Par Jean-Marc Lucas, économiste chez BNP Paribas
La réforme du système de santé américain revient sur le devant de la scène, Barack Obama en ayant fait sa priorité sur le plan interne.
Un large accord prévaut sur les principales insuffisances du système de santé aux Etats-Unis : un peu plus de 15% de population ne dispose de couverture santé d’aucune sorte ; le coût de la santé est très élevé ; les performances sanitaires apparaissent médiocres.
Le projet de réforme dessiné s’appuierait notamment sur l’instauration, d’ici à quatre ans, d’un marché des assurances sur lequel les assureurs devraient respecter des règles plus strictes.
Le principal point de controverse entre démocrates et républicains porte sur la mise en place, ou non, d’une assurance publique, qui concurrencerait les assurances privées.
Les opposants craignent par ailleurs que la réforme ne se solde par un emballement des dépenses. D’un coût brut estimé à 900 milliards de dollars par Barack Obama, la réforme serait, selon lui, neutre pour le déficit public, étant financée par des économies sur les dépenses de santé ainsi que par des contributions supplémentaires.
La réforme du système de santé américain revient sur le devant de la scène, Barack Obama en ayant fait – très logiquement au vu de l’ampleur des dysfonctionnements et des conséquences en jeu – sa priorité sur le plan interne. Nous revenons ici sur les principaux enjeux et les solutions actuellement discutées.
Un accord sur le diagnostic
Un large accord prévaut sur les principales insuffisances du système de santé aux Etats-Unis. – Un peu plus de 15% de population ne dispose de couverture santé d’aucune sorte (15,3% en 2007, soit 46 millions de personnes).
- Le coût de la santé est très élevé. Les dépenses de santé ont crû à un rythme sensiblement supérieur à celui du PIB au cours des dernières décennies. Elles représentent désormais une part du PIB bien plus conséquente que par le passé : 16,2%, contre moins de 10% au début des années 1980. Cette proportion est aussi nettement plus élevée que celle affichée par les autres pays développés : elle n’est que de 9% en moyenne au sein de l’OCDE (le deuxième ratio le plus haut au sein de cet ensemble de pays n’étant que de 11%, en France). Le coût de la santé pèse sur le pouvoir d’achat des ménages (pouvant même parfois être responsable de faillites personnelles), handicape les entreprises (qui acquittent une bonne part des primes d’assurance de leurs salariés, en général) et apparaît, de loin, comme le premier facteur d’aggravation des perspectives de long terme en matière de finances publiques (à travers l’alourdissement du coût des programmes Medicare et Medicaid).
- En dépit de dépenses de santé exceptionnellement élevées, les performances sanitaires apparaissent médiocres, au regard des grands critères usuels. Les Etats-Unis affichent ainsi une espérance de vie à la naissance légèrement inférieure à celle de l’OCDE (respectivement 78,1 ans et 79 ans), et un taux de mortalité infantile plus élevé (respectivement 6,7‰ et 4,8‰).
Naturellement, ces différents problèmes ne sont pas indépendants les uns des autres. En particulier, si la part de la population sans assurance santé est si importante, c’est parce que le coût de l’assurance est très onéreux pour les ménages qui ne sont pas éligibles à Medicare ou Medicaid et qui ne disposent pas d’une assurance d’entreprise.
Sur ces constats, démocrates et républicains peuvent aisément tomber d’accord, même si les premiers insistent davantage sur la nécessité de couvrir une fraction plus large de la population quand les seconds mettent plus volontiers l’accent sur la nécessité de baisser le coût de la santé.
La ligne fixée par Barack Obama
Devant l’absence de consensus entre démocrates et républicains au sujet des différentes versions de la réforme du système de santé en discussion à la Chambre des Représentants ou au Sénat, Barack Obama est intervenu le 9 septembre pour insister sur la nécessité de parvenir à un accord et préciser les objectifs à atteindre. Selon lui, la réforme du système de santé doit poursuivre trois objectifs majeurs : apporter plus de stabilité à ceux qui ont une assurance ; fournir une assurance à ceux qui n’en ont pas ; ralentir la croissance du coût de la santé.
