par Akio Yoshino, stratégiste chez Amundi Asset Management
Dans un contexte de sondages en baisse, le gouvernement passe à la vitesse supérieure en vue des élections à la Chambre haute en juillet. Le vote du budget de l’exercice fiscal 2010 offre à l’administration Hatoyama l’occasion de proposer des mesures susceptibles de retenir l’attention des électeurs en influant sur leur quotidien. Cela étant, à partir du mois de mai, le gouvernement devra surmonter plusieurs obstacles : la publication des perspectives budgétaires à moyen terme (juin), la proposition d’une stratégie de croissance économique à long terme et le transfert de la base des Marines américains à Okinawa.
Simple coïncidence ou conséquence inévitable ?
Le 24 mars, le parlement a approuvé la loi de finances pour l’exercice fiscal 2010. C’est le 5ème vote le plus rapide du budget depuis 1945. Parallèlement, le soutien de la population au gouvernement se réduit aussi à grande vitesse. L’administration Hatoyama s’est installée aux commandes du pays en septembre dernier avec une cote de popularité supérieure à 80%, taux le plus élevé depuis l’époque de M. Koizumi. Depuis, ce taux de soutien suit la même tendance que celle des trois derniers gouvernements conduits par le Parti libéral démocrate (PLD).
La raison de l’impopularité des trois derniers gouvernements est évidente : ils avaient des positions impopulaires sur certains sujets et nommaient leurs successeurs au lieu d’organiser de nouvelles élections générales. Le cas du Cabinet Hatoyama est plus complexe. À première vue, les allégations relatives aux financements politiques qui poursuivent le Premier ministre, M. Hatoyama, et le Secrétaire général du Parti démocratique du Japon (PDJ), M. Ozawa, pourraient constituer le problème le plus grave. Pourtant, les électeurs ne semblent pas vraiment exiger des gouvernants qu’ils soient intègres : le PLD longtemps au pouvoir a habitué ces derniers à des pratiques pour le moins contestables en matière de financement de la vie politique.
Ainsi, l’image du Cabinet pourrait être ternie par autre chose. En fait, l’incapacité à tenir les engagements de campagne du PDJ et le manque de rigueur budgétaire semblent être son vrai talon d’Achille. La plupart des politiques économiques envisagées au cours de la campagne électorale des Démocrates sont restées lettre morte ou sont d’une moindre ampleur. Ainsi, la surtaxe des carburants appliquée depuis des décennies n’a pas été abandonnée et les péages autoroutiers n’ont été supprimés que dans des zones limitées. En outre, même lorsque le Cabinet a tenu ses promesses, il n’a pas financé ses mesures grâce à la réduction d’autres dépenses mais en augmentant la dette publique et/ou en utilisant un « trésor caché » (réserves accumulées sur plusieurs comptes spéciaux). Ainsi, la dette publique augmente de 1,7 million de yens (14 000 euros) par seconde. Le pire, qui pourrait être fatal pour le Cabinet, est qu’il aura besoin de 10 000 milliards de yens supplémentaires pour mettre en œuvre les mesures promises par le PDJ pendant en 2011.
Mort ou vif ?
Le gouvernement a déjà nommé un groupe d’étude pour évaluer les projets et les dépenses décidées par l’État dès la préparation du budget de l’exercice fiscal 2010. Sa cote de popularité a temporairement augmenté en novembre, lorsqu’il a eu l’audace de rejeter des demandes de dépenses budgétaires au titre de la directive du ministre de la Réforme administrative. Il a aussi bénéficié d’une série de mesures économiques. À partir d’avril, les frais de scolarité des élèves du secteur public seront supprimés et il sera versé aux élèves de l’enseignement secondaire privé une allocation de 10 000 yens par mois. En outre, les péages de certaines autoroutes seront supprimés. Cependant, la question très controversée au sein de la coalition du transfert de la base des Marines Futenma à Okinawa doit être tranchée en mai. Washington et Tokyo sont d’accord pour un transfert d’une zone très peuplée à une autre où la population beaucoup moins au nord de l’île. Plusieurs assemblées locales s’y sont opposées, incitant M. Hatoyama à envisager le choix d’un autre lieu qu’Okinawa. Mais le manque d’alternatives l’a finalement contraint à revenir à l’idée d’un transfert dans la même région. Le Parti démocratique social, l’un des petits alliés du PDJ, s’étant opposé à tout compromis jusqu’ici, une résolution peu satisfaisante de ce problème pourrait entraîner un blocage politique voire même l’éclatement de la coalition.
Le retournement de l’opinion publique, qui s’inquiète des politiques de protection sociale du PDJ, pourrait aussi poser problème. Les grandes interrogations habituelles émergent à nouveau : comment maintenir la compétitivité du pays, améliorer la productivité, augmenter les recettes fiscales et dépasser le problème de la déflation. Le Cabinet devrait publier deux rapports importants en juin. Le premier concerne un « cadre budgétaire à moyen terme » qui présentera les mesures de politique budgétaire et l’indispensable réforme fiscale d’ici 2013. Le second décrira la stratégie devant permettre d’augmenter le faible potentiel de croissance. L’avenir du Premier ministre pourrait bien être scellé par l’évolution des débats sur ces questions, bien avant les élections à la Chambre haute.