par Christine Peltier, Economiste chez BNP Paribas
• La "stabilité" sera la priorité des autorités chinoises jusqu'au 19ème Congrès du Parti Communiste de l'automne 2017, mais ce cap pourrait s’avérer difficile à maintenir.
• Les risques baissiers sur les perspectives de croissance en 2017 sont élevés, et la dynamique des comptes externes pourrait également générer de l'instabilité. Les pressions sur le yuan et les sorties de capitaux, qui se sont accrues depuis quelques mois, devraient persister à court terme.
• La baisse des réserves de change et la dépréciation du yuan sont donc amenées à se poursuivre. Pour les limiter, Pékin n'hésitera pas à durcir ses mesures de contrôle des capitaux.
Priorité à la « stabilité »
Le ralentissement de la croissance économique s’est interrompu depuis le T2 2016 grâce à la politique clairement expansionniste des autorités, et la progression du PIB s’est établie à 6,7% sur l’ensemble de l’année 2016. Pour 2017, nous tablons sur un ralentissement modéré de la croissance. Les facteurs structurels de l’affaiblissement des exportations et de l’investissement manufacturier demeurent (en particulier la perte de vitesse des échanges commerciaux asiatiques et internationaux, la perte de compétitivité de l’industrie et la réduction des capacités de production excédentaires), mais les services et la consommation privée peinent à prendre durablement le relais, contraints par le fléchissement de la hausse des salaires et la lenteur du processus de réformes. Les autorités vont maintenir une politique globalement expansionniste à court terme afin d’atténuer les effets de ces dynamiques. De fait, la « stabilité » restera leur priorité jusqu’au 19ème Congrès du Parti Communiste de l’automne 2017, au cours duquel un grand nombre d’officiels du comité central seront renouvelés, ainsi que cinq des sept membres du comité permanent (le président Xi Jinping et le Premier ministre Li Keqiang seront normalement les seuls à conserver leurs postes pour cinq années supplémentaires). Par conséquent, les efforts de réformes structurelles ne seront poursuivis en 2017 que s'ils ne menacent pas la stabilité du pays, et l’accent sera plutôt mis sur les mesures de stimulation de la demande interne à court terme.
La marge de manœuvre des autorités n’est pas large. La politique monétaire, en particulier, devrait rester très prudente à cause des risques de crédit qui pèsent sur le secteur financier et des risques de sorties de capitaux. En outre, l’inflation reste modérée, mais est repartie à la hausse depuis quelques mois (2,2% en g.a. au T4 2016). La politique « immobilière » (i.e. les règles prudentielles appliquées à l’achat, à la vente et aux prêts dans le secteur) devrait être ajustée pour, à la fois, contenir les risques de bulle et soutenir l’activité, et se révéler de plus en plus différenciée en fonction des régions. Le redressement du marché immobilier en 2016 s’est en effet caractérisé par des divergences marquées entre, d’une part, les grandes villes où les signes de surchauffe ont émergé et déjà forcé les autorités locales à resserrer leur politique et, d’autre part, les villes petites et moyennes où l’augmentation des prix reste plus limitée. Par conséquent, le recours à la politique budgétaire (investissement public, mesures fiscales) devrait être, comme en 2016, l’option privilégiée si davantage de soutien à la croissance s’avérait nécessaire. Les autorités ont établi leurs objectifs pour 2017 lors de la Conférence économique annuelle de décembre. En résumé, la politique monétaire doit être « prudente et neutre » et la politique budgétaire rester « proactive », afin de promouvoir la « stabilité » et « poursuivre la restructuration de l’économie ».
La détermination des autorités à atteindre leurs objectifs ne fait aucun doute, mais le cap sera difficile à maintenir. D’importants risques baissiers pèsent sur les perspectives de croissance. Sur le plan interne, le niveau élevé des risques financiers laisse planer une menace permanente de perturbations dans la distribution du crédit à l’économie. Par ailleurs, un nouveau retournement du marché immobilier est possible en 2017 en cas de resserrement plus généralisé du cadre prudentiel dans le secteur. Sur le plan externe, l’introduction de mesures protectionnistes et des tensions avec les Etats-Unis pourraient pénaliser le commerce extérieur chinois, dans un environnement mondial encore peu porteur. Enfin, l’instabilité pourrait bien venir du côté de la balance des capitaux.
Multiplication des mesures de contrôle des capitaux
Depuis trois ans, les entrées nettes de capitaux étrangers se sont fortement réduites et les sorties nettes de capitaux résidents se sont accrues, en réponse à la dégradation des perspectives économiques et aux changements des anticipations de taux de change, dans un contexte d’ouverture du compte de capital, de réforme du régime de change et d’expansion à l'international des entreprises locales. Le solde de la balance des capitaux, négatif chaque année depuis 2014, devrait représenter près de 6% du PIB en 2016. L’excédent de la balance courante est quant à lui estimé à moins de 3% du PIB. En conséquence de ces dynamiques des comptes externes, les réserves de change ont fondu de 25% depuis leur pic de la mi-2014 pour atteindre le seuil symbolique de USD 3000 milliards à la fin 2016, et le renminbi (RMB) s’est déprécié de 12% contre le dollar sur la même période.
