Surperformance des marchés émergents

par Mark Mobius, Président de Templeton Emerging Markets Group

Dans un contexte de surabondance de liquidités, les marchés actions internationaux ont poursuivi leur rebond et les marchés émergents ont surperformé les marchés développés pour le troisième mois consécutif en octobre.

L’indice MSCI Emerging Markets s'est adjugé 4,9 % en dollar américain. La légère nervosité perceptible fin septembre dans la perspective de la fermeture partielle des services fédéraux américains s'est dissipée compte tenu de l'impact en apparence limité de cette mesure, d’autant plus qu’un accord a été trouvé pour financer les services publics jusqu'en février 2014. Aux États-Unis, du fait de la publication de statistiques économiques légèrement décevantes, les investisseurs envisagent de moins en moins la possibilité d'une diminution du programme d'assouplissement quantitatif.

En outre, la confirmation que Janet Yellen avait été choisie par la Président Obama pour succéder à Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale a été bien accueillie par les investisseurs, ces derniers estimant qu'elle était plus favorable à un assouplissement de la politique monétaire que le Président actuel de la Fed. Les marchés émergents ont enregistré des entrées nettes s'élevant à 2,7 milliards USD pendant le mois. Parmi les meilleures performances, le marché indien a terminé le mois d'octobre sur des performances à deux chiffres, porté par la normalisation continue de la politique de la banque centrale indienne et des résultats trimestriels supérieurs aux anticipations. Mis sous pression par des problèmes liés à la liquidité en début d'année, les marchés d'Asie du Sud-Est comme l'Indonésie, les Philippines et la Thaïlande, ont aussi enregistré des performances solides. En revanche, la Colombie, le Chili et la Hongrie ont sous-performé les autres marchés émergents.

Actualité par région

Asie

La croissance du PIB chinois s'est légèrement accélérée pour atteindre 7,8 % en glissement annuel (GA) au troisième trimestre, contre 7,5 % en GA au deuxième trimestre, les mesures de relance mises en œuvre par les autorités ayant dopé les investissements. En bonne voie pour atteindre l'objectif de croissance pour l'ensemble de l'année de 7,5%, le PIB a progressé de 7,7 % en GA sur les neuf premiers mois 2013. Les investissements en capitaux fixes ont gagné 20,2 % en GA entre janvier et fin septembre, tandis que la croissance de la consommation privée est restée stable, les ventes de détail ayant augmenté de 12,9 % sur la même période.

L'inflation a progressé en septembre, l'indice des prix à la consommation ayant grimpé de 3,1 % en GA, contre 2,6 % en GA en août. Les coûts de l'alimentation sont restés l'un des principaux moteurs des tensions inflationnistes. Le Premier ministre mongol Noroviin Altanhuyag s'est rendu en Chine et a rencontré le Président chinois Xi Jinping à Pékin, où les deux dirigeants se sont engagés à développer le partenariat stratégique entre leurs pays. Les travaux préparatoires du prochain accord de libre-échange entre la Chine et le Sri Lanka devraient être achevés d'ici décembre, ouvrant la voie à de nouvelles négociations en 2014. De plus, le Premier ministre australien Tony Abbott espère conclure un accord de libre-échange avec la Chine d'ici fin 2014.

La croissance de l’économie sud-coréenne est ressortie à 3,3 % en GA au troisième trimestre, taux supérieur à celui enregistré au deuxième (2,3 %). Les principaux moteurs de cette croissance ont été les investissements en capitaux fixes et les dépenses publiques.

La croissance des investissements s'est accélérée à 5,6 % en GA sur les trois mois échus en septembre, contre une hausse de 2,9 % en GA sur les trois mois précédents, tandis que les dépenses publiques ont grimpé de 3,1 % en GA au troisième trimestre. La demande intérieure s'est accélérée, portée par la croissance de 2,2 % en GA de la consommation privée au troisième trimestre, contre 1,8 % en GA au deuxième. Le secteur des exportations s'est toutefois affaibli, la croissance des exportations ayant reculé à 2,9 % en GA au troisième trimestre, contre 5,7 % en GA au deuxième. Pour le cinquième mois consécutif, la Banque de Corée a laissé son taux directeur inchangé à 2,5 % en octobre, en raison de l'amélioration de la croissance et des perspectives d'inflation. L'inflation est tombée à son niveau le plus bas en plus d'un an, l'indice des prix à la consommation ayant reculé à 0,8 % en GA en septembre, contre 1,3 % en GA en août, principalement en raison de la baisse des prix alimentaires.

