par Nathalie Dezeure et Victoire Dumaine-Martin, économistes chez Natixis
La croissance du T3 11 a été confirmée à +0,5% T/T en deuxième estimation. Ce résultat masque cependant des évolutions particulièrement préoccupantes. Les exportations nettes ont reculé et leur contribution à la croissance s’est révélée une nouvelle fois négative. Les dépenses de consommation des ménages ont enregistré une croissance nulle, après quatre baisses consécutives (-1,7% depuis T2 10) et les dépenses d’investissement ont perdu 0,2%, en raison d’une baisse de 1,4% de l’investissement productif. Au final, seule la consommation publique (+0,9% et une contribution de 0,2 point de PIB) et la formation de stocks (0,7 point de PIB de contribution) ont soutenu la croissance.
Risques baissiers à court terme
Par ailleurs, les risques baissiers sur les perspectives d’évolution du PIB britannique se sont renforcés. A court terme, la structure de la croissance au T3 11, avec l’importance des stocks, suggère des ajustements baissiers. De leur côté, les dépenses de consommation des ménages, déjà freinées par l’évolution des revenus et de l’inflation (l’inflation devrait se maintenir à 4,7 % en moyenne au T4 11, avant de se replier rapidement en 2012) pourraient encore être abaissées en raison d’une hausse du taux d’épargne. En effet, malgré une baisse tendancielle depuis mi-2009, par ailleurs interrompue au T2 11, le taux d’épargne se maintient bien au-dessus des niveaux observés entre 2000 et 2007. Dans un contexte caractérisé par une très forte incertitude, l’épargne de précaution devrait rester significative. Par ailleurs, avec la baisse des marchés boursiers observée depuis l’été, le taux d’épargne devrait connaitre une nouvelle phase de hausse (au second semestre 2011 et début 2012) en raison de la baisse de la richesse financière nette des ménages. En conséquence, la consommation restera extrêmement fragile, en particulier fin 2011 (-0,3% au T4) et début 2012 (-0,1% au T1).
Ainsi, selon notre scénario, le PIB britannique devrait reculer au cours des deux prochains trimestres (-0,2% T/T au T4 11 et -0,4% T/T au T1 12). A plus long terme, la croissance restera très modérée en raison des éléments que nous avons déjà évoqués (faiblesse durable de la consommation des ménages, dépenses publiques limitées, soutien aléatoire des exportations nettes). En conséquence, nous avons révisé en baisse notre scénario de croissance en particulier pour 2012. Après +0,9% en 2011, la croissance devrait ralentir à +0,5% en 2012 (contre +1% précédemment). Pour 2013, nos perspectives restent inchangées (+1,7%).
Révision baissière généralisée des perspectives de croissance. Nous ne sommes pas les seuls à avoir révisé notre scénario. Début novembre, la commission européenne a modifié ses projections de croissance, à 0,7% en 2011 et 0,6% en 2012, versus 1,7% et 2,1% dans l’European Economic Forecast du printemps dernier.
S’agissant des institutions britanniques, la publication de l’Inflation Report, le 16 novembre dernier, a également révélé un abaissement significatif des projections de la BoE, avec un net infléchissement en 2012. Ainsi, à taux de base inchangé, la BoE prévoit désormais une croissance de 0,8% en moyenne en 2012, contre 2,1% projeté dans l’Inflation Report d’août dernier. Les principales raisons évoquées pour justifier ce changement de scénario sont la faiblesse persistante des revenus des ménages et la consolidation fiscale en cours auxquelles sont venus s’ajouter le ralentissement de la croissance mondiale et la crise de la zone euro, cette dernière se traduisant par de nouvelles tensions pour les banques et par une chute de la confiance des agents.
Enfin, à l’occasion de la publication de l’Autumn Forecast du gouvernement, l’OBR a dévoilé le 29 novembre ses nouvelles prévisions qui déterminent le cadre macro-économique du budget. Les projections de croissance 2011-2012 ont été fortement révisées, à 0,9% et 0,7% respectivement, contre 1,7% et 2,5% prévus dans le Budget de mars dernier. Selon l’OBR, trois éléments expliquent cette baisse : la crise de la zone euro, une inflation plus élevée que prévu et un abaissement de la croissance potentielle (en raison d’une révision du taux de sous utilisation des capacités de production).
Par ailleurs, au-delà de 2012, il faut noter un changement significatif de la composition de la croissance sur l’horizon de prévision, avec une baisse de la contribution des exportations nettes et un relèvement de celle de la consommation des ménages. Le rééquilibrage de la demande, un des axes de développement privilégiés par le gouvernement, s’annonce donc plus difficile que prévu.
Alors que l’investissement des entreprises, largement soutenu par les différents programmes mis en place par le gouvernement, devrait être de loin la composante la plus dynamique de la croissance, (+ 7,7% en 2012 et plus 8,9% en 2013 selon l’OBR, +4,6% et +5,6% selon notre scénario), la demande d’importation du Royaume-Uni restera significative. Les biens d’équipement et de transports (hors automobiles) représentent en effet près de 25% du volume des produits importés et les matériaux 12%.
