par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Les chefs d’Etats du G-20 étaient arrivés au sommet de Londres avec des agendas dont les priorités étaient différentes. Chacun d’entre eux avait avec une idée spécifique des remèdes à apporter au malade : les Américains étaient favorables à un renforcement concerté des politiques budgétaires expansionnistes nationales. Les Européens continuaient de mettre en avant la nécessité d’une nouvelle régulation du système financier international. Au final, le G-20 est parvenu à présenter un front uni pour célébrer l’émergence « d’un nouvel ordre mondial ».
Tout d’abord, le sommet a décidé un ensemble de mesures portant sur 1100 milliards de dollars pour soutenir les pays rencontrant actuellement des difficultés de financement (en particulier les pays émergents), via les organismes internationaux et le soutien au financement du commerce international. Ainsi les ressources du FMI seront triplées ; son capital sera augmenté de 250 milliards sous la forme d’une nouvelle ligne de Droit de Tirage Spécial. Les banques régionales de développement recevront 20 milliards de dollars et les agences de soutien à l’export ainsi que les agences d’investissement 250 milliards.
D’autre part le G-20 s’est dit déterminé à mener à bien une réforme ambitieuse du système financier international, reposant sur la création d’un conseil de stabilité financière qui remplacera le Forum de stabilité financière avec un mandat renforcé ; le contrôle des hedge funds ; l’adaptation des règles prudentielles ; l’encadrement des bonus ; l’enregistrement et surveillance des agences de notation, une action contre les paradis fiscaux.
Les marchés actions ont salué les conclusions du sommet, venant à point nommé alors que l’économie mondiale traverse la crise la plus profonde de son histoire depuis la seconde guerre mondiale. L’OCDE anticipe une baisse du PIB des pays membres de plus de 4% cette année et le FMI prévoit une contraction de l’économie mondiale entre 0,50% et 1%. Certains pays développés sont plus touchés que d’autres. Il en est ainsi de Japon, de l’Allemagne et de la Corée (avec une baisse prévue du PIB de respectivement -6,8%, -5,4% et -3%) très dépendants de leur secteur manufacturier et la demande extérieure (le commerce mondial devrait reculer de 9% en 2009, selon l’OMC).
Dans ce contexte, la Banque Centrale Européenne a décidé à l’issue de sa réunion du 2 avril d’abaisser le refi de 25 points de base à 1,25%. Elle maintient ainsi à 100 pb les écarts respectifs entre d’une part le taux de la facilité de dépôt, abaissé à 0,25%, et le refi et d’autre part le refi et le taux de la facilité marginale d’emprunt, à 2,25%. Ainsi, la BCE cherche-t-elle à soutenir le marché du crédit, en rendant moins attractif le dépôt de réserves sur ses livres. De fait, les banques commerciales ont moins recours à la facilité de dépôt depuis l’élargissement du corridor à 100 points de base en janvier dernier (les dépôts bancaires ne se montent désormais plus qu’à 48 milliards d’euros contre près de 300 milliards début janvier).
Cette tendance a été renforcée par l’annonce, début mars, du maintien de ces procédures aussi longtemps que nécessaire et au moins jusqu’à la fin de 2009, ce qui a rassuré les banques et conduit à une demande moins forte de liquidité lors des opérations de refinancement ainsi qu’à une baisse concomitante de l’utilisation de la facilité de dépôt. Dans la session des questions réponses, Jean-Claude Trichet a toutefois souligné que la baisse du refi à 1,25% ne signifie pas la fin du cycle actuel d’assouplissement monétaire.
En effet, les dernières enquêtes publiées pour mars, PMI composite et Commission européenne, illustrent l’extrême faiblesse de l’activité dans la zone euro. Le PIB a probablement baissé plus fortement au T1 2009 qu’au T4 08 (-1,5% t/t) Par ailleurs, un épisode déflationniste ne peut être exclu dans la mesure où la contraction de l’activité couplée à la montée du chômage et la persistance d’effets de base positifs sur les prix des matières premières contribuent à un recul très significatif de l’inflation. En mars, elle s’est établie à 0,6%, selon son estimation flash, après 1,2% en février, confirmant ainsi que le sursaut du mois précédent n’a été que de courte durée. La tendance à la baisse devrait se poursuivre et l’inflation devrait passer en territoire négatif au cours de l’été.
Dans ce contexte, Jean-Claude Trichet a souligné toutefois qu’il n’envisageait pas de voir le taux de la facilité de dépôt passer sous 0,25%. Par conséquent, l’écart avec le refi devrait être réduit (probablement à 0,75% dès le mois de mai), ce qui permettrait de nouvelles baisses du taux de refinancement. Cependant, les marges de manœuvre de la politique monétaire traditionnelle sont quasiment épuisées et la Banque centrale devrait avoir recours assez rapidement à de nouveaux instruments de politique monétaire non conventionnels pour stimuler l’économie.
A la suite de la réunion de mai, un allongement de la maturité des opérations de repo, qui est aujourd’hui de 6 mois, parait possible, ainsi que des mesures de credit easing.