par Ibrahima Kobar, CFA, Directeur des gestions chez Ostrum Asset Management
Le pivot inflation-croissance. Nous avions écrit, il y a deux mois, que le marché allait pivoter d’une obsession sur l’inflation à des craintes sur la croissance. Nous y sommes. Les chiffres des enquêtes envoient, finalement, des signes univoques de ralentissement et la courbe s’est considérablement ajustée depuis mi-juin, en particulier en anticipant des politiques monétaires beaucoup moins agressives à mesure que les données se détérioraient.
Si l’inflation, et sa résilience, ne font plus vraiment débat, les profils de croissance sur la seconde partie de l’année sont beaucoup plus discutés. La divergence des prévisionnistes est forte, signe d’un manque de visibilité croissant et source de volatilité sur les marchés. L’INSEE, par exemple, estime que les transferts budgétaires vont soutenir la consommation, et donc permettre d’éviter une récession. À l’opposé, des scénarios très pessimistes existent dans l’hypothèse, en particulier, d’un resserrement monétaire trop fort qui casserait la croissance.
S2 : image miroir de S1 ? Notre scénario est médian, avec un fort ralentissement, mais une récession qui reste « technique ». Dans ce cas, les Banques centrales lèveraient le pied sur leurs velléités de monter les taux et reviendraient sur un mandat plus dual. Avec quelques mois de retard sur les marchés, l’obsession sur l’inflation se mâtinerait donc de craintes sur la croissance. Dans ce cas, le pic des taux souverains pour cette année serait alors derrière nous.
La vitesse du ralentissement est aussi un élément clef pour les actifs risqués. Paradoxalement, notre « récession technique » constitue plutôt un scénario constructif pour les actifs risqués, qui ont beaucoup souffert sur la première moitié de l’année. Les valorisations sont cohérentes avec un scénario économique très dégradé : si le ralentissement est mesuré et les resserrements monétaires ralentissent, cela pourrait donc constituer un appel d’air vers le haut.
La seconde moitié de l’année serait alors, en partie, une image miroir de la première moitié, avec des taux qui cessent de monter et des actifs risqués plus positifs.
Bien sûr, tout ceci implique que l’économie mondiale ne doive pas absorber une crise de plus : si, par exemple, la Russie arrêtait ses livraisons de gaz, la croissance mondiale, et particulièrement européenne, serait beaucoup plus affectée.