La Grèce continue son marathon et passe le témoin aux autres pays du sud

par Bénédicte Kukla , économiste au Crédit Agricole

  • Malgré la demande d’activation par la Grèce du plan d’aide zone euro/FMI, les marchés financiers ne relâchent pas la pression.
  • Les inquiétudes sur la Grèce se sont propagées aux autres pays de la périphérie jugés à risque.
  • Face à ces effets de contagion, une rapide déblocage de l’aide de l’UE et du FMI est indispensable.

 

Une semaine après la demande d’activation du plan d’aide…

Malgré la demande d’activation par la Grèce du plan d’aide zone euro/FMI, les marchés financiers ne relâchent pas la pression. Les marchés doutent de la capacité des Etats européens à s’entendre sur un calibrage adéquat de l’aide financière à accorder à la Grèce (on parle désormais d’un montant d’environ 100 Mds € sur trois ans, contre 45 Mds € initialement annoncés) face, notamment, à l’intransigeance de la l’Allemagne qui temporise en attendant les élections régionales du 9 mai. Bien que les récentes données mensuelles des finances publiques grecques, pointant dans la bonne direction, aient été annoncées, les marchés restent également sceptiques quant à la capacité du gouvernement grec à fournir les efforts suffisants pour remettre de l’ordre dans ses finances.

Le plan triennal conjoint FMI/UE serait en effet assorti d’une forte conditionnalité, avec en particulier de nouvelles mesures d’austérité (de l'ordre de 24 Mds €). Une telle cure d’amaigrissement risque de se heurter à une opposition sociale forte, un autre élément d’inquiétudes pour les investisseurs qui jugent d’ores et déjà ce plan de redressement irréalisable.

… et l’effet de contagion s’amplifie

Les inquiétudes sur la Grèce se sont rapidement propagées aux autres pays de la périphérie jugés à risque, un phénomène de contagion amplifié par la décision de l’agence S&P d’abaisser successivement les notes de plusieurs pays du sud de la zone euro. Mardi, l’agence S&P a dégradé de deux crans la dette grecque la reléguant au rang de « junk bonds », ce qui a provoqué une vague de ventes forcées. Un peu plus tard dans la journée, la note du Portugal était également abaissée d’un cran avant celle de l’Espagne, mercredi. L’agence S&P a jugé que la faiblesse des perspectives économiques de ces pays, ainsi que les problèmes structurels vont continuer de fragiliser leurs finances. Toutefois, rappelons que les problèmes budgétaires dans ces deux pays sont nettement moins alarmants que ceux de la Grèce.

Un rapide déblocage de l'aide est indispensable

Face à ces effets de contagion, l’Europe a annoncé accélérer les négociations en cours, afin de finaliser au plus vite le plan d’aide à la Grèce. Un rapide déblocage de l'aide est, en effet, indispensable pour éviter un défaut de paiement de la Grèce (qui doit faire face à des tombées importantes en mai) et une contagion répandue en zone euro. Les craintes des investisseurs liées à la solvabilité de la Grèce à moyen terme ont néanmoins peu de chances de disparaître dans l’immédiat, certains invoquant la nécessité de restructurer au préalable la dette grecque pour en alléger le fardeau.

Quel scénario économique envisageable pour la Grèce ?

Dans notre scénario central, le plan de rigueur annoncé par le gouvernement grec (qui vise à réduire le déficit à 8,7 % en 2010, puis à 5,6 % en 2011 et 2,8 % en 2012) porte ses fruits avec une réduction du déficit plus ou moins en ligne avec les attentes. Grâce aux efforts fournis, l’Etat grec comble en partie son déficit de crédibilité. Les marchés saluent ces efforts et les primes de risque sur les obligations souveraines grecques se détendent progressivement, ce qui, en retour, desserre la contrainte de financement de l’Etat (qui pourrait dans ce cas avoir de nouveau accès aux marchés). Par ailleurs, la Grèce entreprend dans le cadre d’un programme triennal conjoint FMI/UE des réformes structurelles ambitieuses.

Ce scénario quoique optimiste ne paraît pas irréaliste. Des ajustements très douloureux ont déjà été réalisés dans le passé ; l’impact récessif sur l’économie reste difficilement quantifiable et ce d’autant qu’une partie de l’activité qui échappe aujourd’hui à l’impôt (28 % du PIB selon les estimations) pourrait très progressivement réintégrer les statistiques (si les mécanismes sont suffisamment cœrcitifs) ; l’extrême générosité du système de protection sociale a des effets distorsifs sur l’arbitrage travail/loisir (faiblesse du taux de participation et trappe à inactivité), la baisse du niveau des prestations devrait permettre de réduire mécaniquement les dépenses et à terme d’élargir la base imposable via une remontée du taux de participation. En utilisant ce type de leviers, les coûts économiques et sociaux de l’ajustement budgétaire paraissent gérables à moyen terme.

Néanmoins, nul doute que l’ajustement demandé sera douloureux, avec un coût social qui pourrait finalement s’avérer prohibitif ou pourrait plonger la Grèce dans une trappe à austérité (grave récession avec effets rétroactifs sur les finances publiques, d’où des mesures d’austérité encore plus drastiques, de nature récessive…). On ne peut donc exclure dans un scénario alternatif qu’un réaménagement de dette soit nécessaire pour amortir le choc de la purge.

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