par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Natixis AM
La zone Euro apparaît aujourd’hui comme un havre de stabilité. L’élection d’Emmanuel Macron et ses relations fortes avec Angela Merkel ont nourri les attentes d’une économie qui retrouve une croissance plus robuste et d’un espace politique qui veut se donner les moyens nécessaires pour se réformer afin de s’inscrire encore davantage dans la durée.
Cette rupture est remarquable car il y a 6 mois à peine on ne donnait pas cher de la zone Euro. La montée attendue du populisme lors des diverses élections devait fragiliser la construction européenne au risque de créer une dynamique moins coopérative et plus antagoniste.
En ce début du mois de juillet 2017, on relève qu’il n’en est rien et que les électeurs européens n’ont pas suivi le chemin choisi par les Etats-Unis et la Grande Bretagne. L’élection présidentielle en Autriche a repoussé bien loin les voix populistes, aux Pays-Bas le parti nationaliste a largement échoué. C’est également le cas en France où la victoire d’Emmanuel Macron est un signal fort des français en faveur de l’Europe. Les élections générales en Allemagne de septembre prochain ne devraient pas échapper à Angela Merkel. L’AFD ne fait plus figure d’épouvantail et son score sera très probablement autour de 8% si l’on suit les derniers sondages. On voit même que le UKIP le parti anglais qui avait fait campagne contre l’Europe au référendum du 23 juin 2016 a quasiment disparu lors des élections générales du 8 juin.
Ce changement politique en zone Euro résulte des incertitudes provoquées par les élections américaines et le référendum britannique. Personne en Europe n’a voulu entrer dans cette logique non coopérative car ce n’est pas cela qui a fait l’Europe au cours des 60 dernières années. Les partis populistes qui ont perdu lors de l’ensemble de ces élections prenaient les consultations dans les pays anglo-saxons comme des références à suivre. Les Européens ont été plus sages et n’ont pas voulu suivre cette voie.
Cette rupture politique, l’idée que le populisme pourrait être une idée passée, qu’il n’y a pas de déterminisme au démantèlement des constructions européennes et ces espoirs sur la capacité de renouvellement européen via le couple franco-allemand provoquent un vent d’espérance pour les Européens. D’ailleurs l’enquête du PEW Research Center du 15 juin 2017 (voir ici) sur la perception de l’Europe s’est nettement améliorée en 2017 par rapport à 2016. Au sein de chacun des pays européens, les populations ont une perception et des attentes positives sur l’Europe. Seule la Grèce est en retrait mais l’on sait pourquoi.
J’insiste sur ces points car ils ont de l’importance dans le retournement cyclique que connaît aujourd’hui l’économie de la zone Euro. Ils ont aussi une importance capitale aussi dans la façon dont le reste du monde perçoit la zone Euro. Ce sont ces transformations qui sont majeures et essentielles pour comprendre l’euphorie qui est en train de gagner l’Europe sauf les britanniques.
Le retournement cyclique en économie traduit de nombreuses conditions macroéconomiques nécessaires à cette amélioration. Mais c’est aussi le changement de perception que les acteurs de l’économie peuvent en avoir sur leur futur. La disparition du risque de démantèlement de la construction européenne, la possibilité de créer un avenir en Europe parce que ses dirigeants le souhaitent et des conditions financières qui restent favorables sont autant d’éléments qui permettent de percevoir l’avenir sous un angle différent. Les acteurs de l’économie prennent acte de ces ruptures et se les approprient. D’un seul coup la situation n’est plus la même. C’est pour cela que l’élection d’Emmanuel Macron est importante et c’est aussi pour cela qu’il est condamné à réussir.
Ce changement de décor contraste bigrement avec les incertitudes provoquées par Donald Trump aux USA ou avec les atermoiements de Theresa May au Royaume Uni. L’un et l’autre font apparaître un risque nouveau.
Aux USA, les tensions entre certains Etats et l’Etat fédéral sur la question de la sécurité sociale ou encore du changement climatique sont révélatrices d’une défiance nouvelle outre-Atlantique. Les Etats-Unis n’apparaissent plus aussi homogènes que par le passé et la versatilité des tweets de son Président accentue ce malaise puisque désormais cela ne concerne plus simplement l’Amérique mais celle-ci et ses relations avec le reste du monde.
Au Royaume Uni la position de Theresa May depuis les élections du 8 juin est très inconfortable et l’on perçoit une absence de stratégie dans la négociation avec l’Union Européenne sur le Brexit. C’est la plus mauvaise stratégie pour les britanniques.
La zone Euro apparaît dès lors aujourd’hui comme la zone de stabilité. Elle a su faire preuve de maturité politique et ses dirigeants sont conscients du rôle historique qu’ils doivent tenir pour renouveler et consolider les institutions. Elle doit réussir et chacun a envie de faire ce pari. Outre le changement de perception, cela se traduit par d’importants capitaux qui arrivent de partout dans le monde afin de profiter de ce renouveau sans prendre des risques excessifs relativement au Royaume Uni et aux Etats-Unis.
L’activité économique va en bénéficier et si les européens ne déçoivent pas alors on peut avoir de bonnes surprises sur la croissance. La BCE pourra alors vouloir la réguler afin d’éviter que cela n’engendre des déséquilibres nouveaux. Mais elle doit prendre son temps et donner à cette reprise la durée nécessaire pour prendre de l’ampleur.
La dynamique politique a changé, la politique économique est plus lisible et le reste du monde développé est dans une situation plus précaire. C’est une opportunité pour l’Europe et la zone Euro.
Profitons de ce moment pour mettre tous les atouts de notre côté afin de réussir ce défi de remettre l’Europe au cœur de la dynamique globale. C’est le défi de chacun d’entre nous en Europe.