Portugal : le paradoxe du bon élève

par Thibault Mercier, économiste chez BNP Paribas

En dépit des satisfecits trimestriels de la Troïka (Commission Européenne, FMI, BCE), le Portugal est encore loin des objectifs fixés au moment de la signature du programme, en mai 2011. Un retour sur les marchés financiers au troisième trimestre 2013, tel que prévu dans le plan de financement, apparaît compromis : malgré une certaine détente, les taux à 10 ans demeurent très élevés, à plus de 10%.

Une extension de l’aide financière internationale, voire un second programme pluriannuel, sont de plus en plus probables. La rigoureuse application des mesures du programme n’est pas suffisant pour réduire les déficits publics dans les proportions escomptées mais plaide en faveur d’un soutien renouvelé des créanciers internationaux. La nécessité d’assurer le financement sur 12 mois des Etats sous programme (FMI) devrait conduire à l’ouverture prochaine des négociations.

Potion amère

Le gouvernement portugais s’est engagé à ramener le déficit public à 4,5% du PIB cette année contre 7,6% du PIB en 2011 (hors transferts exceptionnels)1. L’ajustement est ambitieux, tout comme les moyens déployés : le Portugal est le pays de la zone euro qui engage les efforts de consolidation budgétaire les plus importants en 2012. Selon la Commission européenne ils représentent 5,4 points de PIB. Par ailleurs, le pays a engagé toute une série de réformes structurelles destinées à rendre son économie plus flexible, plus productive et plus compétitive. L’objectif est de résorber les déséquilibres extérieurs de l’économie portugaise et ainsi de limiter sa dépendance aux flux de capitaux étrangers.

Malgré l’ampleur des mesures, le déficit public sera probablement supérieur à 5% du PIB cette année. La récession ne devrait pas être plus profonde que prévu, à -3%, mais le passage, souhaité, d’un modèle de croissance tirée par la demande intérieure à un modèle de croissance tirée par le commerce extérieur est plus brutal qu’anticipé et s’accompagne d’une perte importante en recettes fiscales. Le dynamisme des exportations compense partiellement la chute de la demande intérieure mais ne se traduit pas en recettes de TVA.

Par ailleurs, les secteurs de biens et services échangeables (i.e. ouverts à la concurrence internationale) génèrent davantage de gains de productivité mais moins d’emplois que les secteurs abrités. L’évolution vers une économie plus compétitive et productive se fait donc au prix d’un chômage plus important et d’une base fiscale réduite. Ainsi, le taux de chômage prévu à 13,5%, devrait finalement atteindre 15,5% en 2012. Cela pèse sur les comptes sociaux et, de manière générale, ralentit l’assainissement des finances publiques. Sur les cinq premiers mois de l’année, le déficit de l’Etat (hors entreprises publiques) est déjà largement supérieur à celui de l’an dernier. Entre janvier et mai il a atteint 1,2 milliards d’euros (contre 0,2 milliards en 2011). Hormis les effets saisonniers, liés notamment à un service de la dette concentré sur le premier trimestre, les chiffres du ministère des Finances révèlent que les recettes de TVA ont baissé de 5,7% par rapport à 2011 tandis que les dépenses d’allocation chômage ont bondi de 20%.

Le spectre grec

Le Portugal pourrait ainsi être le deuxième pays après la Grèce à solliciter un renouvellement de l’aide financière auprès de la Troïka. Comme nous l’avons déjà souligné, les situations grecques et portugaises sont radicalement différentes tant du point de vue de l’ampleur des difficultés économiques que de leur nature. Un deuxième plan d’aide ne s’accompagnerait pas automatiquement d’une restructuration de la dette publique portugaise, d’autant que les leaders européens ont rappelé à de multiples reprises l’unicité du cas grec. Pour autant, la philosophie qui gouverne l’aide financière du FMI consiste à restructurer une dette jugée insoutenable préalablement à l’injection de nouveaux fonds. Les atermoiements des autorités européennes à reconnaître l’insolvabilité de l’Etat grec jusqu’à la négociation du second plan d’aide laissent penser que l’analyse de la soutenabilité de la dette portugaise au moment de négocier de nouveaux prêts sera plus sourcilleuse. A l’heure où la participation des créanciers privés juniors au plan de sauvetage des banques espagnoles est acquise, que la BCE semble changer de politique sur la question du partage du fardeau (burden-sharing) et que l’idée de « bail-in » (absorption interne des dettes) émerge en complément de celle de « bail-out » (injection de fonds publics), la négociation d’une nouvelle aide financière devrait ramener le Portugal, jusqu’alors discret, sur le devant de la scène.

NOTES

1 Le gouvernement a affiché un déficit public de 4,1% du PIB en 2011.Ce chiffre prend en compte le transfert des fonds de pension bancaires vers le système de Sécurité Sociale national. En excluant ce transfert, dont l’effet ne se fait sentir que sur les comptes publics de 2011, le déficit public est de 7,6% du PIB.

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