En octobre, la banque centrale indienne a relevé son taux directeur de 25 points de base (0,25 %) à 7,75 % afin de contenir les pressions inflationnistes. Elle a aussi procédé à une baisse de 25 points de base (0,25 %) du taux sur les prêts d'urgence aux banques (Marginal Standing Facility), ramené à 8,75 %. Afin d'améliorer les relations internationales, le Premier ministre Manmohan Singh s'est rendu en Russie, en Chine, en Indonésie et au Brunei, où il a participé aux sommets des pays de l'ASEAN et d'Asie de l'Est. La réunion avec le Président russe Vladimir Poutine s'est concentrée sur le renforcement de la coopération entre les deux pays en matière d'énergie et de défense. L'Inde et la Chine ont signé un pacte transfrontalier visant à apaiser les tensions entourant leur frontière contestée. Au Brunei, en marge du sommet, Manmohan Singh a également organisé des réunions bilatérales avec les Premiers ministres japonais et australien. En outre, il a annoncé la signature d'un accord de libre- échange en matière de services et d'investissements avec le bloc de l'ASEAN d'ici fin 2013, avec pour objectif d'accroître les échanges entre l'Inde et l'ASEAN à 100 milliards USD d'ici 2015. Il s'est ensuite rendu en Indonésie, où six accords entre les deux pays ont été signés, dans des domaines allant de la santé à la lutte contre la corruption, en passant par la gestion des catastrophes naturelles.

Amérique latine

La banque centrale brésilienne a relevé son taux directeur de 50 points de base (0,5 %) à 9,5 % afin de contenir les pressions inflationnistes. Au total, depuis le durcissement de sa politique en avril 2013, elle a relevé ses taux de 225 points de base (2,25 %). L'indice des prix à la consommation est passé de 6,1 % en GA en août à 5,9 % en GA en septembre, en-dessous du haut de la fourchette de l'objectif de la banque centrale (6,5 %). Le Brésil a publié un déficit budgétaire primaire de 4,1 milliards USD en septembre, le plus élevé en près de cinq ans, conduisant les autorités à annoncer la réduction des prestations chômage. Par conséquent, l'excédent de la balance primaire sur 12 mois est tombé à 1,6 % du PIB en septembre, contre 1,8 % en août. L'agence de notation Moody’s a abaissé sa perspective de la dette souveraine du Brésil (notée Baa2) de positive à stable en raison de la dégradation des indicateurs du crédit, comme les ratios dette/PIB et investissements/PIB, ainsi que de signes indiquant que l'économie traverse une période de croissance faible.

Afrique

Le gouvernement sud-africain a réduit ses anticipations de croissance du PIB pour 2013 de 2,7 % en GA à 2,1 % en GA, car les grèves, les coupures d'électricité et l'affaiblissement de l'économie mondiale ont pesé sur la reprise du pays. Malgré l'abaissement des anticipations de croissance, le ministre des Finances Pravin Gordhan pense que le déficit budgétaire de l'exercice 2013/2014 retombera à 4,2 % du PIB, contre une prévision de 4,6 % du PIB en février, principalement grâce à la solidité des recettes fiscales. L'indice des prix à la consommation a atteint un plus haut en 15 mois à 8,3 % en GA en septembre, contre 6,7 % en GA en août, soit toujours au- dessus de la fourchette de 3 à 6 % visée par la banque centrale, principalement en raison de la suppression des exemptions de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de nombreux produits.

Selon les statistiques provisoires, le déficit commercial s'est creusé pour atteindre le niveau record de 5,4 milliards USD au troisième trimestre, la croissance des importations étant toujours supérieure à celle des exportations. Les exportations ont augmenté de 17,5 % en GA à 23,0 milliards USD, tandis que les importations ont progressé de 23,5 % en GA à 28,4 milliards USD. Le gouvernement espère pouvoir adopter d'ici fin 2013 un projet de loi destiné à freiner le chômage des jeunes travailleurs en offrant aux employeurs des incitations fiscales pour l'embauche de personnes entre 18 et 29 ans.

