L’Italie et la France veulent que le Portugal résolve la crise de sa dette

par Gerard Fitzpatrick, Gérant de portefeuilles obligataires chez Russell Investments

L'Italie et la France veulent que le Portugal résolve la crise de sa dette aussi vite que possible. Pourquoi ? Commençons tout d'abord par nous demander pourquoi les investisseurs internationaux privilégient les emprunts souverains des pays développés.

Les portefeuilles d'investissement sont construits de manière à atteindre les objectifs des clients. Le principe de base de la construction de portefeuille consiste à allouer X % à des actifs sans risque et 1- X % à des actifs risqués. La taille de X dépend des objectifs d'investissement des clients en termes de risque et de rendement. Il faut souligner, ici, que les allocations en dette souveraine n'ont pas vocation à remplir un quelconque objectif social mais à respecter les objectifs d'investissement prédéfinis. A leurs risques et périls, les États peuvent supposer que « la tempête va se calmer » et que les dettes finiront par être refinancées/renouvelées et qu'elles seront payées par les générations futures. En attendant, les investisseurs réexaminent le sens accordé par leurs clients à l'expression « sans risque ». Rapidement.

Encore récemment, tous les titres souverains des pays développés bénéficiaient automatiquement du statut confortable d’actifs « sans risque ». Avec la crise financière mondiale, quand les difficultés des emprunteurs immobiliers américains se sont greffées sur les difficultés des États développés, les investisseurs en dette souveraine ont affûté leurs analyses afin de déterminer ce qui est, ou n’est pas « sans risque ».

Ces analyses ont d'abord montré que la Grèce était le patient le plus malade. Puis, les investisseurs ont approfondi leur analyse et ont créé de toute pièce l'acronyme PIGS (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) afin de désigner les États qui n'étaient pas nécessairement « sans risque ». Cette remise en question de la part des investisseurs se poursuivra tant que les problèmes de santé des Etats seront affichés sur la place publique, et sera exacerbée par le Portugal dont les plaies sont désormais exposées aux yeux du public. Et afin de faire le distinguo entre actifs « sans risque » et actifs risqués, les investisseurs finiront par utiliser des indicateurs plus larges.

De quels indicateurs pourrait-il s'agir ? Si l'on se fie au principe éprouvé de l'activité de prêt utilisé pour évaluer les emprunteurs « à risque » (il ne faut prêter qu'à des personnes qui sont susceptibles de vous rembourser), on peut raisonnablement commencer à éviter les particuliers, les entreprises et les États qui, année après année, ont plus dépensé qu'ils n'ont reçu et dont le niveau d'endettement est sensiblement supérieur à celui des autres candidats à l'emprunt. Plus concrètement, cela pourrait isoler certains emprunteurs dont le ratio déficit budgétaire/ PIB est négatif depuis plus de 20 ans, et dont le ratio dette / PIB est très élevé (supérieur à > 80 %).

Quatre pays répondent clairement à cette situation.

Deux (la Grèce et le Portugal) ont déjà été sanctionnés par les investisseurs obligataires. Les deux autres malades (la France et l'Italie) pourraient assez légitimement affirmé qu'ils bénéficient de facteurs compensateurs (en termes de risque de crédit), comme par exemple des économies plus vastes et plus diversifiées et une moindre dépendance au financement extérieur. Toutefois, si les investisseurs obligataires continuent à penser que l'Italie et la France affichent les stocks de dette les plus importants au monde (après le Japon et les États-Unis), ils pourraient alors réexaminer le statut d'investissement « sans risque » de ces pays, entrainant une baisse de la demande pour leur dette et, une augmentation de leurs coûts d'emprunt .

Le principal problème de la crise de la dette souveraine ne sera pas de savoir quel pays subira les plus fortes pressions à court terme pour rembourser ses échéances, la BCE interviendra probablement pour résoudre ce problème. La principale difficulté sera plutôt de déterminer les pays qui ne pourront plus appartenir à la catégorie « sans risque ». Cela ne fera certainement pas les grands titres auprès des médias demandant une intervention urgente de la BCE, mais les investisseurs obligataires pourraient calmement et progressivement modifier leurs stratégies de placement afin de déterminer plus précisément ce que désigne l'expression « sans risque » pour leurs clients. C'est la raison pour laquelle l'Italie et la France veulent que le Portugal résolve la crise de sa dette. Rapidement.