par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
La semaine a été marquée par la publication des Minutes relatives aux dernières réunions de la Réserve fédérale (28 et 29 avril) et de la Banque d’Angleterre (6 et 7 mai).
Aux Etats-Unis, la Banque centrale a souligné que les conditions sur les marchés financiers s’étaient améliorées et que le rythme de recul de certaines des composantes du PIB s’est modéré récemment, en mettant en avant la consommation des ménages.
Par ailleurs, si le marché immobilier demeure déprimé, il pourrait bien avoir atteint un plancher en février et mars. Cela, conjugué à un recul moins accentué des stocks des entreprises et à l’importance des dépenses publiques, devrait permettre une reprise de l’économie au cours du second semestre. Toutefois, l’investissement productif et l’emploi sont très mal orientés.
Cette appréciation d’une amélioration de la situation économique n’est pas contradictoire, au delà des apparences, avec la révision à la baisse des prévisions de croissance et d’emploi de la Fed.
En effet, les précédentes projections avaient été présentées le 28 janvier, soit deux jours avant la publication de la première estimation du PIB pour le quatrième trimestre 2008, qui était ressortie à -3,8 t/t (rythme annualisé). Depuis lors, le repli a été nettement revu, à -6,3% t/t. En outre, la première estimation du PIB pour le T1 2009, cette fois, a indiqué un retrait de 6,1% t/t, une bien plus mauvaise performance que ce qui était anticipé par la Fed en début d’année. De façon analogue, les pertes d’emplois au T1 ont été bien supérieures aux anticipations (de la Fed comme du marché). Ces mauvais chiffres passés suffisaient à rendre les projections précédentes de la banque centrale irréalistes. Dès lors, il n’est pas étonnant (bien que cela ait secoué les marchés) que celle-ci attende désormais un recul de l’activité en glissement annuel au T4 2009 compris entre 1,3% et 2%, contre un intervalle de -0,5% à -1,3% pour les prévisions de janvier, et une montée du chômage entre 9,2% et 9,6% au T4 2009, contre une fourchette de 8,5% à 8,8% attendue en janvier.
Les projections pour 2010 ont également été révisées à la baisse (plus légèrement) en termes de croissance du PIB et à la hausse en matière de taux de chômage (ces dernières demeurant, néanmoins, trop optimistes). Cependant, la Fed attend toujours une reprise relativement nette, avec une progression de 2,0 à 3,0% en g.a. au T4 2010, la croissance du PIB approchant même 5% à la fin de 2011. Enfin, les prévisions d’inflation ont très peu changé, le glissement annuel de la composante sous-jacente du déflateur des dépenses de consommation étant supposé s’inscrire dans l’intervalle (1,0% – 1,5%) au T4 2009.
Il ressort des Minutes que la Réserve fédérale ne veut prendre aucun risque de voir la reprise avorter. La politique monétaire va demeurer accommodante plus longtemps que ne l’anticipent les marchés aujourd’hui. De fait, la Banque centrale serait plutôt portée à augmenter les achats de titres, au moment où la reprise se matérialisera, afin d’assurer, puis de renforcer celle-ci.
La BoE ne dit pas autre chose au travers des minutes de sa réunion de mai. A cette occasion, une enveloppe supplémentaire de GBP 50 mds, avait été allouée au programme de rachats d’actifs de la Banque d'Angleterre, le portant à un montant total de GBP 125 milliards (soit 10% du PIB du Royaume-Uni). Une nouvelle augmentation est envisageable. Certes, les premiers effets des mesures quantitatives ont été modestes, mais le CPM considère qu’il faut du temps pour les évaluer avec précision. Par ailleurs, la Banque d’Angleterre demeure prudente face aux signes d’embellie de la conjoncture économique.
La stratégie de sortie d’une politique monétaire très accommodante et d’une politique budgétaire très expansionniste est extrêmement délicate. La tâche risque d’être particulièrement ardue pour le Royaume-Uni. Sous l’effet des deux programmes de relance annoncés (l’un en novembre 2008 et l’autre en avril dernier) dont le cumul atteint 1,6% du PIB d’une part, et de la baisse des recettes fiscales et de la hausse des dépenses (allocations chômage, etc.) liées à la récession d’autre part, le déficit pourrait atteindre 12,4% du PIB en 2009/10. Le Chancelier de l’Echiquier estime que le déficit pourrait être encore de 5,5% à l’horizon 2013/14, sous l’hypothèse d'un scénario de croissance pourtant plutôt favorable.
Dans ces conditions, le déficit public ne renouera certainement pas avec des niveaux soutenables pendant la prochaine législature, ni probablement au cours de la suivante. Pour la première fois, l’agence de notation Standard & Poors a revu à la baisse, de stable à négative, sa perspective sur la notation AAA de la dette du Royaume-Uni. S&P estime que, même en escomptant un resserrement budgétaire ultérieur, la dette pourrait approcher 100% du PIB et se maintenir à ce niveau à moyen terme.…