par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
L’Eurogroupe est parvenu à un accord, jeudi, sur un dispositif d’aide à la Grèce. Celle-ci pourra bénéficier de prêts bilatéraux coordonnés de la part des Etats membres de la zone euro qui le souhaitent (sur la base de leur part dans le capital de la BCE). En outre, le dispositif sera complété pour une part « substantielle », mais minoritaire, par un financement du FMI. Celui-ci peut être estimé au tiers de l’enveloppe totale, qui devrait se situer entre EUR20 et 30 milliards.
Toutefois, le mécanisme de prêts bilatéraux ne constitue en rien un chèque en blanc. En effet, d’une part, son déclenchement est soumis à de nombreuses réserves. Le dispositif ne pourra être activé qu’en « dernier recours », en particulier si « le financement de marché est insuffisant » (formulation assez vague qui ne permet pas de connaître le seuil, éventuel, de déclenchement) et la décision devra être prise à l’unanimité et sera soumise « à de fortes conditionnalités », non précisées pour le moment, le tout après une évaluation conjointe de la Commission européenne et de la BCE. D’autre part, le dispositif ne se veut pas un substitut permanent aux financements de marché. Pour cela, les taux d’intérêt appliqués aux éventuels prêts intégreront « une tarification adéquate du risque » et aucune « subvention ».
Il s’agit bien de mettre en place un « cadre européen » et non pas seulement un plan de sauvetage de la Grèce, qui n’est d’ailleurs citée dans la déclaration des chefs d’Etat et de Gouvernement de la zone euro qu’au titre de ses efforts de consolidation budgétaire, dont la crédibilité est saluée. Comme depuis le début de la crise relative aux dettes souveraines, c’est la nécessité de préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble qui est mise en avant.
Le renforcement de la capacité de celle-ci à agir pendant les crises est souhaité. Sont visés, en particulier, les mécanismes du Pacte de Stabilité et de Croissance en matière de surveillance et de prévention dont les limites sont apparues au grand jour. Des propositions d’améliorations devront être faites par le président du Conseil européen d’ici à la fin de l’année. Les déséquilibres des transactions courantes, les niveaux d’endettement privé et les écarts de compétitivité devraient faire l’objet d’un suivi attentif, la crise ayant montré qu’ils pouvaient très aisément se traduire par une détérioration des finances publiques. Last but not least, le renforcement du « gouvernement économique de l’Union européenne » (economic governance dans le texte en anglais) est jugé souhaitable.
Le risque d’illiquidité de la Grèce a été éliminé, mais l’incertitude demeure quant au coût de ses futures émissions. Il faut souhaiter que le dispositif mis en place jeudi (qu’il soit effectivement activé ou non) conduise à une réduction substantielle de celui-ci, condition nécessaire à une diminution du fardeau de la dette.
Au total, la semaine aura été plutôt favorable à la Grèce. En effet, la BCE avait décidé, dès la matinée de jeudi, de prolonger l’assouplissement de ses règles en matière de collatéral. Les titres bénéficiant au moins d’une note BBB- continueront d’être éligibles au-delà de la fin de 2010 aux opérations de refinancement de la BCE. Certes, les hair cuts seront ajustés en fonction de la qualité de la notation, mais les titres grecs demeureront des sûretés éligibles.
La reprise se poursuit dans la zone euro. Le PMI composite d’activité a même affiché une hausse très marquée en mars, avec une progression de deux points à 55,5. Dans le secteur manufacturier, l’indice s’est inscrit à près de 60, le niveau le plus élevé depuis août 2006 et l’activité a également accéléré dans les services, où, selon l’enquête, elle serait revenue à son niveau de la fin de 2007. L’amélioration a été particulièrement sensible en Allemagne, tendance confirmée par les résultats de l’enquête IFO, où le regain d’activité mondiale et la baisse de l’euro sont favorables aux exportations.
La tendance baissière de la monnaie européenne ne semble d’ailleurs pas devoir être remise en cause. En dépit des avancées européennes de cette semaine, la dégradation des finances publiques va continuer de peser. En outre, les perspectives d’activité à moyen et long terme de la zone euro restent moroses et la croissance du PIB devrait s’afficher bien en retrait de ce qui est attendu aux Etats-Unis. Par conséquent, le resserrement monétaire de la Fed précédera celui de la BCE et cette année comme l’année prochaine, la hausse des rendements longs américains sera plus marquée que celle de leurs homologues européens. Dans ces conditions, la parité EUR/USD devrait approcher 1,25 d’ici à la fin de l’année.