par Sandrine Boyadjian, Bénédicte Kukla, Isabelle Job et Paola Monperrus-Veroni, économistes au Crédit Agricole
Les atermoiements politiques en Europe participent au manque de visibilité et alimentent la volatilité des marchés, dégénérant parfois en mouvement de panique. Face à l’immobilisme des Européens, la contagion se fraie un chemin en direction des pays fondamentalement solvables, mais à finances publiques fragiles, comme c’est le cas pour l’Italie.
Euro-groupe : au-delà des mots, les actes Face aux signes visibles de contagion, l’Euro-groupe a réaffirmé en début de semaine son "engagement absolu" à sauvegarder la stabilité financière dans la zone euro. L’Euro-groupe se tient prêt à rendre le Fonds européen de stabilité financière (FESF) plus flexible et plus fonctionnel. Mais il existe des divergences de fond entre la position de la BCE et la France, hostiles à toute solution synonyme de défaut (même partiel) de l’État grec, et celle de l’Allemagne qui souhaite une participation du secteur privé au sauvetage financier. La recette qui sera appliquée à la Grèce ayant valeur d’exemple, il convient dans tous les cas de bien soupeser le pour et le contre de chaque option pour trouver un dosage idéal entre faisabilité (avec ou sans défaut), équité (partage public privé) et efficacité (allègements des dettes), le but ultime étant de boucher tous les points d’entrée des phénomènes de contagion entre États et vers le système bancaire.
Les agences de notation se montrent beaucoup moins hésitantes Les agences de notation continue à alimenter les tensions sur les marchés en sonnant l’alarme des deux côtés de l’Atlantique. Alors que les États-Unis sont menacés par Moody’s de perdre leur triple A, la valse des dégradations de note de dette souveraine se poursuit en Europe.
Après le Portugal, c’était au tour cette semaine de l’Irlande de voir sa note abaissée en catégorie spéculative. En cas d’échec du plan de3 consolidation, l’Irlande, à l’instar du Portugal, pourrait de se retrouver dans une situation similaire à celle de la Grèce aujourd’hui, Si l’Irlande ne recouvre pas rapidement un accès au marché, les créanciers privés pourraient être là aussi mis à contribution dans le cadre d’un nouveau plan de sauvetage avec en toile de fond le spectre d’un défaut. Cela témoigne du fort lien de contagion entre ces trois pays. Le FMI dans son rapport sur la Grèce publié cette semaine se montre confiant, pariant sur une « socialisation » à l’échelle de la zone euro de la dette grecque, si une solution impliquant une participation du secteur privé.
Dans la panique, l’attention des marchés se tourne vers les pays de la « semi-périphérie »
Face à l’immobilisme des Européens, la contagion se fraie un chemin en direction des pays fondamentalement solvables mais à finances publiques fragiles, comme c’est le cas pour l’Italie. Les taux de rendement obligataires italiens à maturité dix ans ont augmenté à 5,63%, soit une hausse de 36 points de base, depuis la semaine dernière, et 76 points, depuis le début du mois.
Pour l’Italie, des désaccords politiques nationaux ont été le principal déclencheur de cette hausse des primes risques. À cela s’ajoute des inquiétudes persistantes sur la faiblesse de la croissance du PIB italien, qui a également été soulignée dans un rapport du FMI cette semaine. Néanmoins, l’Italie a obtenu cette semaine l’approbation de son plan d’austérité de 47 Mds d’euros sur quatre ans. Ce plan est centré sur une baisse des dépenses dans le secteur public laquelle doit venir compenser le manque à gagner en termes de recettes dans un contexte de croissance ralentie, L’Italie réaffirme ainsi son engagement à satisfaire dès 2012 le critère du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC), avec un déficit de 2,7%, inférieur à la limite des 3%.
Le principal point de faiblesse de l’Italie reste le poids élevé des charges d’intérêts qui rend la dynamique d’endettement sensible aux conditions de financement. Une hausse durable des primes de risque pourrait faire dévier le déficit public de sa trajectoire d’amélioration et empêcher une stabilisation du ratio d’endettement dès 2013 (notre scénario central). Dans ce cas, le seul moyen de rassurer les marchés pour stopper ce cercle vicieux entre dégradation des conditions financières, des déficits et de la dette, est en effet d’annoncer un durcissement des mesures d’austérité et une accélération du rythme des réformes structurelles.
La pression monte
Une réunion extraordinaire des ministres des finances devrait avoir lieu en début de semaine prochaine, même si le ministre des Finances Allemands ne veut pas parler d’urgence, les besoins de financement de la Grèce étant couverts jusqu’en septembre. L’idée est de traiter une fois pour toute le problème grec en espérant que la contagion opère, mais dans le bon sens !