par Yann Lepape, Gérant chez Vontobel
Dans le sillage d’Omicron, les marchés ont immédiatement dévissé en raison de la faible liquidité. L’UE a annoncé la fermeture des frontières et l’annulation de tous les vols en provenance d’Afrique australe, et les interdictions de voyager se sont rapidement poursuivies dans divers pays. Alors, que signifie ce dernier développement pour les investisseurs obligataires et à quoi doivent-ils faire attention ?
Le contexte macroéconomique actuel est spécifique et inhabituel. Les orientations des banques centrales peuvent sembler difficiles à lire mais il s’agit maintenant de surveiller l’inflation et les risques liés au pouvoir d’achat des ménages et à la croissance.
Une inflation élevée pour une croissance économique forte
La croissance ralentit mais reste bien supérieure à la croissance habituelle. Est-ce synonyme d’un cycle fort, avec de nombreux autres trimestres de belle croissance devant nous ? Ou de la fin d’un cycle court, avec une récession en perspective ? L’inflation sera probablement supérieure aux niveaux que nous avons connus au cours des dernières décennies. La question qu’il convient de se poser est est-ce qu’une inflation 3 % est un problème si la croissance est supérieure à 3,0 % ?
Il ne faut pas oublier que les bénéfices des entreprises sont liés à la croissance nominale, plutôt qu’à la croissance réelle. Mais le marché ne s’inquiète que de l’inflation, sans se rendre compte que la croissance sera également forte. Les facteurs à court terme prennent le pas sur les considérations à long terme, générant ainsi de la volatilité sur les marchés.
Le rôle de la Fed
Cette semaine, M. Powell a suggéré un tapering plus rapide, et le prochain FOMC le confirmera probablement. En accélérant le tapering, l’objectif est d’augmenter la marge de manœuvre de la Fed à moyen terme dans l’hypothèse où l’inflation structurelle serait plus élevée que prévu, alimentée, par exemple, par une accélération des niveaux des loyers et des salaires. Si Omicron relance la pandémie, les déséquilibres entre l’offre et la demande subsisteraient plus longtemps, ce qui maintiendrait des prix plus élevés plus longtemps.
Sur les marchés obligataires, la réaction immédiate a été une hausse des rendements des bons du Trésor américain et un aplatissement de la courbe. Si cette réaction n’a pas été une surprise, le mouvement peut être considéré comme relativement modéré. Cela signifie qu’un nombre important de hausses de taux était déjà prévu et que le marché reste sain. Le timing de la Fed n’est pas si mauvais, malgré les risques de dégradation de l’économie si Omicron s’avérait très dangereux.
Deux scénarios possibles
L’émergence d’Omicron a ajouté une dose d’incertitude non négligeable à la dynamique déjà complexe et à la convergence attendue vers un modèle de croissance/inflation moins volatile et plus durable.
1. Un environnement stagflationniste est à prévoir si une nouvelle pandémie de la même ampleur que celle de 2020 surgit. L’inflation ne décélérera pas comme prévu en 2022, les banques centrales devront se montrer plus agressives et freiner la croissance, qui serait inférieure aux attentes et pourrait se contracter temporairement. Les spreads s’élargiraient encore, les courbes s’aplatiraient, les actions se contracteraient.
2. En revanche, si le nouveau variant s’avère moins dangereux que les précédentes vagues, une grande partie des effets négatifs pourraient déjà être pris en compte dans diverses classes d’actifs, comme les obligations émergentes en monnaie locale ou les papiers à haut rendement.
Dans tous les cas, la capacité à éliminer les risques macroéconomiques indésirables et à sélectionner des obligations sera primordiale, quelle que soit la classe d’actifs. Le marché oscillera probablement entre ces deux scénarios jusqu’à ce que nous en sachions plus sur le variant et la volatilité est là pour rester.