Sur la façon d’y parvenir, Barack Obama a tenté de dessiner une voie médiane entre ceux qui réclament, à sa gauche, l’instauration d’un système public (« single-payer system ») et ceux qui demandent, à sa droite, l’abolition du système actuel où les assurances sont majoritairement fournies par le biais des employeurs. Il a ainsi indiqué être plus enclin à amender le système actuel qu’à le bouleverser.
Des règles nouvelles pour les assureurs (surtout), les ménages et les entreprises
Le projet de réforme dessiné s’appuierait notamment sur l’instauration, d’ici à quatre ans, d’un marché des assurances (« national healthcare insurance exchange »), sur lequel les assureurs devraient respecter les règles suivantes : pas de refus d’assurance en raison d’antécédents médicaux, pas d’arrêt (ni de diminution) de la couverture pour cause de maladie, pas de sélection des profils présentant le moins de risques, couverture des soins de routine et des soins préventifs sans surcoût.
Les ménages seraient, de leur côté, obligés de se doter d’une assurance minimale. Les moins aisés d’entre eux seraient subventionnés pour en contracter une. Quant aux entreprises d’une certaine taille, elles devraient proposer une assurance à leurs salariés, ou bien payer une contribution à un fonds public (« pay or play rule »).
L’option publique au centre des débats
Le principal point de controverse entre démocrates et républicains porte sur la mise en place, ou non, d’une assurance publique, qui concurrencerait les assurances privées (« public option ») et inciterait ces dernières à être moins chères. Cette option publique ne serait accessible qu’aux personnes sans assurance et ne serait pas subventionnée par les contribuables (elle fonctionnerait à partir des primes collectées). Barack Obama estime ainsi que 5% de la population environ (seulement) contracterait cette assurance publique.
L’idée d’une option publique est soutenue par la grande majorité du camp démocrate et fortement combattue par le camp républicain (qui y voit une prise en main du système de santé par l’Etat).
Barack Obama a confirmé le 9 septembre être partisan de cette option publique. Cependant, conscient que ce point rend l’obtention d’un accord bipartisan quasiment impossible, il n’en fait pas une condition sine qua non pour son soutien au texte, indiquant que d’autres moyens de parvenir à des objectifs similaires (baisse des coûts des assurances) peuvent être considérés.
Pour éviter que cette question mine le débat et rende impossible le vote d’une loi, certains ont avancé l’idée selon laquelle cette assurance publique pourrait ne pas être instaurée dès le départ, mais seulement au terme d’une période d’observation (d’une durée de 3 à 5 ans, par exemple), si les assureurs privés ne respectaient pas certaines règles.
Aucun surcoût pour le déficit ?
Au-delà de l’option publique, les opposants craignent que la réforme ne se solde par un emballement des dépenses. D’un coût brut estimé à 900 milliards de dollars par Barack Obama, la réforme serait, selon lui, neutre pour le déficit public, étant financée par des économies sur les dépenses de santé (fraude, gaspillage) et des contributions supplémentaires des assureurs et compagnies pharmaceutiques. Cependant, Barack Obama ne se montre guère précis sur ce point, même s’il assure ne pas être prêt à signer une loi qui alourdirait le déficit1. Afin de prévenir les risques de dérapage financier, deux garde-fous pourraient être mis en place : (i) l’installation d’un groupe indépendant d’experts qui devrait décider de coupes dans les programmes publics si nécessaire ; (ii) une disposition qui les rendrait obligatoires si les économies projetées n’étaient pas réalisées.
NOTES
- Le Congressional Budget Office (CBO) estimait pour sa part, en juillet, que le projet démocrate déposé à la Chambre des Représentants aboutirait à une facture nette de l’ordre de 240 milliards de dollars sur dix ans, le coût brut de la réforme (évalué à environ 1040 milliards de dollars sur cette période) n’étant pas tout à fait compensé par les revenus supplémentaires (580 milliards de dollars) et les économies projetées (-220 milliards de dollars).
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