Les sorties nettes de capitaux se sont une nouvelle fois intensifiées au cours des derniers mois de 2016. Avec l'élection du président Trump et la hausse des taux d'intérêt de la Fed américaine de décembre, l'appréciation générale du dollar a alimenté des pressions à la baisse sur le taux RMB/USD – alors que la banque centrale chinoise a accru dans le même temps sa référence, dans la gestion de sa politique de change, au taux du RMB contre un panier de monnaies. Etant donné les hausses de taux d'intérêt américains attendues en 2017, les pressions à la baisse sur le yuan et les fuites de capitaux devraient se poursuivre.
Comme en 2016, les sorties de capitaux devraient avoir un effet restrictif sur les conditions monétaires en Chine et amplifier : i) la baisse des réserves de change, ii) le mouvement de dépréciation du RMB contre dollar, et iii) le risque de renforcement des contrôles de capitaux. De fait, les autorités, donnant la priorité à la stabilité, devraient rester actives sur les marchés des changes (onshore et offshore) pour contenir la dépréciation du RMB contre dollar. En outre, elles préfèreront très probablement imposer de nouvelles mesures de contrôle des capitaux plutôt que laisser le yuan et/ou les réserves chuter trop rapidement. Bien que le stock des réserves soit toujours extrêmement confortable, le rythme de leur variation devient un facteur supplémentaire d’inquiétude pour les investisseurs.
Pékin a renforcé progressivement ses mesures de contrôle des capitaux depuis la mi-2015, et de plus en plus fermement depuis quelques semaines. Les mesures ont concerné un éventail de plus en plus large de transactions et de contreparties. Ainsi, la SAFE (State Administration of Foreign Exchange) a fortement resserré sa surveillance des investissements des résidents à l’étranger et des achats de devises par les particuliers ; l’acquisition d’actifs étrangers non industriels a été temporairement interdite, et certains programmes visant à libéraliser les flux d’investissement chinois sur les marchés actions étrangers ont été suspendus. En outre, depuis quelques jours, les banques se voient imposer des limites de plus en plus strictes sur les montants de transferts de RMB à l’étranger (les RMB sont ensuite convertis sur les marchés offshore).
Toutes ces mesures jettent une ombre sur le processus d’internationalisation du RMB et d’ouverture du compte de capital. A court terme, ce dernier devrait se poursuivre de façon très asymétrique, les contrôles sur les entrées de capitaux étrangers pouvant continuer à être levés (avec un effet incertain sur l’évolution des flux d’investissement) et les contrôles sur les sorties de capitaux étant maintenus ou réintroduits.
Dans ce contexte, notre scénario central pour 2017 table sur une réduction des réserves de change et une dépréciation du RMB contre dollar d’ampleurs relativement similaires à celles de 2016. Par ailleurs, les autorités pourraient continuer à ajuster progressivement leur régime de change. La réforme la plus récente vise à réduire la référence au taux bilatéral RMB contre USD et accroître celle au taux de change effectif. L’indice CFETS (China Foreign Exchange Trade System) de taux de change nominal moyen a ainsi été mis en place depuis novembre 2015, avec un panier de devises de référence initialement de 13 monnaies, et élargi au 1er janvier 2017 aux 24 monnaies des principaux partenaires commerciaux de la Chine.
Après l’introduction du CFETS fin 2015, le RMB a connu une période de dépréciation en termes effectifs permettant de compenser partiellement la forte appréciation des quatre années précédentes. Depuis l’été 2016, avec le renforcement du dollar, la gestion de la politique de change chinoise a, semble-t-il, voulu viser deux objectifs : limiter la dépréciation du taux RMB contre USD, et stabiliser l’indice CFETS. Atteindre ces deux objectifs peut se révéler particulièrement difficile et coûteux en consommation des réserves de change (ce qui a notamment été le cas lorsque les sorties de capitaux et les pressions à la baisse sur le RMB se sont aggravées au T4 2016).
La banque centrale doit, en outre, combattre les anticipations de dépréciation du RMB contre USD (qui alimentent les sorties de capitaux, pouvant alors provoquer des épisodes de stress auto- entretenus). En effet, les pressions à la baisse sur le RMB ont été d’autant plus fortes que les investisseurs, locaux et internationaux, doutent des objectifs de politique de change de Pékin. Renforcer sa crédibilité, notamment au travers d’une meilleure communication, encouragerait les investisseurs à ancrer leurs anticipations davantage sur le taux de change effectif du RMB et moins sur le taux bilatéral RMB contre USD.