par David Keeble, économiste chez Calyon (Crédit Agricole)
Les banques centrales rachètent de la dette pour faire obstacle à une forte remontée des taux. Ces prochains mois, les marchés des produits à revenu fixe devraient afficher un calme relatif tandis que diminuera la pression de l’offre.
Mais celle-ci s’accélérera plus tard dans l’année pour les États-Unis. Tôt ou tard, la Fed cessera d’acheter et le marché a conscience qu’elle deviendra vendeuse. A terme, les initiatives prises aujourd'hui par la Fed seront un facteur de volatilité.
La Réserve Fédérale devient le dernier acheteur
Les mesures d’assouplissement quantitatif se sont multipliées ces derniers mois. La Fed a désormais étoffé sa politique d’assouplissement quantitatif (QE) et qualitatif en annonçant le rachat de 300 Mds USD de bons titres du Trésor de maturité moyenne. Ce chiffre représente environ un tiers de l'ensemble des émissions sur la période. Or, si les bons titres du Trésor présentent un intérêt pour la Fed car ils interviennent dans l’atteinte des objectifs de la politique monétaire, ils présentent de moins et moins d’attrait pour les autres acquéreurs potentiels.
Le plan actuel consiste à poursuivre les achats pendant les six prochains mois, ce qui devrait suffire aux Américains pour refinancer la majeure partie de leurs prêts hypothécaires, s’ils en sont capables.
Au terme de ces refinancements, le maintien de taux faibles sur les bons titres du Trésor deviendra moins nécessaire et, à moins d’une détérioration de l’économie, la Fed devra effectuer des achats de plus en plus massifs pour y parvenir. De fait, si à la fin de ces six mois, on observe les premiers effets de ce programme, la Fed devra prendre la décision difficile soit d’accélérer le rythme des achats de bons titres du Trésor et donc accélérer les injections de liquidités dans l’économie, soit de les interrompre et laisser les taux à dix ans retrouver leur niveau d’équilibre.
Une des questions les plus fréquemment posées à l’heure actuelle est celle de savoir à quel moment arbitrer entre un taux variable et un taux fixe. Faire l’arbitrage trop tôt impliquerait de payer un taux d’intérêt plus élevé plus longtemps ; trop attendre suppose le risque de subir une hausse brutale des rendements.
Heureusement, il n’est pas nécessaire de prendre cette décision tout de suite, puisque les interventions de la Banque d’Angleterre et de la Fed maintiennent les taux longs à des niveaux faibles pour l’heure. Le débat sur le moment exact où se produira une hausse significative des rendements apparaîtra seulement au troisième trimestre. À l’heure actuelle, il n’est pas véritablement avantageux de payer des taux fixes plutôt que des taux variables : il n’est pas même certain que l’économie réagisse à ces stimuli.
La BCE peut-elle acheter des bons du Trésor européens ?
La BCE a pris soin de bien souligner qu’elle ne se trouvait pas dans la même situation que les autres banques centrales. L’institut d’émission européen a tellement insisté sur le fait que l’essentiel des prêts sont accordés à travers les banques et non via le marché, qu’on peut se demander si un éventuel assouplissement quantitatif de la BCE aura un rapport quelconque avec celui de la Fed ou de la BoE. Par ailleurs, la BCE est notoirement soucieuse de l’équilibre entre son actif et son passif ; les problèmes de protection du bilan sont bien connus, et elle pourra donc difficilement s’exposer à un risque de crédit réellement significatif.
Les marchés intègrent déjà une certaine probabilité que la BCE procède elle aussi à un assouplissement quantitatif. En janvier 2009, la possibilité d’un assouplissement quantitatif aux États-Unis a causé une grande effervescence sur le marché et a perturbé les modèles de prévision classiques (à partir des futures). Depuis lors, toutefois, l’offre s’est accrue et la quantité effective d’achats de bons titres du Trésor a seulement atteint 300 Mds USD, un niveau jugé décevant.
En Europe, l’espoir d’un assouplissement quantitatif est plus faible, et les marchés jugent que cette mesure sera prise plus tardivement, voire pas du tout. En outre, la forme que pourrait prendre cet assouplissement quantitatif est incertaine. La BCE met régulièrement en avant les différences qui existent entre les structures de financement qui prévalent aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro.
La BCE devrait éviter les achats massifs sur le marché obligataire
La BCE a davantage le souci d’assurer le bon fonctionnement du système bancaire que celui des marchés du financement des prêts aux entreprises et des prêts hypothécaires ou de crédit. En fait, on observe une rapide amélioration sur le marché des crédits corporate (pour les émetteurs investment-grade) parallèlement à la ré-ouverture du marché primaire des obligations corporate. Nos anticipations rejoignent celles du marché des swaps de la zone euro, qui attribue seulement une faible probabilité à une politique de QE.