par Wim-Hein Pals, Responsable de la gestion actions des marchés émergents chez Robeco
Les perspectives pour les actions des marchés émergents s’éclaircissent grâce aux très bonnes prévisions de croissance, à un profil de risque en amélioration et aux valorisations attractives.
2011 n’a pas été une bonne année pour les marchés émergents. Ils ont enregistré une baisse de 15,7% en euros et sont restés bien en retrait derrière le rendement des actions globales qui a terminé sur une performance de -4,2%. La plus forte aversion au risque, les craintes concernant une hausse de l’inflation et la croissance mondiale décevante ont été les principaux facteurs de cette faible performance.
2012 devrait vivre une histoire différente. Le début d’année s’est bien mieux amorcé avec un rendement à double chiffre en janvier. Les perspectives pour le reste de l’année nous semblent raisonnablement solides. L’émergence d’une solution définitive à la crise de la zone euro conditionnera cette histoire, mais nous pensons qu’elle peut survenir. Cet élément est crucial car une plus faible volatilité de la zone euro pourrait renforcer l’appétit pour le risque des investisseurs.
De solides fondamentaux mais une vulnérabilité face à la revente du risque
Il y a une certaine ironie dans ces perspectives car la forte aversion au risque a été l’un des facteurs de la sous-performance de 2011. Les marchés émergents n’ont pas seulement les meilleures perspectives de croissance – comme nous pouvons nous y attendre – mais sur de nombreux aspects, ils ont également les fondamentaux les plus solides. De ce fait, leur dépendance aux variations d’appétit pour le risque n’est en rien le reflet de leurs véritables caractéristiques lorsque nous les regardons de façon rationnelle.
Après tout, parmi les facteurs positifs concernant les marchés émergents nous pouvons compter une histoire séculaire à long terme des plus impressionnantes, de même que des perspectives à court terme très robustes. Enfin, leur profil de risque est supérieur : ils ne souffrent pas des problèmes majeurs liés à la dette qui affligent actuellement la plupart des marchés développés.
La tendance séculaire de croissance à long terme demeure intacte
Examinons ces facteurs. Parlons tout d’abord de l’histoire séculaire à long terme : il existe un différentiel de croissance significatif entre les marchés émergents et développés. Les économies émergentes ont généralement un niveau de croissance structurellement plus élevé. Or la croissance des marchés développés est réglée de façon à être inférieure à sa croissance tendancielle passée, tandis que la zone euro glisse dans la récession. Cela contraste avec la croissance des marchés émergents qui était de 5% en 2011 et qui est prévue à 4.2% pour 2012.
Quels sont alors les moteurs de cette croissance ? L’urbanisation en est un. Elle est source de dépenses de consommation plus élevées et d’une hausse des investissements dans les actifs fixes, qui augmentent à leur tour la demande en matières premières.
Dans un même temps, les difficultés qui déferlent actuellement sur les marchés développés stimulent les investissements étrangers en direct et l’externalisation vers les marchés émergents. Leur productivité s’améliore de ce fait de manière significative.
Une image à court terme en amélioration
L’image macroéconomique à court terme des marchés émergents s’est également améliorée pour une raison : l’inflation n’est plus à ce jour une sérieuse source d’inquiétude. L’année dernière elle s’était envolée entraînant un resserrement des politiques monétaires. Mais aujourd’hui, l’inflation est sous contrôle. Des baisses de taux d’intérêt dans des pays comme le Brésil, la Turquie ou l’Indonésie s’en sont suivies, tandis que la Chine a abaissé le taux de réserve requis pour les banques.
D’autres baisses de taux sont à prévoir. Nous nous attendons à ce que certains pays prennent des mesures de facilitation monétaire en 2012. En résumé, les vents contraires qui ralentissaient les marchés émergents en 2011 sont maintenant tombés.
