par Gerard Fitzpatrick, gérant obligataire chez Russell Investments
Bien que la dette souveraine européenne soit clairement sous pression depuis quelques semaines, on ne peut pas parler d'emballement. Des signes d'opportunité existent, comme le récent redressement de la dette grecque l'a démontré.
Le cas de la dette grecque est particulièrement notable puisque son redressement est intervenu alors même que la dette souveraine européenne sombrait dans la crise à cause de l'Irlande. Le regain de demande au profit de la dette grecque fait suite au rééchelonnement récent des échéances de celle-ci en vue de réduire le risque de défaut.
Selon nous, la dette souveraine européenne sera restructurée de manière à remplacer son passif à court terme par du passif à plus long terme (pratique connue chez les Anglo-Saxons sous le nom de terming out) afin de générer un flux de liquidité qui soit plus en accord avec les prévisions désormais prudentes en matière de flux de trésorerie des souverains. Les entreprises les plus rentables pratiquent depuis longtemps cette gestion actif-passif très raisonnable, avec succès. Le malaise aujourd'hui, c'est que les émetteurs souverains européens qui bénéficiaient auparavant de notes de solvabilité élevées vont avoir plus de difficultés à en faire de même.
Cela dit, du point de vue des flux de trésorerie, c'est là une gestion saine du crédit qui se traduira au bout du compte par une réduction du risque de défaut. Les prêts bilatéraux, de l'UE et du FMI constituent un point d'appui solide pour permettre aux émetteurs souverains subissant la pression des marchés de rééchelonner leur dette. Par ailleurs, la BCE pourrait déclencher des mesures bien plus puissantes pour soutenir dynamiquement la dette souveraine de la zone euro, qui est le pilier central de la stabilité économique européenne. Nous estimons qu'elle finira par démontrer sa volonté et sa capacité à soutenir la dette souveraine de la région.
Regards tournés vers l'Espagne et le Portugal
Cela dit, les marchés des obligations souveraines européennes devraient rester sous pression (et pourraient notamment corriger brutalement à court terme) en raison de la crainte endémique alimentée par l'attitude des intervenants, qui se demandent constamment quel pays sera le prochain à flancher et citent un ratio d'endettement particulièrement élevé qui était auparavant acceptable mais ne l'est désormais plus. Le Portugal puis l'Espagne pourraient ainsi être les prochains sur la liste. Leur dette offrira sans doute des opportunités attractives avant l'annonce d'une vague de prêts bilatéraux, de l'UE et du FMI. Je dirais que le Portugal et l'Espagne (qui jouent un rôle essentiel pour la survie de l'euro) bénéficieront d'un soutien similaire s'ils en expriment la nécessité. Ce scénario pourrait enfin calmer les pessimistes, ce qui permettrait aux marchés périphériques des obligations souveraines de se redresser.
Nous nous trouvons actuellement dans un environnement de craintes classique, où les opérateurs cherchent à tout prix à fuir une classe d'actifs que nous jugeons encore assortie de qualités diverses. Par le passé, ce type de scénarios d'investissement a généralement rebondi positivement, et nous n'attendons pas d'autre issue cette fois-ci.