et permettant aux investisseurs étrangers d’accéder au plus vaste marché mondial. Depuis 2001, l’économie chinoise a quadruplé, passant de 1.5 à 6 trillions de dollars US en 2010. La Chine dispose désormais d’un vaste excédent commercial, des réserves de devises étrangères les plus importantes au monde, d’une classe moyenne florissante et se place au troisième rang mondial en termes de nombre de millionnaires (et ces derniers ne cessent de croître).
– 6 trillions de dollars : Ce chiffre représente la taille de l’économie chinoise en 2010 d’après l’Organisation Mondiale du Commerce.
Une présence mondiale
En plus de l’OMC, la Chine est également membre du Fonds Monétaire International (FMI), du G20 et de plusieurs autres groupes en Asie. L’intégration mondiale est un aspect important dans la croissance de la Chine, il est donc nécessaire que sa stratégie et sa politique trouvent un équilibre entre responsabilité, capacité et bénéfices. L’Est et l’Ouest ne partagent peut-être pas toujours le même point de vue mais ils se doivent de travailler ensemble.
L’influence croissante des pays émergents est évidente. La Chine a récemment participé au sauvetage de la zone euro en achetant des obligations émises par le Fonds Européen de Stabilité Financière. En novembre 2011, la Chine et l’Inde ont, fait relativement rare, publié une déclaration commune dans laquelle elles incitaient les pays développés à gérer leur dette de façon plus responsable en vue de restaurer la stabilité financière mondiale. La Chine tente également de promouvoir le G20 en tant que principale plate-forme pour la gouvernance économique mondiale.
Il est fort probable que les pays émergents, tels que la Chine, joueront un rôle de plus en plus important au sein du FMI et souhaiteront avoir plus de poids dans les décisions relatives à l’utilisation des fonds du FMI. Ceux « qui en sont » et ceux « qui n’en sont pas » sont désormais différents, ce qui entraîne un rééquilibrage géopolitique mondial.
Une croissance difficile
Comme l’on pouvait s’y attendre, l’accession rapide de la Chine au rang de puissance économique et son intégration au sein de l’économie mondiale ne s’est pas faite sans heurts, entraînant des frictions à la fois au niveau domestique et international. La Chine devra, si elle veut répondre aux attentes des investisseurs internationaux mettre en œuvre de nouvelles réformes au niveau de sa politique interne mais aussi des prix et des pratiques commerciales de ses entreprises locales.
Les faits inquiétant les investisseurs concernent les questions de gouvernance (protectionnisme et pouvoir dont disposent les sociétés publiques), les failles du système financier (mainmise du gouvernement sur les banques, taux de change et système bancaire parallèle), les droits de propriété intellectuelle et la fixation des prix des ressources naturelles, y compris l’eau.
L’un des principaux problèmes de la Chine est son appétit vorace pour les ressources naturelles et alimentaires. Selon un rapport publié par le géant de l’industrie énergétique, BP, la Chine est devenue en 2010 le plus grand consommateur mondial d’énergie, dépassant les Etats-Unis. Malgré des tentatives acharnées pour augmenter sa production nationale et acheter des ressources étrangères, la Chine est encore confrontée à des pénuries de ressources. Cette demande a entrainé une hausse des prix du pétrole, du cuivre, du fer et d’autres denrées alimentaires, telles que les graines de soja.
La Chine a été accusée, dans sa quête de ressources, de violer les droits de l’homme et de dorloter les dictateurs.
Le protectionnisme est un autre sujet de discorde. Les acquisitions d’entreprises chinoises par des entreprises étrangères sont refusées, comme ce fut le cas, en 2009, pour la tentative de rachat par Coca-Cola du groupe Huiyuan Juice, malgré que la société ce soit engagée à investir 2 milliards de dollars US. Le Ministère du Commerce est chargé d’étudier toutes les projets de fusions et acquisitions dans le cadre du processus d’approbation anti-trust. Ces vérifications entraînent souvent des retards dans les transactions et des conditions supplémentaires sont parfois imposées. Cependant, il y a des signes de changement. En novembre 2011, les autorités anti-trust chinoises ont approuvé l’acquisition de la société Little Sheep (chaine de restaurants) par la société américaine Yum!
Monopartisme
Les investisseurs doivent être conscients que la Chine connaîtra, en 2012, un changement de dirigeants au sein de son parti unique, fait qui ne survient qu’une fois par décennie. Le Comité Permanent du Bureau Politique du Parti Communiste Chinois prend toutes les principales décisions d’ordre politique et personnel et ses membres désignés détermineront l’avenir de la Chine.
Si l’on se fit à la lecture des feuilles de thé, le vice-président Xi Jinping et le vice-Premier ministre Li Kepiang devraient succéder aux dirigeants actuels. De nombreux autres postes restent encore à distribuer et cela fait l’objet d’une intense spéculation et génère une incertitude politique alors que les membres du parti débattent sur le développement futur de la Chine.
Une chose est sûre cependant : quoi qu’il arrive, les priorités du parti seront toujours la croissance économique, la stabilité intérieure et le besoin de présenter une unité forte.
Comparé à l’Occident, les marchés émergents, tels que la Chine, sont ceux qui ont le plus de capitaux et les meilleures perspectives de croissance. Le dragon endormi s’est réveillé et de son pouvoir économique découlent de nouvelles responsabilités : il doit, s’il veut continuer de progresser, accroître son rôle sur l’économie régionale et mondiale et sur l’architecture politique. L’année du dragon promet d’être une nouvelle année dynamique pour la Chine.
NOTE
*Source : Quotes-parts et Pouvoir de vote au FMI 2011