par William de Vijlder, Chef économiste de BNP Paribas
À en juger par la réaction des marchés actions, au lendemain de la sévère défaite essuyée par la Première ministre, Theresa May, lors du vote au Parlement britannique sur l’accord de Brexit, il semble que, du point de vue des investisseurs, la probabilité est désormais moins forte de devoir affronter un Brexit « dur » sans accord (sans période de transition). Cette interprétation se fonde sur la sous-performance du FTSE 100, tourné vers les marchés étrangers, par rapport à l’indice FTSE 250 davantage exposé au marché intérieur. Les marchés sont ainsi un peu moins préoccupés par l’impact économique d’un retrait de l’UE sans accord.
Selon la Banque d’Angleterre, l’impact sur le niveau du PIB réel, à l’horizon 2023, d’une sortie sans accord pourrait être de l’ordre de 4,75 % à 7,75 %. Certes, ces estimations sont entourées d’un degré d’incertitude élevé, mais on peut supposer que l’impact serait considérable et concentré sur le début de la période, avec une chute de la confiance devant l’envolée de l’incertitude sur la manière dont les entreprises feront face à la perturbation des chaînes d’approvisionnement, un pouvoir d’achat des ménages impacté par la hausse de l’inflation suite à l’introduction de droits de douane et du repli de la livre sterling.
Un Brexit sans accord peut être vu comme un risque de perte extrême (tail risk) et, à ce titre, la réaction des marchés montre que les craintes ont reculé. Faut-il y voir plus qu’un répit temporaire ? Cela dépendra de l’évolution des pourparlers au Royaume-Uni et avec l’Union européenne. Le rejet, à une très large majorité, de l’accord négocié implique que des changements en profondeur s’imposent pour obtenir l’approbation du parlement, sachant que les partenaires européens devront également donner leur aval. Pour simplifier, cela revient à résoudre la quadrature du cercle : le Royaume-Uni devra prendre suffisamment ses distances par rapport à l’UE pour négocier ses propres accords commerciaux tout en évitant une frontière physique entre les deux Irlande.
Compte tenu de l’enjeu, le report de la date du Brexit (29 mars) semble très probable. Un tel report laisse espérer que le risque de perte extrême pourra être évité, mais cela implique que les vents contraires qui ne manqueront pas de souffler sur l’économie britannique du fait de la prolongation de l’incertitude, mais aussi sur les entreprises de l’UE qui commercent avec le Royaume-Uni, ne s’apaiseront pas de sitôt. La bonne tenue générale de l’économie britannique observée depuis le référendum ne doit pas faire oublier le coût d’opportunité qui découle de l’incertitude.