par Sandrine Boyadjian et Werner Perdrizet, économistes au Crédit Agricole
- Sans surprise, le PIB en zone euro s’est contracté de 0,3% t/t au T4 2011, selon la première estimation d’Eurostat.
- Seule la France parmi les grands pays de la zone tire son épingle du jeu, en enregistrant une hausse, néanmoins modérée, de son PIB (0,2%).
Comme nous l’avions anticipé, la croissance européenne s’est inscrite en repli en fin d’année dernière. En effet, le PIB en zone euro a reculé de 0,3% t/t au quatrième trimestre 2011. Sur l'ensemble de l'année 2011, la croissance européenne s'élève ainsi à 1,5 % après 1,8% en 2010.
Cette contraction de l’activité résulte en grande partie des plans d'austérité mis en place de façon sévère et quasi simultanée dans les dix-sept États membres. En particulier, la Grèce bat tous les records avec un PIB en baisse de 7 % en glissement annuel au quatrième trimestre de 2011. Dans une moindre mesure, le Portugal, l'Italie et l'Espagne ont vu aussi leurs économies se contracter (respectivement -1,3%, -0,7% et -0,3%). Même l’Allemagne, pourtant bonne élève en termes de finances publiques et de compétitivité, a enregistré une contraction de son PIB de 0,2% t/t au quatrième trimestre 2011. En revanche, la France a créé la bonne surprise.
Le creux conjoncturel semble avoir été atteint en fin d’année dernière en zone euro, le début de 2012 s’annonçant globalement plus stable au niveau du climat des affaires. Néanmoins, l’amélioration des indicateurs qualitatifs d’enquête n’est pas homogène entre pays, en particulier en Espagne où les enquêtes restent mal orientées. En outre, l’embellie des enquêtes en Allemagne au mois de janvier doit être modérée par des commandes, qui bien qu’en remontant signalent un niveau d’activité encore inférieur au trimestre précédent.
Ainsi, la zone euro n’échapperait pas à la récession technique (c’est-à-dire deux trimestres consécutifs de croissance négative), avec un recul du PIB de 0,2% prévu au T1 2012. L’ajustement anticipé de l’activité au T1 2012 ne se chiffre donc pas dans les mêmes ordres de grandeur qu’en 2009, les importantes surcapacités de la fin des années 2000 ayant été largement épurées.
La France tire son épingle du jeu
Au quatrième trimestre, la croissance française a surpris, avec une légère progression du PIB en volume (+0,2% t/t). Celui-ci était attendu en recul (-0,1% t/t selon nos prévisions, -0,2% pour le consensus), or il ne ralentit que légèrement (+0,3% t/t au trimestre précédent). Cette surprise s’explique essentiellement par un rebond de l’investissement des entreprises et une contribution positive du commerce extérieur. Les dépenses des entreprises étaient attendues à la baisse à la fois en termes d’investissement et de stocks. Or celles-ci ont effectivement diminué mais par l’intermédiaire d’un arrêt du restockage.
L’investissement des entreprises a rebondi, passant de +1,4% t/t contre -0,4% t/t précédemment. Ce sursaut s’explique essentiellement par des achats importants d’automobiles liés à des facteurs temporaires, notamment une anticipation de l’augmentation de la taxe sur les véhicules de société les plus polluants. A l’inverse, la contribution des stocks à la croissance a été fortement négative de -0,8 point. Les entreprises ont ainsi interrompu le mouvement de restockage entamé depuis début 2011. Sur l’année, les stocks ont fortement soutenu la croissance avec une contribution de 0,9point pour une croissance de 1,7% en moyenne. Au quatrième trimestre, le très net ralentissement du restockage des entreprises a été compensé par un moindre recours aux importations (-1,2% t/t) d’où un fort soutien à la croissance du commerce extérieur (+0,7 point). Malgré le recul de l’activité en zone euro, le dynamisme des exportations explique également cet apport extérieur avec une progression de +1,2%.
Cependant, la consommation des ménages a ralenti légèrement (+0,2% après +0,3%) et ce comme anticipé. Ce mouvement s’explique par une inflation élevée (atteignant un pic de 2,5% a/a en décembre), une moindre progression des revenus et un marché du travail dégradé. Au quatrième trimestre, l’emploi dans les secteurs marchands non agricole a ainsi reculé de -0,2% t/t et le nombre de chômeurs estimé par Pôle Emploi a augmenté de +2,9% t/t. A cela s’ajoute un moral dégradé comme en témoignent les enquêtes de confiance de l’Insee auprès des ménages. De façon générale, la croissance plutôt positive en 2011 aura été freinée par une consommation déprimée. Celle-ci aura progressé très faiblement de +0,3% contre un rythme moyen sur 2000-2007 de +2,1%. Il faut néanmoins se rappeler de l’impact fortement négatif de l’arrêt de certaines mesures de soutien (prime à la casse) qui avaient notamment participé au net recul de la consommation au deuxième trimestre 2011 (-1% t/t). Les perspectives en 2012 ne sont pas très réjouissantes. Même si l’inflation devrait ralentir, ce qui soutiendrait légèrement le pouvoir d’achat, les ménages devront continuer à faire face au freinage des revenus salariaux, à la hausse du chômage et au poids croissant des prélèvements fiscaux.
Cette résistance surprenante de la croissance ne devrait pas se reproduire en début d’année 2012. L’évolution de l’activité reste plutôt orientée à la baisse même si elle apparaît très incertaine. Dans l’ensemble, les enquêtes témoignent en effet de perspectives d’activités toujours dégradées mais leur message diverge quelque peu. Alors que les enquêtes Insee font état de la poursuite de la dégradation du climat des affaires, les enquêtes PMI continuent à se redresser. Cependant, il apparaît peu probable que l’investissement des entreprises reste sur une tendance aussi positive alors que leur situation financière reste toujours fragilisée et les débouchés incertains. La croissance du premier trimestre 2012 sera également affaiblie par une consommation privée qui devrait légèrement se contracter. Ce recul serait notamment le résultat de la forte baisse des achats d’automobiles. Le léger ralentissement de ce marché en 2011 devrait s’accentuer en 2012. Les immatriculations affichent un recul de 18,3% m/m (24,9% a/a) en janvier en passant de 184 600 unités sur le mois à 150 800. A ce rythme, les ventes de voitures aux particuliers reculeraient de plus de 16% t/t au T1 2012.
Au final, la croissance française en 2012 bénéficie de cette légère progression de l’activité à la fin de l’année 2011 (acquis de 0,3% pour 2012) mais ceci ne modifie pas le profil de nos prévisions d’activité. La croissance serait en recul modeste au premier trimestre puis se reprendrait graduellement. En moyenne, elle serait limitée à 0,3% en 2012.
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