par Ronald Doeswijk et Léon Cornelissen, stratégistes chez Robeco
L'économie mondiale ralentit mais cela ne signifie pas nécessairement que nous entrerons en récession en 2012. Tant que la morosité ne se dissipera face à la crise de la dette, les actions devraient rester sous pression. Dans la seconde partie de l’année 2011 l'économie mondiale – alors en phase de récupération – s'est clairement effondrée en milieu de cycle.
L'incertitude qui demeure élevée affecte l'économie réelle. Les économies développées sont proches d'une légère récession. Pourtant, à ce jour, les perspectives pour 2012 ne sont pas aussi sombres qu’elles pourraient le sembler. Un « double dip » n'est pas inévitable même si revenir à un scénario de croissance modérée n’est pas évident. Un certain nombre de facteurs offrent leur soutien. La hausse des prix du pétrole n'entrave plus la croissance. Les ventes au détail dans les marchés émergents tiennent le coup. Et le secteur des entreprises – hors sociétés financières en mauvaise posture – est encore en assez bonne forme. Rien de spécial ne pointe vers un ralentissement de milieu de cycle.
Une faible croissance économique en 2012
Dans l'ensemble, cependant, les perspectives pour 2012 sont plutôt faibles. Selon nous, l'estimation du consensus pour la croissance mondiale en 2012 – 2,9% (en dollar) – est trop ambitieuse. Nous pensons que les estimations pour les pays développés sont un peu trop optimistes compte tenu du ralentissement actuel de l'économie mondiale. Les embauches et les investissements réalisés par les entreprises dépendent largement des attentes futures. Et à l'heure actuelle, elles ne semblent pas être un catalyseur évident pour mettre le train en marche.
Pas de soulagement de la crise de la zone euro en 2012
Omniprésente au cours des 18 derniers mois, la crise de la dette devrait se poursuivre en 2012 et au-delà. A court terme, le manque de leadership ainsi que l'absence de consensus sur la façon d'aborder la situation, vont continuer de réduire la crédibilité des acteurs engagés dans le problème. Le FESF est trop petit et la coordination nécessaire pour empêcher qu’une crise bancaire ne se propage est absente.
De multiples défauts sont probables
En fait, nous pensons que la Grèce fera défaut. Tout en donnant un choc déflationniste, un défaut grec n’arrangera pas la situation car il pourrait entraîner le Portugal et l'Irlande dans son sillage dans le courant de l'année 2012. Il mettra également une pression à la hausse sur les primes de risque de l'Italie et de l'Espagne. En zone euro, l’année 2012 pourrait donc être marquée par une série de défauts ordonnés, par le renforcement du secteur bancaire européen par les autorités fiscales, par une augmentation substantielle du filet de sécurité permanent et par plusieurs propositions de modification à long terme des traités européens afin de renforcer l'union politique. C'est en fait l'un des résultats les plus optimistes pour la zone euro en 2012. Des scénarios alternatifs incluent un défaut désordonné de la Grèce. Nous les considérons comme moins probables mais pas impossibles en raison des profondes divisions politiques qui règne en zone euro dans un contexte d'affaiblissement économique.
Des décideurs politiques à court de munitions
La crise de la dette zone euro n'est pas le seul nuage à l'horizon. Le peu de capacité des décideurs à réagir à d'éventuels nouveaux problèmes est un autre élément inquiétant. L'image de la dette se détériorant fortement, les possibilités de relances budgétaires supplémentaires sont limitées. En attendant, les banques centrales ont appris que des mesures d'assouplissement quantitatif, au moins celles mises en œuvre jusqu'à présent, n'ont pas été très efficaces sur l'économie.
Les Etats-Unis devraient éviter une récession
Malgré d'importants problèmes, nous avons vu que l’économie mondiale est susceptible d’enregistrer une faible croissance en 2012, plutôt que d’entrer en récession. Mais quid des régions sur un plan individuel? Parmi les principales économies développées, les Etats-Unis semblent les mieux placés pour 2012, même si cela ne signifie pas grand-chose.
Nous ne sommes pas trop pessimistes sur ce pays puisque nous ne prévoyons pas de nouvelle récession. Cela étant dit, il n'y a pas non plus de raison d'être très optimistes. En effet, la croissance économique américaine stagne, le marché du logement est moribond et la Réserve fédérale est à court de munitions et de soutien politique. Mais nous pensons que le contexte de taux bas, et le prix des marchandises en baisse rendent peu probable un retour de la récession. Tant que de nouveaux chocs pourront être évités, l'économie américaine devrait donc être sur une trajectoire de croissance de 2% pour 2012.
