De l’excès d’optimisme d’Obama

par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas

  • Le président Obama a présenté son projet de budget pour l’exercice 2013, qui constitue plus un programme électoral qu'autre chose, puisque le Congrès ne le votera pas.
  • Les hypothèses économiques pèchent par excès d’optimisme, mais sans exagération notable par rapport à d’autres institutions de Washington.
  • Les prévisions, telles que revendiquées, de réduction à moyen terme des déficits de l'Etat fédéral sont loin d'être crédibles. Ce point constitue notre principale préoccupation puisqu'il démontre que, quelles que soient les promesses, la réduction du déficit n’est toujours pas une vraie priorité pour les responsables politiques américains.

 

Le 13février, le président Obama a présenté son projet de budget pour l’exercice 2013, qui commencera en octobre prochain. Il s’agit de la toute première étape d’un processus qui commence en amont avec la mise en forme par L’OMB (Office of Management and Budget, organe de la Maison blanche) des directives du Président. Le budget est habituellement communiqué au Congrès début février, ce qui lui donne huit mois pour agir avant le début de l'exercice budgétaire, le 1er octobre (voir le tableau 1). Cependant, compte tenu des dissensions au sein du Congrès et avec le Président, il est très improbable que ce budget – ou tout budget, quel qu’il soit, d’ailleurs – soit voté cette année. Comme l’année dernière, le gouvernement fédéral sera financé au moyen de « résolutions continues ». Celle actuellement en vigueur le financement jusqu'à la fin de l'exercice 2012, le 30 septembre prochain.

Que propose le président Obama ?

Le président Obama a proposé un budget de 3 803 MdUSD (dépenses totales) pour l’exercice 2013, ce qui aboutirait à un déficit de 901MdUSD pour l’État fédéral. Il s’agirait d’une amélioration de 426 MdUSD par rapport à l’estimation actuelle de déficit de 1 327 MdUSD pour l’exercice 2012 (estimations de l’OMB, le CBO, Congressional Budget Office, prévoyant un déficit de 1 079 MdUSD). Il est prévu que les recettes augmentent de 433 MdUSD entre 2012 et 2013 (+17,5 %), et que les dépenses gagnent 7 MdUSD (+0,2 %). En pourcentage du PIB, le déficit serait le plus faible depuis l’exercice 2008, à 5,5 %, après une moyenne de 9,2 % entre les exercices 2009 et 2011, et une estimation à 8,5 % pour 2012.

Comme nous l’avons souligné plusieurs fois, le projet du président Obama n'a aucune chance d'être accepté par le Congrès. Le budget proposé par le président Obama pour l’exercice 2013 correspond ainsi simplement au programme qu’il appliquerait s’il était réélu. Il s’agit donc clairement davantage de politique que d’économie et, ainsi, les propositions pâtissent d’un défaut de crédibilité. En particulier, les hypothèses économiques sont tout simplement irréalistes. Nous tendons déjà à être optimistes, en tablant sur une accélération progressive mais certaine de l’activité en 2012, avant une reprise marquée en 2013, mais le Président l’est encore plus que nous.

Une envolée de l’activité est ainsi prévue ; en effet, pour que la croissance moyenne du PIB atteigne 2,7 % en 2012, il faudrait que l’activité croisse à un rythme annualisé de 3 % par trimestre toute l’année. Cette cadence devrait ensuite être maintenue en 2013, et s’accélérer encore par la suite, puisque les prévisions tablent sur une croissance annuelle moyenne de 3,9 % entre 2014 et 2017 ! Visiblement, toutes les institutions de Washington pèchent par le même excès d’optimisme : CBO et membres du FOMC ont des prévisions relativement similaires. Précisons que les prévisions de chômage de l’OMB sont beaucoup plus pessimistes, avec une moyenne de 8,9 % en 2012 pour un taux qui se situait à 8,3 % en janvier, et une tendance baissière qui devrait se poursuivre.

Autre élément difficilement crédible, les réductions annoncées du déficit budgétaire à moyen terme : plus de 4 000 MdUSD, avec plus de 3 000 MdUSD venant s’ajouter aux quelque 1 000 MdUSD déjà votés dans le cadre du Budget Control Act de 2011. Ici, les calculs sont plus que douteux puisque, par exemple, le fait de ne pas reconduire les réductions d'impôts du président Bush (dont l'expiration est prévue en décembre 2012) est compté comme une réduction du déficit (de 1 433 MdUSD sur les exercices 2013 à 2022).

En résumé, le document de l’OMB compare le projet de budget du président Obama à un « niveau de base ajusté », calculés à partie de ce que pourrait appliquer le parti républicain. Le projet du Président devrait être comparé au scénario de base du CBO, qui synthétise les perspectives dans l’hypothèse d’une politique inchangée.

A partir de référence (document du CBO du 31 janvier 2012), les propositions du président Obama ne vont pas dans le sens de réductions supplémentaires du déficit, mais d’un ajustement plus lent (tableau 2). En effet, selon le projet du Président, le solde primaire redeviendrait excédentaire plus tard (pour l’exercice 2018 et non plus 2015). Bien que le scénario de base du CBO prévoit un excédent primaire pour les exercices 2012 à 2022 (321 MdUSD), les propositions du président Obama intègrent un déficit primaire (d’un montant cumulé de 2 071 MdUSD entre 2012 et 2022). Si la politique budgétaire restait inchangée, le ratio de dette (fédérale détenue par le public) passerait de 67,7 % actuellement à 62 % fin 2022. Selon les projets du Président, il atteindrait son pic plus tard (et plus élevé, à 78,4 % pour l’exercice 2014, contre 75,1 % en 2013 selon le CBO), pour finir la période à un niveau bien supérieur de 76,5 %.

Tout cela est plutôt décevant, puisqu’on voit bien que, quelles que soient les promesses des responsables politiques, la réduction du déficit budgétaire n’est pas leur priorité, alors que nous pensons (comme la plupart des économistes) qu’elle devrait l’être, afin de préparer le gouvernement fédéral aux défis de long terme que représentent le vieillissement de la population et le coût croissant de soins médicaux.

Les autres détails du projet du président Obama n’ont rien de surprenant : hausse des impôts pour les plus riches (pas de reconduction des réductions d’impôts du président Bush, mise en œuvre de la « règle Buffet » qui assure un taux d’imposition minimum de 30 % aux ménages gagnant plus d’un million de dollars par an, plafonnement des déductions pour les familles dont le revenu dépasse 250 000 USD par an, taxation de l’intéressement comme un revenu ordinaire), augmentation des dépenses d’éducation et de formation continue, de recherche et développement et dans les infrastructures. Nous ne remettons pas en question les dépenses proposées par ce programme, qui pourraient accroître le taux de croissance potentiel, mais elles doivent s’accompagner d’une réforme fiscale plus ambitieuse et d’un plan crédible de réduction du déficit budgétaire fédéral. Or, les propositions du président Obama font défaut sur ces deux points. C’est décevant, mais pas surprenant. En outre, s’il est réélu, les mesures mises en œuvre par le Président pourraient se révéler bien différentes au final – avec un petit coup de pouce du Congrès.

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