par Patrick de Fraguier, stratégiste chez Amundi Asset Management
Une fois passé l’effet d’annonce du 2ème volet de Quantitative Easing (assouplissement quantitatif) détaillé la semaine dernière par la Fed, l’analyse de la situation actuelle et les perspectives que l’on peut tirer sont assez différentes selon le point d’observation (marché ou macro) que l’on prend. Quelle sera la variable d’ajustement avec un momentum macro plutôt positif, voire meilleur qu’anticipé et un regain de tensions sur quelques dettes souveraines. Quoi qu’il en soit, au moins l’un des deux devra réviser sa position.
Assouplissement quantitatif : ne pas confondre les moyens et les objectifs
Du coté des marchés certains indicateurs sont en phase de modification de comportements relatifs (corrélations) et sont donc troublant en termes d’allocation d’actif et de rebalancement de portefeuille. Si on se concentre sur la Zone Euro, l’état des lieux sur les niveaux de taux et sur les spreads souverain contre l’Allemagne (cf graphe SOVX indice des CDS souverains d’Europe de l’ouest qui progresse à plus de 170 bp) on retrouve soit le plus haut historique sur certains pays soit lune situation extrême du mois de mai avant la mise en place des différents mécanismes d’intervention ( EFSF, FMI,BCE).
Le rôle des banques centrales (avec des objectifs plus ou moins explicites de reflation : soutien ou revalorisation du prix des actifs) et le niveau tout comme la tendance des taux d’intérêts réels donnent un « effet de richesse » positif visant à ressolvabiliser essentiellement les ménages. Cependant l’articulation avec des politiques budgétaires actuellement plutôt dé-coordonnées devrait normalement rajouter de la volatilité sur les marchés.
Cela repose 2 questions qui sont à traiter avec des délais différents :
- d’une part la problématique de la solvabilité,
- d’autre part la soutenabilité de la charge financière induite par les niveaux de spreads via l’impact sur le solde budgétaire primaire d’autant plus que la dynamique du taux d’endettement peut être finalement pénalisée par un newsflow protéiforme défavorable (rythme des recettes fiscales, désaccords politiques internes, difficultés de systèmes bancaires locaux)
Les conséquences de ces regains de tension récents modifient le comportement des classes d’actifs entre elles et notamment la hiérarchie du couple rendement risque. Avec cependant des performances depuis le début de l’année qui sont en ligne avec celles observées sur des moyennes longues ainsi que pour la volatilité telle que mesurée sur les actions par l’indice VIX ou VDAX (respectivement sur le S&P500 et le DAX)
Les risques peuvent devenir asymétriques
Du coté macro donc, l’horizon temporel et les points de rendez-vous ne sont pas les mêmes : les économistes devraient revisiter Irving FISHER grand spécialiste de la crise financière de 1929-30 (analyse de la déflation par la dette) mais aussi célèbre pour sa théorie quantitative de la monnaie (TQM) où il met en évidence l’importance de la vitesse de circulation de la monnaie autant que sa quantité disponible. Comment va le canal du crédit privé et comment stabiliser les ratios d’endettement avec des taux d’emprunt très supérieurs à celui de la croissance nominale.
L'abondance de la liquidité (comme l’illustre bien les évolutions de la Base monétaire) modifie le prix des actifs. Au-delà de l’amélioration de la profitabilité des entreprises et si oui jusqu’où ? Cela modifie le positionnement relatif des « actifs risqués » : dans un contexte d’aversion telle que mesurée par la volatilité des actions, légèrement inférieur à sa moyenne historique.
La balance des différents facteurs positifs (liquidités, profitabilité, volatilité) et négatifs (déficits des finances publiques, faibles anticipations de croissance dans les pays développés) fait bien apparaitre une différence profonde de nature. Ce fossé entre ceux qui pourraient être considérés comme conjoncturels plutôt bien orientés et ceux plus structurels devra être réduit par une amélioration de ces derniers, condition sine qua non d’une vraie bascule vers les actifs risqués illustrable par un « switch » obligations de crédit vers les actions.
En attendant ce moment plus favorable les instruments de crédit sont appréciables.
En attendant ce moment favorable, l’allocataire continue de préférer les titres de crédit (obligations émises par les entreprises privées notamment et la dette émergente). Parmi ceux-ci, les titres à haut rendement bénéficient de conditions techniques et fondamentales développées à plusieurs reprises dans cette publication : baisse des taux de défaut, solde des émissions nettes, ratio up/down grade. Malgré une certaine rigidité des spreads corporate / volatilité spread souverains, le haut rendement devrait quant à lui mieux profiter de la relativement faible aversion au risque (volatilité). La plus forte dépendance du segment « haut rendement » aux marchés actions est toutefois compensée par des niveaux de spread encore attractifs en termes de portage et qui offrent un point mort élevé en cas de tension sur les taux.