Un autre problème concerne la Chine sur laquelle pèse la crainte d’un ralentissement économique. Mais nous restons optimistes quant aux perspectives de croissance du PIB chinois. Nous pensons qu’il devrait être de l’ordre de 8% à 9% en 2012. Les autorités ont des chances de réussir à déplacer le moteur de croissance de l’économie des exportations vers la demande et la consommation domestiques. De plus, la Chine a encore une grande marge de manœuvre pour stimuler son économie si cela se révélait nécessaire.
Et ce n’est pas tout. Nous sommes plutôt positifs sur les matières premières, notamment sur l’énergie. De plus, les flux de capitaux pourraient agir en soutien : au vu des forts montants de liquidités en attente, ils devraient revenir sur cette classe d’actifs et influer sur les cours.
Amélioration du profil de risque
Il existe un autre élément clé que nous ne devrions pas négliger. Le profil de risque des marchés émergents s’est bien amélioré : les bilans sont solides. Et cela s’applique à leurs gouvernements, leurs entreprises et leurs consommateurs. Le profil de risque de cette classe d’actifs a fortement changé. Elle ne devrait plus être perçue comme « très » risquée.
Cela reflète les changements majeurs survenus ces dernières décennies. Il y a 10 ans seulement, le risque était défini comme un risque de défaut. Au travers des années 90 et du début de la première décennie du XXIe siècle les marchés émergents ont souffert d’une série de crises, de la crise économique de Mexico (1998) en passant par la crise financière asiatique (1997-1998) et aux risques de défauts russes (1998), turques (2000-2001) et argentins (2001). Ces pays étaient plus qu’en retard.
Cela n’est plus le cas. Aujourd’hui la plupart des pays émergents sont en surplus budgétaire, commercial et ont une santé financière robuste. Les devises fortes de la réserve mondiale sont maintenant situées en majorité dans les marchés émergents. La Chine par exemple représente 3.2 trillons de $US dans les réserves de devises étrangères. Personne ne s’attend à ce que les pays émergents fassent défaut. Les risques dans ces marchés ont significativement diminué.
La situation des marchés développés peut-elle peser sur les marchés émergents ?
Les pays développés sont ceux qui ont maintenant des problèmes d’endettement. En fait, tout retour de la récession dans ces marchés est actuellement le plus grand risque auquel doivent faire face les marchés émergents. Il est évident qu’ils seraient affectés par de tels développements.
Cependant, l’idée que les marchés émergents reposent leur développement sur les exportations est exagérée. Seuls 18% des exportations de la Chine sont dirigés vers des Etats-Unis tandis que 20% rejoignent la zone euro. Plus de la moitié est destinée aux autres pays émergents. L’histoire est identique pour les autres marchés d’Asie. Le commerce au sein de la région est devenu bien plus important.
Les risques politiques ne sont pas un problème
Une autre idée reçue concerne les risques politiques que présentent les marchés émergents. Il est vrai qu’ils n’ont pas totalement disparus. Avec quelques 40 élections cette année à travers le monde, il existe un risque qu’un populisme facile gagne en influence sur fond de crise de la dette. Cependant, le risque politique n’est plus un problème majeur dans les marchés émergents.
Les valorisations sont attractives
Alors que fondamentalement le cas d’investissement sur les marchés émergents est convaincant à tous les égards, ce qui le rend encore plus attrayant à l’heure actuelle sont les valorisations. En dépit de fortes perspectives de croissance et de la solidité des bilans, les marchés émergents s’échangent actuellement avec un rabais de 15% par rapport aux marchés développés.
Les valorisations sont faibles d’un point de vue historique et la croissance des bénéfices qui est attendue est bonne. Historiquement, lorsque que le ratio P/E forward à 12 mois est sous les 10x, nous pouvons considérer qu’il s’agit d’un bon point d’entrée. Le ratio actuel est de 9.8x (sur la base des prévisions de bénéfices pour 2012).
Nos pays favoris incluent la Corée et la Chine
En général, nous aimons les marchés qui sont peu chers, qui ont une image macro correcte et où il existe un soutien du point de vue bottom-up. Les marchés disposant d’une faible valorisation devraient bien se porter c’est pourquoi nous surpondérons nos positions sur la Corée, la Chine, la Russie et la Turquie.