La zone euro est le maillon faible
La situation aux Etats-Unis semble brillante comparée à celle de l’Europe où une légère récession parait inévitable. L’estimation du consensus concernant la croissance de la zone euro en 2012 est de 1%. Cela nous laisse un peu de marge pour la déception. Mais alors que la zone dans son ensemble glisse dans cette récession, l’image est plus mitigée parmi les 17 pays utilisant la devise. Nous pensons que l’Allemagne, la région a qui enregistré la meilleure performance économique cette année, devrait échapper de peu à deux trimestres de croissance négative alors que la France et l’Italie n’auront pas cette chance. Cependant, les pays périphériques sont le vrai frein. Tout faux mouvement des pouvoirs politiques européens dans la gestion de crise de la dette pourrait aisément entraîner la zone euro dans une récession bien plus profonde.
Les perspectives pour le Japon ne sont pas brillantes
La croissance du Japon devrait demeure faible. Les attentes du consensus tablent sur 2.5% pour 2012, un chiffre altéré par les effets positifs de la reprise post séisme. En réalité, la croissance sous-jacente ne devrait pas excéder 1.5% mais si cela semble, une fois encore, trop optimiste. Le ralentissement de l’économie mondiale et la force de yen sont source de sérieuses craintes concernant le secteur des exportations et le rôle qu’il jouera dans le moteur de croissance en 2012. Cela étant dit, l’économie domestique peut prendre le relai comme principal moteur de croissance sur les prochaines années, d’autant que les dépenses de reconstruction dans les régions sinistrées par le tremblement de terre sont continues. Même si cela soutiendra certainement les dépenses domestiques, en compensation, il existe un risque de hausse des taxes afin que le gouvernement ne soit pas aspiré dans le vortex d’une dette toujours plus lourde.
Marchés émergents : une croissance relativement forte est attendue
Les marchés émergents restent notre source de lumière dans le paysage macroéconomique mondiale de 2012. Un certain nombre de facteurs fondamentaux agissent comme soutien. Tout d’abord, les marchés en développement n’ont pas à faire face à une dette gouvernementale et au déficit budgétaire que de nombreux homologues de pays développés combattent. Deuxièmement, leurs systèmes bancaires semblent également moins vulnérables. Troisièmement, quelques années supplémentaires de gains de productivité élevés sont attendues. Enfin, les ventes domestiques de détail continuent de croitre à un taux décent. En 2010, ces forces ont aidé certains pays qui avaient à lutter contre une surchauffe de leur économie et une hausse de l’inflation.
Aujourd’hui, ces économies connaissent un ralentissement tandis que l’inflation est moins une menace. Dans tout cela, la croissance devrait continuer à être relativement forte en 2012. Nous demeurons optimistes sur la Chine. L’inflation a atteint un sommet en septembre à 6.5% et elle semble prête à diminuer graduellement. Nous avons le sentiment que les inquiétudes concernant le secteur bancaire chinois et les gouvernements locaux sont exagérées tant qu’un atterrissage brutal peut être évité, ce qui nous semble être le plus probable.
Les actions devraient continuer de souffrir… pour le moment
Dans l’ensemble, les prévisions macroéconomiques pour l’année prochaine ne sont pas très optimistes mais le temps est couvert plus qu’orageux. Un retour à une croissance modérée en 2012 est tout à fait possible. Et actuellement les perspectives pour les actions ne sont pas très inspirantes car les fortes incertitudes persistantes pèsent sur les cours. Quelques éléments offrent cependant un certain soutien. Les actions semblent – en moyenne – un peu sous-évaluées. Mais ces aspects positifs sont contrebalancés par des points négatifs.
Pour le moment, les bénéfices ne devraient pas être en mesure d’atteindre les actuelles estimations – élevées – de croissance. Les analystes prévoient une croissance des bénéfices de 13% pour 2011 comme pour 2012. Nous restons sceptiques quant à l’atteinte de ces objectifs. Mais les incertitudes actuelles joueront certainement le rôle de principal trouble fête. Les actions sont très dépendantes des décisions politiques elles-mêmes difficiles à prédire. Tant que nous naviguerons en eaux troubles, le sentiment restera morne. Globalement, nous pensons que les temps sont durs pour les actions et que cela continuera tant que la crise demeurera un facteur dominant. Cela étant dit, un tournant pourrait être pris, dans les derniers mois de 2011 ou en 2012, lorsque nous aurons davantage de visibilité concernant une sortie de crise. A partir de ce moment là, les perspectives pour les actions pourraient s’éclaircir.
Les marchés émergents offrent les meilleures perspectives
Au sein des actions, les marchés émergents offrent les meilleures perspectives pour 2012. Les actions émergentes ont été très secouées par les derniers événements mondiaux. Malgré cela, la tendance haussière à long terme démarrée en 2002 continue de bien résister. Nous pensons que cela devrait se poursuivre grâce aux solides fondamentaux des économies émergentes. De plus, les niveaux de valorisations relatives devraient apporter leur soutien aux actions de la région. Les ratios « cours/cash flow », « cours/bénéfices » et « cours/bénéfices attendus » suggèrent une sous- valorisation de 10% à 14% par rapport à l’ensemble du marché.
