par Nathalie Navarre, Stratégiste chez Amundi Asset Management
Au fur et à mesure que les gouvernements européens annoncent de nouvelles restrictions budgétaires, les perspectives de la demande interne en Europe s’amenuisent. Mais la demande mondiale reste forte et, alors que les devises européennes ont baissé, l’Europe en profitera.
On assiste à un tournant du côté des finances publiques. Aux États-Unis, la politique budgétaire reste accommodante, mais son effet sur la croissance va commencer à se dissiper progressivement au second semestre 2010.
En Europe, certains pays se voient contraints à l’austérité afin de préserver leur note souveraine auprès des agences de notations. On ne peut que saluer la démarche des gouvernements de vouloir regagner la confiance des investisseurs qui s’inquiètent du dérapage des déficits.
A long terme, cet assainissement des finances publiques va créer des conditions d’une croissance saine, probablement plus élevée et caractérisée par des taux d’intérêt faibles. Néanmoins, alors que la reprise est à peine enclenchée, que le chômage reste très élevé, ces restrictions budgétaires arrivent un peu tôt et vont peser sur la demande interne.
Cela pourrait compromettre la reprise d’une économie européenne convalescente. La chance de l’Europe est qu’elle est pour le moment seule à s’être engagée sur cette voie. Si tous les pays faisaient la même chose, la croissance mondiale serait très affaiblie. Or ce n’est pas le cas, la demande mondiale reste forte, tirée par les pays émergents. La zone euro devrait en profiter, grâce à l’effet indéniablement positif de la crise : la baisse de l’euro. Cette bouffée d’oxygène donnée aux entreprises exportatrices devrait compenser quasi intégralement les effets des restrictions budgétaires.
Les pays asiatiques avaient bâti leur croissance sur leurs exportations vers les pays riches où la consommation représente 70 % du PIB (environ 35 % en Chine). Or ce modèle est en train de changer graduellement. La décision annoncée par Pékin d’un nouvel assouplissement de son système de change en constitue une des prémices. La sous-évaluation de la devise chinoise a longtemps soutenu ses exportations. Or la Chine s’engage progressivement dans la transformation de son modèle de croissance en le fondant davantage sur la demande interne. Ce nouveau modèle appelle une appréciation de sa monnaie qui permettra de donner du pourvoir d’achat aux ménages et aux entreprises.
Cette évolution prendra néanmoins du temps car on ne change pas les grands équilibres du jour au lendemain. A court terme, les investisseurs pourraient continuer de craindre le ralentissement économique chinois et les conséquences d’un possible éclatement de la bulle immobilière dans les grandes villes côtières. Mais au-delà de ces aspects conjoncturels, les entreprises gagnantes seront celles qui réussiront à prendre la demande où elle se situe, dans les pays que nous qualifieront bientôt d’émergés.