par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Cette semaine, les tensions ont encore monté de plusieurs crans dans la zone euro. L’abaissement de la note de la Grèce à BB+ (non investment grade) avec une perspective négative par Standard & Poors a fait resurgir les craintes d’illiquidité. En effet, la note souveraine grecque n’est déjà plus que BBB- chez Fitch et A3 chez Moody’s, avec également une perspective négative dans les deux cas. Dans la foulée, S&P a abaissé la note du Portugal à A- et celle de l’Espagne à AA. Si, encore très récemment, le marché faisait une différence entre la Grèce d’une part et la péninsule ibérique d’autre part, la situation a changé cette semaine, tout particulièrement pour le Portugal.
En outre, le risque de contagion ne menace plus seulement la signature des Etats, avec, dorénavant, des craintes sur le secteur bancaire et des marchés d’actions secoués.
Dans ce contexte, le soutien financier de la zone euro se doit d’être massif, afin de couvrir de manière crédible les besoins de refinancement de la Grèce pour les trois ans à venir (comme cela était d’ailleurs indiqué dans le communiqué du 11 avril des chefs d’Etat et de gouvernement). A l’heure où nous écrivons, les négociations entre la Commission européenne, la BCE et le FMI d’une part, les autorités grecques d’autre part, qui se poursuivaient, semblaient devoir déboucher sur un plan de soutien de EUR120 mds environ, dont EUR25 mds seraient apportés par le FMI. Par conséquent, la dette publique grecque pourrait être refinancée « hors marché » pendant près de trois ans.
Le détail du plan de soutien et ses modalités pratiques pour la deuxième et la troisième année (les pays de la zone euro s’étaient déjà engagés à prêter EUR 30 milliards dès la première année, auxquels le FMI ajouterait 15 mds) devraient être connus ce week-end ou en tout début de semaine prochaine, ainsi que les mesures d’assainissement des finances publiques que devra mettre en place la Grèce. Celles-ci pourraient s’élever à EUR 24 mds (10% du PIB) et permettraient de réduire le déficit budgétaire de 10 à 11 points de PIB en trois ans, le ramenant aux environs de 3% du PIB d’ici à la fin de 2012.
La mise en place effective du soutien financier est bien sûr de nature à calmer les craintes des marchés. Toutefois, il est nécessaire que le programme d’assainissement budgétaire apparaisse crédible, alors qu’il aura de très lourdes conséquences en matière de croissance et d’emploi, susceptibles de mettre à mal la cohésion sociale du pays…et donc le succès de la consolidation des finances publiques. Les craintes d’une restructuration ou d’un rééchelonnement de la dette grecque au-delà de l’horizon couvert par le plan de sauvetage vont très probablement persister. En outre, on ne peut exclure que les marchés testent de nouveau la détermination des pays membres de la zone euro en s’attaquant à un autre pays « périphérique ».
A cet égard, sur la seule base des fondamentaux économiques, la situation du Portugal, certes difficile, est bien meilleure que celle de la Grèce : dette publique (en 2009) à un peu plus de 75% du PIB contre près de 115% ; déficit budgétaire (en 2009 également) de 9,3% contre plus de 14%, et, des besoins de refinancement portugais qui ne représentent que les deux tiers des besoins de l’Etat grec. En outre, le gouvernement portugais s’est dit déterminé à accélérer la réduction du déficit par rapport aux engagements pris au titre du Plan de stabilité et de croissance. De surcroît, à la différence de leurs consoeurs grecques, les banques portugaises ne détiennent quasiment pas de titres publics. Enfin, si la dette privée est élevée, sa progression est modeste depuis le milieu des années 2000, ce qui pourrait protéger le Portugal des risques que ferait courir un processus significatif de désendettement. Toutefois, il serait imprudent de penser que les marchés s’arrêteront aux fondamentaux…
Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (dont le conseil des Gouverneurs se réunit jeudi prochain), partie prenante des discussions actuelles, au titre de ses responsabilités en matière de stabilité financière de l’Eurosystème, ne dérogera pas au pragmatisme qu’elle a démontré depuis le déclenchement de la crise financière. Le mois dernier, elle a annoncé qu’elle différait le retour prévu à la situation antérieure à la crise concernant la notation des titres apportés en nantissement dans le cadre des opérations de refinancement. Si la crise de la dette continue d’avoir des effets très perturbateurs sur le marché, la BCE saura adopter les mesures nécessaires destinées à alléger les tensions et restaurer le bon fonctionnement du marché.
ENCADRE
Comme pour les versions précédentes des plans d’ajustement, les mesures se répartiraient entre hausse des recettes et baisse des dépenses. Les mesures supplémentaires seraient, entre autres, le gel des salaires pendant trois ans et la suppression des bonus (soit l’équivalent du treizième et du quatorzième mois) dans le secteur public, le relèvement du taux supérieur de la TVA (déjà porté de 19% à 21% en mars) entre 23% et 24 et une réforme des retraites, avec notamment un recul de l’âge moyen de la retraite de 53 à 67 ans.
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