Agitation croissante au Moyen-Orient

par Lukas Daalder, Stratégiste chez Robeco

Pendant un court instant, on a cru que l'agitation dans le monde arabe n'aurait qu'un impact minime sur les marchés financiers puisque le soulèvement en Tunisie et en Égypte n'avait eu principalement de répercussions que sur les marchés locaux. Mais lorsque l'agitation a gagné la Libye, producteur moyen de pétrole de l'OPEC, l'évolution du cours du pétrole a entraîné une réaction à retardement sur les marchés des actions. Toutefois, la situation aurait pu être pire.

Malgré un cours du pétrole en hausse de plus de 20 % (Brent) en dollars, les actions se négocient à 1 % seulement en dessous du pic atteint à la mi-février. Ceci s'explique en partie par le climat favorable aux actions. En effet, les chiffres des bénéfices sont solides, les chiffres macroéconomiques ont été globalement bons ces derniers mois et il reste assez de liquidités en réserve recherchant d'éventuels rendements.

Cependant, la prudence s'impose. Jusqu'à présent, cette agitation n'a pas touché l'Arabie Saoudite, le plus grand producteur de pétrole de l'OPEC. Mais si cela arrivait, le cours continuerait de grimper à des niveaux importants. De plus, même si le marché ne prête pas encore beaucoup d'attention à la crise persistante dans la zone euro, un sommet européen portant précisément sur cette question s'est tenu mi-mars. Globalement, comme le prochain mois devrait être soumis à des tensions, notre position sur les actions est actuellement neutre.

L'économie américaine continue de se redresser

Si l'on ne tient pas compte de la forte hausse du prix du pétrole, l'économie américaine semble se redresser un peu plus chaque mois. Les producteurs sont globalement positifs, le secteur des entreprises réinvestit l'excédent des liquidités cumulées l'année dernière et même le marché du travail se rétablit. Les risques liés au marché immobilier et aux mesures d'économie du gouvernement persistent, mais sans jouer de rôle important pour le moment. Ces risques semblent avoir comme principal effet d'inciter la banque centrale américaine, la Fed, à maintenir des taux bas toute l'année, ce qui contribuera à la croissance. Aux États-Unis, l'inquiétude concernant l'inflation est globalement moins marquée.

La BCE intensifie sa surveillance

L'inflation est bien un sujet d'inquiétude pour la BCE et, récemment, le président de la banque, Jean- Claude Trichet, a clairement mis en garde le marché concernant une hausse imminente des taux. Dans le jargon de la BCE, il faut faire preuve d'une « forte vigilance ». Autrement dit, les taux feront l'objet d'un relèvement le mois prochain si les conditions sont normales. Nous employons les termes « conditions normales » à juste titre. Selon nous, la décision de la BCE quant au relèvement des taux dépendra principalement des évolutions au Moyen-Orient et des décisions concernant la zone euro (et des écarts de taux d'intérêt associés au sein de la zone).

Japon : une entrée en récession semble inévitable

Il est probable que le Japon replonge officiellement dans la récession suite aux effets du tremblement de terre, du tsunami et de la panne catastrophique à la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi. L'économie japonaise avait enregistré une croissance négative au quatrième trimestre 2010 et la tendance devrait se poursuive sur les deux premiers trimestres 2011. La situation financière du pays est en effet de plus en plus précaire. Le déficit public a atteint 7,7 % du PIB en 2010 et l'endettement brut s'élevait à 198 % du PIB. Les récents événements sont un coup de grâce pour l'économie du pays et le gouvernement n'a pas tant de marge de manœuvre que cela pour redresser la situation. Il est très difficile d'évaluer les dommages structurels qui en résulteront pour l'économie japonaise.

Les prix alimentaires entraînent une inflation dans les pays émergents

Si l'on observe les marchés des actions, les marchés émergents n'ont pas suivi les évolutions des prix qui ont eu lieu à travers le monde. Bien que cela ait un lien dans une certaine mesure avec la prise de bénéfices, l'inflation croissante dans ces pays y a également contribué, et l'agitation au Moyen-Orient a aussi joué un rôle. Globalement, nous pensons que cette région a quand même des atouts en main – pas de déficits publics importants, un système bancaire qui n'est pas affaibli et une structure de la population qui, de manière relative, stimulera la croissance dans les années à venir.

Marché financier en mouvement

Le mois dernier, le marché des obligations d'État était essentiellement marqué par les attentes concernant les politiques que les banques centrales doivent adopter. Aux États-Unis, où le marché ne prévoit pas un relèvement des taux à court terme de la part de la Fed, le marché financier a enregistré une légère baisse. Cette baisse est due à l'écart historique sans précédent entre la dette à long terme (obligations à 10 ans : 3,5 %) et la dette à court terme (obligations à 2 ans : 0,7 %). L'écart de taux d'intérêt n'avait encore jamais atteint un tel record. Par contre, en Europe, on peut prévoir jusqu'à trois relèvements de taux avant la fin de l'année, selon M. Trichet. Les taux à long terme (obligations à 10 ans : 3,3 %) ont d'ailleurs été sous pression suite à la forte hausse des taux à court terme (obligations à 2 ans : 1,75 % actuellement contre 0,85 % au début de l'année). Il faut préciser dans ce contexte que toute hausse de taux dépend fortement de l'absence de nouvelles agitations au Moyen-Orient comme dans la zone euro.