par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
La tension monte en Espagne, où es finances publiques sont plus que jamais sous pression. La recapitalisation des banques va augmenter, au moins transitoirement, la dette souveraine ; les dérapages budgétaires des régions restent difficiles à contrôler ; l’activité sera en recul en 2012 (-1,4%), comme probablement encore en 2013 (-1,3% dans nos prévisions) ; les dépenses incompressibles progresseront.
L’Espagne bénéficie pour l’heure d’un ballon d’oxygène offert par l’annonce du programme OMT de la BCE, début septembre. Les spreads espagnols (les écarts au taux allemands) sont retombés à leur plus bas niveau depuis 5 mois, quelles que soient les échéances, éloignant ainsi l’épée de Damoclès que constitue le service de la dette. Mais les partenaires européens s’impatientent. Plus Madrid tarde à demander une aide à l’Europe, plus les rendements sont susceptibles de s’envoler à nouveau. Le vice-président de la Commission européenne, Joaquin Almunia, estimait en début de semaine que l’Espagne devait se décider rapidement sur l’aide éventuelle que pouvaient lui apporter le MES et la BCE. Celle-ci pourrait très bien être différente d’un programme d’ajustement macroéconomique complet, comme dans le cas de la Grèce. Il pourrait s’agir d’une ligne de crédit, s’inspirant de la nouvelle ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI qui donne accès à des financements à six mois.
A cet égard, Mme Christine Lagarde, présidente du FMI, a annoncé qu’une équipe du Fonds était arrivée en Espagne depuis la semaine dernière, afin d’aider le gouvernement à déterminer les mesures nécessaires à mettre en place. Ceci laisse présumer que le gouvernement espagnol pourrait prochainement présenter un programme d’ajustement.
Pourquoi alors attendre plus longtemps? Le ministre de l’Economie, M. de Guindos, y est favorable. Il a fait savoir à l’Eurogroupe, vendredi dernier, que Madrid présenterait un nouvel ensemble de mesures structurelles, assorti d’un calendrier détaillé d’ici le 27 septembre, date de présentation du budget 2013. Mais, le Premier ministre, M. Rajoy, ne serait pas pleinement convaincu de la nécessité d’une aide financière globale au-delà des EUR 100 milliards déjà promis au FROB (le fonds espagnol de restructuration ordonnée des banques) par les Européens, dans le cadre du FESF.
En jouant la montre, le gouvernement risque de se faire dicter une action en urgence par les marchés. Il doit franchir plusieurs étapes, sans les décevoir, s’il ne veut pas que ce soit le cas. La première est la publication des résultats complets des nouveaux stress tests le 28 septembre. Cet audit indépendant est mené auprès de quatorze établissements bancaires représentant 90% du secteur. Les établissements, qui ne pourront satisfaire seuls à leur besoin de recapitalisation, recevront l’aide financière européenne mais ils devront préalablement être restructurés conformément aux plans approuvés par la Commission européenne. Les premières estimations faites en juin tablaient sur EUR 60 milliards, un montant inférieur à l’enveloppe prévue par le programme européen. Selon les dernières données publiées par la Banque d’Espagne, le taux des créances douteuses détenues par le système bancaire espagnol s’est inscrit à près de 10% en juillet, le niveau le plus élevé depuis le début de la série en 1962, soit EUR 170 milliards.
La seconde étape est politique. A quelques semaines des élections générales organisées au Pays basque et en Galice le 21 octobre, le gouvernement de M. Rajoy redouterait avant tout le coût politique d’un sauvetage financier. Se mettre sous aide internationale reviendrait probablement à se voir imposer plus de rigueur, après avoir déjà lancé un plan drastique de réduction des dépenses, 102 milliards d’ici à 2014. Pas un budget n’est épargné : baisse des salaires des fonctionnaires, réduction des prestations chômages, hausse de trois points de la TVA. En outre, les dix-sept régions autonomes, qui gèrent leurs systèmes de santé et d’éducation, parviennent difficilement à tenir le cap de la rigueur et rencontrent de nouvelles difficultés de trésorerie (en 2011, elles ont été responsables des deux tiers du dérapage budgétaire constaté). Fin août, la Catalogne qui représente 20% de l’activité nationale, a sollicité un prêt de EUR 5 milliards au Fonds régional de liquidité, créé le 13 juillet dernier. Elle doit ramener son déficit à 1,5% du PIB régional cette année après 3,7% en 2011. Valence et Murcie ont aussi fait appel au Fonds. Les deux régions demandent près de EUR 4 milliards supplémentaires. A elles trois, ces régions ont déjà absorbé près de la moitié de l’enveloppe du Fonds (EUR 18 milliards au total).
Les marchés financiers constituent la troisième étape. Après le succès des émissions à 12 et 18 mois en début de semaine, puis de celles à 3 ans et à 10 ans jeudi, le vrai test devrait arriver fin octobre, avec une tombée de EUR 20 milliards. Mais le gouvernement Rajoy pourra-t-il attendre encore jusque-là ?