Lorsque la morosité disparait, les actions défensives perdent de leur attrait
Tous les secteurs défensifs ont surperformé le marché en 2011, les données macroéconomiques publiées n’étant plus aussi bonnes et la crise s’étant intensifiée. Lorsque la situation sera moins sombre, les actifs sans risques et les actions des secteurs défensifs perdront de leur attraction. Pour les investisseurs qui craindraient de manquer ce retournement des défensives vers les cycliques, les actions à faible volatilité (également appelées actions conservatives) exposées à tous les secteurs, sont une bonne option. Ces actions ne sont en retard sur le marché qu’en période de fort rallye des marchés. De plus, elles offrent des rendements ajustés aux risques élevés. Comme nous prévoyons que les années à venir seront marquées par une croissance économique atone, et que nous pensons que ces actions ne sont que légèrement sous-évaluées, nous ne nous attendons pas à ce que les marchés connaissent une reprise longue et robuste. Dans un tel climat, les actions à faible volatilité peuvent continuer de briller.
Les perspectives de l’immobilier sont en ligne avec celles des actions
Comme la crise de la dette s’est intensifiée dans la zone euro, il serait surprenant que les actions du secteur immobilier maintiennent leur surperformance de l’année 2011. Mais le secteur est soutenu par quelques facteurs positifs. Les bilans des entreprises immobilières se sont en fait améliorés et le ratio de dette nette sur les actifs totaux a diminué. En bref, les perspectives pour l’immobilier ne sont pas franchement différentes de celles des actions. Cela est notamment le cas du point de vue des valorisations car il n’existe aucune différence significative entre ces deux classes d’actifs. Si nous finissons par enregistrer une croissance économique modérée, l’immobilier continuera probablement de bénéficier de ses caractéristiques défensives. Mais si la crise de la dette en zone euro se détériore davantage, des problèmes de financement pourraient dominer ce marché.
Obligations d’entreprises : des perspectives prometteuses à long terme
Après la vente massive d’obligations investment grade et high yield, les cours semblent désormais intégrer une récession. Nous pourrions faire valoir que les spreads se sont trop élargis étant donné que les bilans des entreprises sont sains et qu’ils comptent de forts montants de liquidités. De plus, cette classe d’actif ne devrait pas être autant touchée par un défaut de la Grèce qu’elle ne l’a été par la faillite de Lehman. Après tout, les marchés anticipent ce défaut depuis très longtemps. Etant donné les valorisations attractives, nous avons tendance à avoir des vues positives pour 2012 sur les obligations d’entreprises par rapport à leurs homologues gouvernementales. A court terme cependant, nous maintenons notre opinion neutre car nous avons besoin de plus de clarté sur les décisions des pouvoir politiques.
La dette émergente offre des rendements attractifs
Il y a peu, les investisseurs ont retiré leur argent des marchés émergents, tant sur les actions que les obligations. Ce comportement non discriminatoire ne tient pas compte des fondamentaux relativement sains de ces marchés. A court terme, la dette émergente va probablement continuer d’être affectée par la volatilité et les incertitudes qui pèsent sur les marchés financiers. A long terme, cependant, la classe d’actif pourrait offrir des rendements attractifs sur la base de taux d’intérêt plus élevés. Le rendement moyen de la dette libellée en devise locale est supérieur à 6.5%.
Obligations d’Etats : pas de revente maintenant mais de faibles perspectives à long terme
Les rendements à long terme des obligations d’Etat de bonne qualité ont atteint un nouveau point bas depuis 1900. Ces rendements indiquent que les investisseurs en obligations sont pessimistes face au potentiel de croissance. Ainsi, à moyen-long termes, les perspectives des obligations d’Etats sont faibles. A moyen terme, il existe un risque plus élevé de hausse de l’inflation, une composante clé typique des processus de désendettement après une crise financière. Cependant, l’histoire est différente pour un horizon d’investissement de un an. Les risques inflationnistes sont faibles et les incertitudes liées à la crise de la dette doivent être prises en compte. De plus, les taux d’intérêt à court terme devraient demeurer bas en 2012. Actuellement, notre équipe maintient son opinion neutre sur cette classe d’actifs. Mais dès que les perspectives pour les actifs risqués s’amélioreront, les obligations gouvernementales de bonne qualité pourraient entrer dans une période de rendements peu attractifs. Nous restons donc prudents.
Matières premières : la tendance à la hausse devrait se poursuivre
Même si les prix des matières premières ont été touchés par le ralentissement économique en 2011, nous pensons qu’elles continueront à long terme leur tendance à la hausse. En effet, les catalyseurs clés de ce segment seront inchangés : les contraintes de capacité du point de vue de l’offre font face à une forte demande de la part des marchés émergents. Tant que ces marchés demeureront dans la phase de reprise du cycle économique, les perspectives pour les matières premières seront favorables : la demande augmentera tandis que l’offre demeurera limitée. Le risque pour cette classe d’actifs est que la crise de la dette de la zone euro entraine la région dans une récession sévère, impactant négativement les économies fragiles des Etats-Unis, de la Grande Bretagne et du Japon. Dans un tel scénario, nous pourrions nous attendre à une baisse des prix des matières première même si la tendance reste à la hausse à long terme.