par George M. Muzinich, Fondateur de Muzinich & Co.
Nous tournons la page de 2012 avec davantage de questions que de réponses. Les taux d’intérêt ont touché des points bas historiques durant l’année et restent depuis lors à des niveaux extrêmement faibles. Pendant combien de temps encore les taux d’intérêt pourront- ils rester à de tels niveaux sans induire des distorsions de marché, qui sont source d’instabilité et risquent d’alimenter une nouvelle bulle du crédit ? Les réformes fiscales et la rigueur budgétaire demeurent des objectifs bien illusoires. Le progrès politique reste centré exclusivement sur le court terme, avec des solutions palliatives très temporaires. On ne peut que constater un manque flagrant de courage politique face au besoin impérieux de trouver une solution aux niveaux intenables d’endettement.
Le récent accord législatif qui a permis d’éviter le «mur budgétaire» («fiscal cliff») aux Etats-Unis, illustre parfaitement le problème. Le Congrès a relevé les impôts pour les plus riches, optant pour la solution politique de facilité. Toutefois, cette mesure n’aura qu’un impact limité sur la réduction du poids de la dette. Le véritable problème sous-jacent des prestations retraites a été laissé en suspens. Aux Etats-Unis, nous avons été nombreux à critiquer abondamment les Etats européens pour leur incapacité à résoudre leurs difficultés structurelles. Mais l'Amérique, qui ne fait que reculer pour mieux sauter, mérite désormais également son lot de critiques similaires.
Dans un récent commentaire sur les perspectives pour 2013, Michael Cembalest de JPMorgan a déclaré "qu'Il n'est pas exagéré de dire que nous assistons actuellement à la plus importante expérimentation politique de ces trois derniers siècles ». Ces expériences impliquent des volumes inégalés en temps de paix d’emprunts étatiques, une expansion significative des bilans des banques centrales et un recours colossal à la planche à billets. Nous n’avons aucune idée de la manière dont ces expériences se solderont, ni de leurs conséquences involontaires.
Aux Etats-Unis, les perspectives à court terme s’améliorent. L’immobilier résidentiel s’est stabilisé et commence à afficher une légère reprise. Les bilans des ménages sont plus robustes et l’incertitude associée au « fiscal cliff » s’est enfin dissipée. Les entreprises ont pour la plupart refinancé leurs échéances à court terme et bénéficient de liquidités abondantes. Cependant, à plus long terme, les perspectives restent parfaitement incertaines. Le problème de l’envolée de la dette persiste et l’énorme problème des prestations retraite n’a toujours pas été abordé. A moins de développer une politique qui nous permette de faire face à nos déséquilibres structurels, nos obligations de paiement à long terme pénaliseront toute perspective de croissance économique.
A court terme, les perspectives restent sombres en Europe. L’Irlande et les pays moins robustes du sud restent englués dans un environnement marqué par un taux de chômage élevé et des perspectives de croissance atones. Dans les mois à venir, des élections se tiendront en Italie, dont l’issue reste à ce jour très incertaine, tandis que l’Irlande et l’Espagne tentent toujours de faire face aux répercussions d’une crise bancaire majeure. La France, qui croule sous le poids de son secteur public et de sa dette, n’a toujours pas entrepris les réformes significatives qui s’imposent. Cependant, à l’exception de la France, les perspectives à plus long terme de l’Europe semblent quelque peu s’éclaircir. La situation de nombreux pays européens reste indiscutablement délicate, mais leur compétitivité s’améliore progressivement au fur et à mesure que ces pays tentent d’améliorer leurs recettes fiscales, assouplissent leur législation du travail et allègent les coûts intenables de leur secteur public. Ils commencent, ce faisant, à s'attaquer aux problèmes structurels.
Deux « risques extrêmes » continuent de peser sur l’économie : l’inflation et la stagnation. L’inflation ne semble pas constituer un danger imminent à ce stade, mais il ne doit pas pour autant être ignoré. Nous avons déjà semé les graines de l’inflation. Nous avons fait tourner à plein régime la planche à billets et les prix des matières premières n’ont cessé d’augmenter au cours des deux dernières années. Lorsque l’écart de production se sera légèrement resserré, les marchés financiers pourraient commencer à craindre l’effet dépréciateur sur les marchés des changes induit par les politiques d’assouplissement quantitatif durables et exercer une pression à la hausse sur les taux d’intérêt. La stagnation économique constitue l’autre risque extrême majeur. Il est fort probable que nous soyons au début d’une période prolongée de stagnation comparable à celle observée au Japon et au sein de plusieurs pays européens. Les pays développés, freinés par des tendances démographiques peu favorables, cherchent laborieusement à relancer leur croissance économique. Nous pourrions être à l’aube d’une période prolongée de croissance extrêmement anémique.
Ces risques extrêmes ne doivent en aucun cas être ignorés. L’inflation pourrait avoir un effet catastrophique pour les détenteurs d’emprunts d’Etat « sûrs ». La stagnation, quant à elle, générerait un contexte particulièrement difficile pour les actions, dont les marchés récompensent la croissance des bénéfices. Les obligations d’entreprises à haut rendement pourraient offrir un compromis attrayant, dans la mesure où la classe d’actifs devrait relativement bien résister dans l’un ou l’autre de ces scénarios, compte tenu des revenus élevés du coupon et de leur duration généralement courte. Avec un peu d’espoir, nous devrions parvenir à générer une croissance modérée et éviter l’une et l’autre de ces extrêmes. Si tel est le cas, les actions et le high yield devraient réussir à tirer leur épingle du jeu et générer des performances satisfaisantes. Espérons que nous ferons preuve de la sagesse suffisante pour parvenir à nous sortir, bon an mal an, du malaise économique actuel.
Les rendements des emprunts d’Etat dits « sûrs » ont touché des points bas historiques. Ces niveaux pèsent également sur les rendements des obligations d’entreprises, qui ont été fortement tirés à la baisse. Cependant, les spreads restent proches de leur moyenne historique et devraient rester à ces niveaux, voire continuer de se resserrer légèrement, compte tenu des cash-flows et des fondamentaux particulièrement robustes des entreprises. En termes de couple rendement/risque, les obligations d’entreprises restent très attrayantes.
Notre politique d’investissement restera centrée sur les entreprises présentant des business modèles et des niveaux de crédit robustes, leur permettant de faire face à des phases de volatilité sur les marchés. Nous resterons très attentifs au risque de duration et au risque de crédit. Nous continuerons de rechercher des revenus réguliers via les coupons versés par des entreprises à même de payer les intérêts de leur dette et de préserver le principal dans plusieurs configurations économiques.