par Christopher Dembik, Economiste chez Saxo Banque
Le retour de l’aversion au risque en ce début d’année s’explique par la conjonction de trois facteurs : la baisse sans précédent du prix du baril de pétrole, le retour de la crise souveraine européenne par le truchement de la Grèce et, enfin, les fortes attentes de la part des opérateurs vis-à-vis de la BCE.
C’est toutefois, à court terme, certainement l’échéance électorale grecque qui provoque le plus d’inquiétudes. Donnée nouvelle, elle est intégrée par les investisseurs dans les prix offerts par le marché, ce qui a entraîné la forte chute des indices en ces premiers jours de janvier.
Le risque politique ne peut pas être appréhendé parfaitement, c’est pour cela qu’il peut causer d’importantes perturbations sur les places boursières.
A propos de la Grèce, nous avons toutefois quatre certitudes :
– La Grèce ne sortira pas aujourd’hui ni demain de la zone euro mais la question pourrait se poser à plus long terme car le pays n’a toujours pas renoué avec la compétitivité et son endettement s’est considérablement alourdi à cause des errements de l’austérité aveugle. A court terme, il n’y a aucune raison qu’après les efforts massifs consentis par les Grecs et la solidarité manifestée par les autres pays de la zone euro que Syriza et / ou la troïka choisissent la voie de la rupture et le retour à la drachme. Les récentes tribulations allemandes pour faire pression sur la Grèce sont vaines et ne traduisent très certainement pas un changement réel de ligne politique à Berlin.
– L’Europe n’est pas complètement armée pour faire face à un défaut souverain de la Grèce. En dépit des garde-fous que constituent le MES et le programme OMT de la BCE, il sera très difficile de circonscrire les conséquences d’un Grexit. Les précédents historiques montrent qu’il est quasiment impossible de maintenir en l’état une union monétaire lorsque le processus de décomposition a commencé. Les marchés financiers ne manqueront pas de se tourner vers les autres pays vulnérables où la croissance est atone voire négative, où l’inflation est problématique et où la soutenabilité de la dette est une question ouverte. On pense bien-sûr à l’Italie mais également, dans une moindre mesure, à la France qui ne peut pas se satisfaire de son statut de moins mauvais emprunteur de la zone euro.
– Il parait indéniable que la prochaine réunion de la BCE qui doit, à en croire le consensus, conduire à l’annonce d’un QE souverain, sera parasitée par les élections législatives en Grèce qui auront lieu le 25 janvier. Il n’est pas certain que la BCE soit à l’aise de lancer officiellement un vaste programme de rachats de dettes souveraines avant même que le nouveau gouvernement grec soit constitué et que son agenda politique soit dévoilé. Il y a donc un risque élevé de déception du marché lors de la journée du 22 janvier.
– Les conséquences d’un Grexit sont mal connues et difficiles à estimer. Les chiffres de plusieurs dizaines de milliards d’euros qui sont évoqués peinent à prendre en compte toutes les conséquences possibles. On peut toutefois considérer qu’un scénario catastrophe pour les économies nationales n’est pas automatique. Le risque de bond de l’inflation n’est pas inévitable et dépendra étroitement des choix de politique monétaire et de politique budgétaire. Surtout, les économies ont de fortes chances de s’adapter en l’espace de seulement quelques années au nouveau paradigme en réorientant leur offre vers les nouveaux marchés qui seraient apparus. C’est la conclusion qu’on peut tirer notamment de l’éclatement de l’Empire austro-hongrois. A défaut de permettre d’envisager avec précision l’avenir, l’Histoire peut fournir un éclairage intéressant.