par Bastien Drut, Stratégiste senior chez CPR AM
Le président de la Fed, Jerome Powell, avait déjà publié un communiqué vendredi pour prévenir que « bien que les fondamentaux de l’économie américaine restent solides, le coronavirus posait un risque pour l’activité ». Aujourd’hui, la Fed est passée à l’acte et a baissé sa fourchette de taux directeurs de 50 bps à 1,00/1,25%. Cette décision est historique à plus d’un titre :
• C’est la première baisse de taux directeurs de plus de 25 bps depuis décembre 2008,
• C’est la première baisse de taux directeurs inter-meeting depuis le 7 octobre 2008 (qui avait eu lieu 3 semaines après la faillite de Lehman Brothers donc),
• La décision a été prise à l’unanimité (faucons compris donc).
Lors de sa conférence de presse improvisée, Jerome Powell a répété que les fondamentaux de l’économie américaine restaient solides mais que l’épidémie de coronavirus posait de nouveaux risques qui « pèseront sûrement » sur l’activité économique. La phrase la plus marquante est sans doute : « la solution ultime au problème viendra d’autres personnes que les membres du FOMC, notamment des professionnels de la santé.» L’une des possibles interprétations est que la Fed doit avoir conscience qu’en année électorale, le soutien à l’économie provenant de la politique budgétaire sera forcément limité et qu’elle se retrouve seule à être en mesure de faire quelque chose. Néanmoins, on peut douter de l’efficacité d’une telle décision et Jerome Powell lui-même suggérait que cette action n’aurait pas beaucoup d’impact : « Nous reconnaissons qu’une baisse de taux ne réduira pas le taux d’infection et que cela ne résoudra pas les problèmes de chaînes d’approvisionnement. Nous avons cela en tête. »
Malgré cette baisse de taux historique, Donald Trump trouve, lui, que la Fed n’en fait pas assez…
La Fed n’est pas la seule à avoir assoupli sa politique monétaire aujourd’hui puisque les banques centrales australienne et malaisienne ont aussi baissé leurs taux directeurs :
- La banque centrale australienne (RBA) a baissé son taux directeur de 25 bp à 0,50%. Le communiqué est clair : « Le comité a pris cette décision pour soutenir l’économie, qui fait face à l’épidémie de coronavirus ». Pour la RBA, la croissance mondiale sera plus basse que prévu sur le S1. « Il est trop tôt pour dire dans quelle mesure persisteront les effets du coronavirus et à partir de quand l’économie mondiale reviendra sur une tendance positive ». L’Australie, qui est longtemps restée comme l’un des pays développés avec les taux les plus élevés, se rapproche du club des banques centrales « taux zéro ».
- La banque centrale malaisienne a baissé ses taux de 25 bp à 2,50% en justifiant le mouvement par le fait que les conditions économiques globales se sont détériorées : « L’épidémie de Covid19 a disrupté la production et les transports, tout particulièrement en Asie. Les risques baissiers pour l’économie mondiale ont augmenté, particulièrement à court terme. »
La BCE elle-même n’a pas annoncé de mesure aujourd’hui mais sa présidente Christine Lagarde a publié un communiqué hier expliquant que l’épidémie de coronavirus progressait rapidement, ce qui créait des risques pour les perspectives économiques, et que la BCE était prête à prendre des mesures appropriées et ciblées. Cela tranche avec ses déclarations de mercredi dernier dans lesquelles elle expliquait que la BCE suivait la situation mais n’en était pas proche de prendre des mesures de politique monétaire…
La grande rapidité (la précipitation diront certains) avec laquelle les banques centrales réagissent à l’épidémie de coronavirus a de quoi surprendre et n’est pas forcément de nature à rassurer. Les taux n’ont jamais été aussi bas dans les pays développés et cela n’est vraisemblablement pas fini.