Europe de l'Est

Tout comme au deuxième trimestre, la croissance du PIB russe est ressortie à 1,2 % en GA au troisième. Ce taux de croissance modeste s'explique par une récolte décevante, due à des conditions climatiques défavorables. Le ministre du Développement économique a réduit ses prévisions de croissance pour les neuf premiers mois 2013 de 1,5 % en GA à 1,3 % en GA. Pour le 13e mois consécutif, la banque centrale a laissé son taux principal de prêt inchangé à 5,5 % en octobre, malgré la croissance économique inférieure aux prévisions. L'indice des prix à la consommation a cédé du terrain, passant de 6,5 % en GA en août à 6,1 % en GA en septembre. L'excédent de la balance courante s'est résorbé, passant de 5,8 milliards USD au deuxième trimestre à 1,1 milliard US au troisième, ce qui a porté l'excédent pour les neuf premiers mois 2013 à 29,5 milliards USD, environ moitié moins que les 61,5 milliards USD enregistrés sur la même période un an plus tôt. Au troisième trimestre, les exportations se sont inscrites en hausse de 3,7 % en GA à 134,1 milliards USD, tandis que les importations ont augmenté de 0,4 % à 87,4 milliards, ce qui s’est traduit par un excédent commercial de 42,8 milliards USD.

Les autorités turques ont abaissé leurs perspectives de croissance du PIB en 2013 de 4,0 % à 3,6 % en GA, et ont relevé leur prévision d’inflation pour la fin de l’année de 5,3 % à 6,8 %. Par ailleurs, alors que leur objectif initial était de 2,2 % du PIB, elles ont réduit leur prévision de déficit budgétaire 2013 à 1,2 % du PIB, principalement en raison de recettes fiscales exceptionnelles des sociétés énergétiques publiques et des produits plus élevés que prévus issus de privatisations. La banque centrale a laissé ses principaux taux inchangés en octobre : son taux de prêt au jour le jour est toujours à 7,75 %, celui d'emprunt au jour le jour à 3,50 % et celui des prises en pension à une semaine à 4,50 %. En septembre, les exportations ont grimpé de 1,3 % en GA à 13,1 milliards USD, tandis que les importations ont gagné 3,5 % à 20,6 milliards USD. Cela a porté le déficit commercial des neuf premiers mois 2013 à 75,1 milliards USD, niveau supérieur aux 64,1 milliards USD sur la même période en 2012. Le chômage est passé de 8,8 % en juin à 9,3 % en juillet, l'atonie de la croissance ayant entraîné un tassement de la croissance de l'emploi.

A la une du mois : Afrique sub-saharienne, marchés émergents parmi les marchés émergents

De nombreux marchés émergents ont fait d'énormes progrès depuis que les investisseurs ont commencé à utiliser ce terme pour les pays adoptant progressivement les principes de l'économie de marché, il y a un quart de siècle. Des pays comme la Chine et le Brésil sont devenus des puissances économiques importantes à l'échelle mondiale, tandis que les populations de Corée du Sud et de Taïwan bénéficient d'un niveau de vie supérieur à celui de nombreux pays « développés ».

Compte tenu de leur développement, les marchés émergents ont vu leurs besoins en ressources naturelles fortement augmenter. Ainsi, la Chine est désormais de loin le plus grand marché mondial de minerai de fer. De plus, de nombreux marchés émergents ont commencé à générer des fonds excédentaires importants, de sorte qu'ils bénéficient des conditions et des moyens nécessaires pour investir à l'étranger. Abritant nombre des ressources naturelles recherchées par les grands marchés émergents, l'Afrique sub-saharienne, où les valorisations sont inférieures au reste du monde, est une destination attrayante en termes d'investissements pour plusieurs de ces pays. Par ailleurs, l'entrée des capitaux des marchés émergents en Afrique a créé des opportunités intéressantes pour nous en tant qu'investisseurs.

