par Julien Marcilly, stratégiste chez Amundi Asset Management
La plupart des devises asiatiques se sont nettement appréciés face au dollar depuis le début de l’année : le Baht thaïlandais (11 %), le ringgit malais (10 %), le dollar de Singapour (8 %), le peso philippin (6 %) et la roupie indonésienne (5 %).
Des fondamentaux solides justifient ces appréciations. L’Asie émergente est la région ayant connu la reprise la plus rapide et la plus forte. Sa croissance devrait ainsi dépasser 9 % en 2010. En particulier, elle a pleinement profité du fort rebond du commerce mondial : même si les situations économiques nationales sont très contrastées, les excédents courants restent élevés pour la zone dans son ensemble (environ 4 % du PIB pour 2010).
En outre, la dynamique des dettes publiques, beaucoup plus favorable que dans la plupart des pays de l’OCDE, engendre des entrées massives de capitaux sur la dette locale. Cette réallocation de portefeuille concerne aussi bien les investisseurs privés que publics. Depuis la crise grecque, les banques centrales accélèrent en effet leur stratégie de diversification de leurs réserves de change au profit des devises émergentes. La Chine a ainsi presque triplé ses achats d’obligations d’Etat coréennes depuis janvier. Enfin, le maintien des taux à un niveau très bas aux Etats-Unis et en Europe accentue la recherche de rendement des investisseurs.
Les autorités locales tentent de contrer une hausse trop rapide de leurs devises. La Chine n’est ainsi pas la seule à intervenir sur le marché des changes. Par ailleurs, des mesures de contrôle des capitaux ont également été annoncées au Brésil et en Thaïlande afin de réduire les investissements sur la dette locale.
La Corée et l’Indonésie pourraient bientôt les imiter. Là encore, on peut douter de l’efficacité de telles mesures. D’une part, si elles ne visent que les flux sur la dette locale, elles provoquent des effets de report sur d’autres types d’investissements, ce qui réduit leur impact sur les changes. D’autre part, ces actions n’étant pas coordonnées au niveau régional, une mesure isolée aura pour effet un report des investisseurs vers d’autres pays.
Et paradoxalement pas seulement vers d’autres économies de la région : la Chine s’est déjà déclarée prête à acheter des titres de dette souveraine des pays périphériques de la zone euro dont le rendement est désormais très attractif. En dépit d’une appréciation face au dollar, le renminbi s’est ainsi déprécié face à l’euro depuis juin malgré des fondamentaux plaidant pour une tendance contraire. Les devises asiatiques pourraient continuer de s’apprécier au cours des mois à venir face au dollar. La question est donc de savoir si elles s’apprécieront désormais aussi face à l’euro.