par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
- Le budget 2011/2012, présenté par le Chancelier Osborne, s’inscrit dans le cadre du plan d’austérité sur cinq ans annoncé et détaillé en 2010.
- Des mesures a minima pour soutenir l’activité ont été présentées. Elles seront financées par une nouvelle hausse des recettes fiscales afin de respecter les engagements de réduction du déficit public.
- Les hypothèses macroéconomiques retenues, bien que déjà révisées à la baisse, n’en demeurent pas moins optimistes. La rigueur budgétaire devrait peser plus que prévu par le gouvernement sur la croissance.
Le Chancelier de l’Echiquier, George Osborne, a présenté mercredi 23 mars, le budget 2011 qui s’inscrit dans le cadre du programme d’austérité étalé sur quatre ans, adopté en juin 2010 de l’année dernière et détaillé en octobre dernier. Il présente des mesures à la marge, visant à dynamiser une croissance plus équilibrée, soutenue par les exportations et l’investissement privé. Il est neutre d’un point de vue fiscal. En effet, l’Office for Budget Responsibility, OBR, estime qu’il ne devrait pas être un frein à l’atteinte des objectifs du gouvernement d’ici la fin de sa mandature, en terme de réduction du déficit1), de rééquilibrage du déficit structurel2 et de repli de la dette publique3.
Ces objectifs sont d’autant plus ambitieux que l’OBR a révisé ses prévisions de croissance du PIB pour cette année de 2,1% à 1,7%. Le Chancelier Osborne explique cette révision en raison de la contraction de l’activité au quatrième trimestre 2010, la hausse des cours des matières premières, et l’inflation plus élevée que précédemment attendue, sur laquelle sont indexés bon nombre de prestations sociales ainsi que le régime de pension de base. La croissance du PIB devrait s’établir à 2,5% en 2012 (+2,6% en première estimation) et à 2,9% en 2013. Pour notre part, nous estimons ces hypothèses encore bien optimistes. Nous anticipons une croissance du PIB inférieure à 1,5% cette année comme en 2012 et qui ne se redresserait significativement qu’en 2013 (2,6%).
Quelques nouvelles mesures pour soutenir la croissance …
Le Chancelier Osborne a présenté une série de mesures a minima qui ne devraient avoir que peu d’impact sur la croissance. Les plus marquantes sont :
- Réduction de deux points du taux d’imposition sur les sociétés (contre un point prévu précédemment). A partir d’avril 2011, il sera ramené à 26% puis abaissé d’un point supplémentaire chaque année pour atteindre 23% en 2014. Le Royaume-Uni disposerait ainsi du taux d’IS le plus bas du G7.
- Baisse de la taxe sur l’essence d’un penny par litre à partir de 18h, le 23 mars. – Adoption d’une réforme de la fiscalité des entreprises multinationales installées au Royaume-Uni afin d’éviter leur délocalisation.
- Abolition de 43 niches fiscales4, à la suite des recommandations du bureau de simplification de la fiscalité (Office of Tax Simplification).
- Abandon de propositions existantes de réglementations qui auraient coûté aux entreprises plus de GBP 350 millions par an.
- En avril 2012, hausse supplémentaire de GBP630 à GBP8 015 du seuil de revenu en deçà duquel les ménages sont exemptés d’impôts.
- Octroi de GBP100 millions aux autorités locales pour réparer leur réseau routier après l’hiver particulièrement rude.
- Hausse des crédits d’impôts à la Recherche et Développement pour les petites et moyennes entreprises d’ici à avril 2012.
- Création de 21 nouvelles zones « d’entreprises » au Royaume-Uni, en place des dix initialement prévues dans le nord de l’Angleterre particulièrement sinistré. Ces zones franches assouplissent le processus d’autorisation de permis de construire lourd au Royaume-Uni.
- Nouvelles dispositions répressives à l’encontre de la fraude et l’évasion fiscales qui ramèneraient GBP 1 milliard de recettes supplémentaires.
- Financement de 80 000 emplois supplémentaires pour les jeunes au cours des deux prochaines années et de 50 000 postes d’apprentissage sur les quatre suivantes.
- Aide aux propriétaires, sans emploi, présentant des difficultés financières pour payer les intérêts d’emprunts immobiliers, grâce à l’extension d’un an supplémentaire des modifications temporaires du Mécanisme de soutien au paiement des intérêts d’emprunts (Support for Mortgage Interest Scheme) mis en place par le gouvernement précédent, et octroi de GBP 250 millions pour soutenir l’accès à la propriété de nouveaux logements de 10 000 primo-accédants.
- Introduction d’un taux réduit d’imposition sur les successions à 36% (contre 46%) à partir d’avril 2012 pour les héritiers cédant 10% ou plus des biens hérités à des oeuvres caritatives.
Un budget neutre fiscalement pour tenir les objectifs de réduction du déficit budgétaire
Le budget présenté par le Chancelier Osborne se devait d’être neutre fiscalement pour atteindre les objectifs de réduction du déficit budgétaire, de près de 10% fin 2010 à moins de 8% en 2011. En conséquence la baisse de l’IS sera compensée pour les banques par un ajustement du « bank levy », et les compagnies pétrolières et les producteurs d’électricité verront aussi leur impôt progresser via l’introduction d’un stabilisateur. Ce dernier augmentera l’impôt sur la production de gaz et de pétrole de la mer du nord. Il devrait rapporter GBP 2 milliards. A contrario, le stabilisateur sera renégocié si le cours du brut repasse sous 75 dollars le baril.
En dépit de ces mesures a minima (qui se montent au total à GBP 30 millions sur les cinq prochaines années), la poursuite du plan de rigueur pèsera lourd sur les dépenses des ménages, dont le revenu disponible se voit par ailleurs rogné par l’envolée récente de l’inflation5 couplée à la remontée anticipée des taux directeurs de la Banque d’Angleterre, dans un contexte où les conditions sur le marché du travail ne s’améliorent que très progressivement6. Selon l’Institute for Fiscal Studies, l’ensemble des mesures d’assainissement budgétaire qui entrera en vigueur en avril 2011 correspond à une perte de revenu pour les ménages britanniques de GBP 200. Si la hausse de la TVA en janvier 2011 est incluse dans le calcul, la perte se monte alors à GBP480. Nous anticipons pour notre part une stagnation des dépenses des ménages en 2011, après une progression inférieure à 1% en 2010. La consommation privée sera par conséquent d’un faible soutien à l’activité cette année.
NOTES
- Selon l’OBR, le déficit devrait se replier à GBP146 milliards au cours de l’exercice budgétaire 2011/2012,soit 9,9% du PIB en légère baisse par rapport à l’estimation précédente de GBP148,5 milliards, et à GBP122 l’année prochaine, 7,9% du PIB, pour revenir à GBP29 d’ici 2015-16.
- Selon l’OBR, le déficit structurel devrait s’établir à 2,1% à la fin de l’exercice budgétaire actuel 2011 / 2012
- Selon l’OBR, le ratio de dette nette rapportée au PIB devrait être de 60% cette année. Il serait de près de 70% en 2012 avant de reculer pour atteindre 69% d’ici 2015
- Parmi celles-ci, la fiscalité des « non-doms », i.e. des personnes qui résident au Royaume-Uni mais n’y sont pas domiciliées fiscalement. Ils devront désormais verser GBP 12 000 pour ne pas déclarer leurs revenus sur l’île s’ils y sont installés depuis plus de 12 ans. Auparavant le montant forfaitaire était de GBP 8000, pour des résidents depuis plus de sept ans.
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