Depuis longtemps, l'Afrique est connue pour ses industries extractives, aussi bien minières que, plus récemment, pétrolières et gazières, et les entreprises des marchés émergents sont de plus en plus actives dans la région en tant qu'investisseurs ou clients. Les investissements sont parfois réalisés par des organismes publics non cotés, mais nous sommes souvent en mesure d'accéder à ces activités, par exemple par l'intermédiaire des entreprises minières sud-africaines.

Outre des bienfaits, l'abondance de minerais peut parfois avoir des revers pour un pays. En effet, elle permet d'accroître fortement le revenu par habitant, mais souvent les activités minières ou pétrolières n'emploient que peu de travailleurs locaux, et les flux de revenus peuvent alimenter la corruption et étouffer les initiatives dans d'autres secteurs. Toutefois, s'ils sont utilisés judicieusement, les revenus des exportations de minerais peuvent avoir des conséquences indirectes non négligeables : les investissements en infrastructure.

Dans une certaine mesure, les investissements en infrastructure sont un corollaire inévitable de l'activité minière : le métal et le minerai ne sont d'aucune utilité si vous ne disposez pas des infrastructures de transport et portuaires nécessaires. Toutefois, dans de nombreux pays africains, des améliorations au niveau d'autres infrastructures et installations (réseaux électriques, centres médicaux et écoles) entrent également en jeu dans la conclusion d'accords miniers, et de plus en plus de gouvernements prévoyants utilisent leurs profits exceptionnels au bénéfice de projets d'investissement. Nous notons aussi un facteur d'« incitation ». En effet, de nombreux marchés émergents comme la Chine sont dotés de grandes entreprises spécialisées dans la construction et les biens d'équipement en quête de nouveaux marchés, car l'activité économique intérieure est de plus en plus tournée vers la consommation et nécessite de moins en moins de matières premières.

L'amélioration des infrastructures peut également ouvrir la voie à une autre ressource africaine importante : l'agriculture. Ce secteur est de loin le premier employeur en Afrique, mais du fait de la prédominance de l'agriculture de subsistance sur de petites parcelles, la productivité du continent est nettement inférieure à celle des autres parties du monde. La production agricole pourrait être transformée via de meilleures variétés de cultures, davantage d'engrais, une meilleure irrigation et de meilleures pratiques agricoles. Par ailleurs, une grande partie des terres agricoles et des ressources en eau non utilisées se trouvent en Afrique sub-saharienne. La hausse de la demande alimentaire, elle-même due à l'augmentation des revenus des consommateurs des pays émergents, pourrait se révéler extrêmement bénéfique pour la région, bien au-delà du simple fait de nourrir les populations africaines. Nous pensons que les entreprises agro-alimentaires bien organisées et opérant en Afrique sont l'une des principales opportunités d'investissement potentielles.

Mais avant tout, nous notons l'opportunité représentée par les consommateurs africains. L'accroissement du patrimoine, l'amélioration des communications, des progrès en matière de santé et un accès accru à l'éducation transforment les perspectives d'une population nombreuse, jeune et dynamique. Le développement économique permettant à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, des hausses spectaculaires du revenu disponible génèrent de nombreuses opportunités d'investissement. Nous pensons que les entreprises de boisson, de distribution et de restauration en Afrique pourraient bénéficier de conditions de marché extrêmement favorables pendant de longues périodes. Les entreprises de télécommunications mobiles sont témoin de l'essor de la demande à travers le continent, le nombre de détenteurs de téléphones mobiles et leur utilisation commençant à augmenter pour se rapprocher des normes mondiales. Dans le secteur automobile, la principale activité consiste en l'assemblage de pièces à l'échelle locale pour des entreprises étrangères, mais la distribution peut représenter une activité très lucrative. Les banques peuvent également prospérer car les consommateurs plus aisés sont à la recherche de produits financiers, tandis que les start-ups entrepreneuriales génèrent des courants d'affaires auprès des petites et moyennes entreprises. En fin de compte, l'Afrique sub-saharienne devenant la nouvelle frontière de l'univers des marchés émergents, le continent nous semble être aujourd'hui l'une des opportunités d'investissement les plus attrayantes pour les investisseurs.