par Patrice Gautry, Chef Economiste chez Union Bancaire Privée
Rangée dans le camp des « colombes », la BCE s’est prononcée plus vigoureusement que par le passé en faveur d’une politique « agressivement » accommodante.
Lors de la réunion qui s’est tenue jeudi 22 juillet, la BCE a adopté un objectif symétrique d’inflation autour de 2% à moyen terme. Une réunion qui a été concentrée sur la redéfinition de la conduite de ses taux d’intérêt mais au cours de laquelle le sujet du programme PEPP et plus largement des achats de la banque centrale n’a pas été abordé.
L’institution de Francfort se situe clairement dans le camp des « colombes » parmi les autres banques centrales, et notamment par rapport à la Fed qui a commencé à débattre sur les modalités futures d’un resserrement de sa politique. Sur la base de l’évolution présente et projetée de l’inflation (2022 et 2023) dans la zone euro, la BCE se prononce, plus vigoureusement que dans le passé, en faveur d’une politique monétaire qui devrait rester accommodante, de façon persistante, précise même le communiqué.
Une telle « agressivité » relative n’a pas pu toutefois générer de consensus au sein des gouverneurs. Certains d’entre eux se sont prononcés en faveur d’une approche plus mesurée alors que l’inflation va continuer à monter ces prochains mois et que le bilan de la banque centrale est en expansion rapide depuis le début de la pandémie. Mais la BCE va aussi désormais tolérer une inflation au-dessus de l’objectif de 2% et cette tolérance est un jugement et non le résultat d’une formule mathématique, ouvrant donc des débats nourris au sein des prochains conseils.
L’écart entre l’inflation projetée en 2023 (1.4%) et l’objectif de 2% est tel que l’on aurait même pu attendre une déclaration plus « agressive » concernant les achats de la banque centrale, et pourquoi pas une extension soit de la durée ou des montants du PEP ou des APP. Ces points sont toutefois renvoyés à la prochaine réunion de septembre où seront présentées les nouvelles projections économiques.
Alors que le paysage des banques centrales se fracture entre celles qui montent déjà les taux (Amérique Latine), réduisent leurs achats, ou ne changent pas de stratégie, la BCE prend un pli en faveur d’une politique toujours potentiellement extrêmement accommodante. Ainsi à horizon 2023, alors que la Fed et d’autres banques centrales seront en train de relever leurs taux directeurs, l’inflation faible de la zone euro obligerait la BCE à rester accommodante et devenir encore plus agressive à très court terme.