par Eva Balligand, Gérante de VEGA Emerging
Le verdict est tombé ! MSCI refuse pour la 3e fois d’intégrer les actions A au sein de son indice phare le MSCI Emerging Markets. Le revers est de taille pour Pékin et la surprise grande pour la majorité des investisseurs spécialisés sur la zone.
Après avoir fini d’inclure dans le MSCI China les actions chinoises cotées aux États-Unis (Baidu, Alibaba…) voici quelques semaines, la déception est forte de voir à nouveau la porte se fermer pour le marché local chinois.
Pour rappel, avec près de 5 000 milliards de dollars de capitalisation, la Chine, 2e puissance économique au monde, possède également le 2e plus gros marché d’actions, à la fois en termes de capitalisation boursière et de volume de transactions, juste derrière les Américains. Il est également important d’avoir à l’esprit que cette décision est une « occasion manquée »; en effet, si les actions américaines sont à des niveaux historiquement hauts, c’est loin d’être le cas pour les marchés chinois : avec une chute comprise entre 35 % et 40 % sur un an glissant pour ces principaux indices, ils bénéficient de valorisations attractives dans bons nombres de secteurs.
Le plus étonnant reste les justifications données par MSCI. Depuis près d’un an, le fournisseur d’indices travaille en effet avec la CSRC (China Securities Regulatory Commission) afin de trouver des solutions propices à intégrer les actions A. De plus, il a salué à nombreuses reprises les mesures prises par la Chine afin d’ouvrir son marché. Le régulateur chinois a, il est vrai, été très actif au cours des derniers mois afin contenter les investisseurs étrangers : simplification des procédures relatives à l’obtention des licences accordant des quotas, amélioration concernant la mobilité des capitaux, meilleur encadrement des suspensions…
L’une des premières raisons « officielles » à retenir notre attention est : il faut obtenir une autorisation du régulateur chinois afin de pouvoir inclure des actions A dans le MSCI Emerging Markets. Il est évident que cette autorisation est une formalité, d’autant que la Chine aurait eu largement le temps de se mettre en ligne avec les standards internationaux pendant l’année nécessaire à la traduction dans les faits d’une annonce.
Nous avons également été surpris de retrouver à l’ordre du jour le sujet des suspensions dont certaines entreprises chinoises ont clairement abusées lors du minikrach de l’été dernier. C’est un problème mis en avant depuis plusieurs mois par MSCI et qui a clairement été pris en considération par la CSRC. Cette dernière a en effet communiqué fin mai sur de nouvelles mesures concernant ces suspensions de cours afin de limiter leur durée à moins de 3 mois et de ne les autoriser que dans un cadre précis.
Enfin, l’argument majeur avancé reste le manque de confiance de bons nombres d’investisseurs « internationaux » interrogés fin avril par MSCI sur les avancées faites par les autorités chinoises. S’il est vrai que bon nombre d’annonces ont été faites mais ne sont pas encore mises en place, l’accent a été mis sur des problématiques liées directement aux quotas QFII (programme de quotas pour les investisseurs étrangers qualifiés lancé en 2003) qui reste le mode d’accès le plus vieux au marché A pour les investisseurs étrangers avec des contraintes très spécifiques (liquidité hebdomadaire, limite en matière de rapatriement des avoirs…)
Aucune mention n’est faite de Shanghai Hong Kong Connect (2014) ou des programmes RQFII (2011) dont les règles sont bien plus souples et la liquidité quotidienne. De plus, la Chine vient d’octroyer un quota de 38 milliards de dollars aux Américains soit le 2e plus important juste derrière Hong-Kong. Il est vrai que les sociétés américaines doivent encore faire part de leur intérêt afin d’obtenir une « licence RQFII » mais l’avancée (et le montant octroyé) reste spectaculaire, les États-Unis étant exclu de ce programme depuis sa création en 2011. Pour autant, il est évident que les 200 milliards de dollars octroyés à travers ces deux programmes, ne sont pas suffisants compte tenu du poids qu’aura in fine la Chine dans les indices : environ 40 %.
Désormais, il est important pour Pékin de garder le cap et de poursuivre son mouvement d’ouverture. Cela passe plus que jamais par le développement et la mise en avant de Shanghai Hong Kong Connect ainsi que par le lancement de Shenzhen Hong Kong Connect qui devrait ouvrir l’accès à plus de 500 nouveaux titres aux investisseurs étrangers. Une chose est sure, cette intégration est incontournable mais commence à se faire à attendre !