La zone euro, un bouc émissaire trop facile
Le gouvernement présente la crise de la zone euro comme le principal responsable de la dégradation des perspectives de croissance. A priori, celle-ci peut affecter l’économie britannique principalement par trois canaux : bancaire (credit crunch), obligataire (hausse des taux de la dette publique) et commercial (chute des exportations). S’agissant du risque de credit crunch, il semble limité, alors que la croissance du crédit se maintient à des niveaux planchers depuis plusieurs trimestres.
Du côté des ménages, le processus de désendettement reste d’actualité et la faiblesse du crédit s’explique avant tout par l’absence de demande. Du côté, des entreprises, la croissance du crédit est négative depuis mi-2009, ce qui a d’ailleurs incité le gouvernement à mettre en place (ou à renforcer) des dispositifs de financement des PME. Quant au risque de hausse des taux à long terme, il reste largement restreint par les achats de Gilts par la BoE (APF). Ainsi, le taux 10 ans se situe à des niveaux historiquement bas, sous les 2,4% depuis début novembre.
Reste le canal commercial par le biais duquel les conséquences de la crise de la zone euro devraient être plus significatives. Avec 41% des exportations de biens et services britanniques destinées à la zone euro, le ralentissement des importations de la zone euro (5,8% 2011, 3,7% en 2012 et 4,3% en 2013 en volume, prévisions Natixis) devrait amputer la croissance des exportations britannique de 0,9 point l’an prochain, soit environ 0,3 point de PIB. Si cela n’est pas négligeable, la baisse de la demande en zone euro est cependant loin d’être le principal facteur d’affaiblissement de la croissance. A titre de comparaison, selon les chiffres de l’OBR, la révision baissière des prévisions de consommation des ménages pour 2012 (de 1,3% à 0,3%) retire 0,7 point à la croissance. De nouvelles mesures d’économie Le contexte actuel marqué par une croissance britannique faible, un chômage en forte hausse et le ralentissement de la croissance mondiale a contraint le gouvernement à présenter de nouvelles mesures de consolidation fiscale lors de la présentation de l’Autumn Forecasts.
En dépit de ces nouveaux ajustements, le gouvernement annonce une baisse du déficit moins rapide que celle qui avait été annoncée en mars dernier. Selon la trajectoire présentée, le déficit devrait atteindre 3% du PIB en 2015-16 (contre 1,6% en 2015-2016 annoncé en mars) et 1,3% en 2016-17. De son côté, la dette devrait augmenter jusqu’à 93,9% du PIB en 2014-15 (bien au dessus du pic de 87,2% du budget de mars 2011) avant de se replier à 89,7% en 2016-17. Par ailleurs, si les hypothèses de croissance retenues pour 2011 et 2012 sont plutôt consensuelles, au- delà de cet horizon les perspectives apparaissent quelque peu optimistes (2,3% en 2013, 2,7% en 2014 et 3% en 2015 et 2016), ce qui suppose un ajustement des finances publiques encore plus lent qu’annoncé.
Les nouvelles mesures d’austérité présentées permettront une baisse des dépenses de 15,1 milliards£ tandis que les recettes ne seront augmentées qu’à la marge sur l’exercice de projections (2011-2016).
Elles s’ajoutent ainsi à celles mises en place depuis juin 2010 et portent le montant total de la consolidation fiscale à 147 milliards£ entre 2010 et 2016. L’effort se poursuit désormais au-delà de la législature actuelle (les prochaines élections législatives sont prévues en 2015) et reste concentré sur les dépenses qui représentent près de 80% de l’ajustement.
Ces économies s’articulent autour de quatre postes. La modération salariale dans le secteur public est renforcée par le biais d’une hausse de 1,0% (contre 2,0% prévu) en moyenne de la rémunération des fonctionnaires au cours des deux années suivant le gel actuel des salaires (entre avril 2011 et mars 2013). Par ailleurs, le nombre de suppressions de postes dans le secteur public d’ici à 2017 a été revu à la hausse par l’OBR de 390 000 à 710 000. La suppression de la sur-indexation de l’allocation pour enfants (Child tax Credit) et le gel du Working Tax Credit (versé par le Trésor aux salariés à faibles revenus) renforce le processus de démantèlement de l’Etat providence. Enfin, l’ajustement de l’Official Development Assistance (aide aux pays en développement) à 0,7% du revenu disponible brut complète le programme d’économie.
Les PME restent au cœur de la stratégie de croissance du gouvernement
S’agissant des mesures de soutien à l’économie, le gouvernement garde également le cap, présentant un nouveau volet de la politique de soutien aux entreprises, et plus particulièrement aux PME.
Après les allégements fiscaux concédés (baisse de l’IS, exemption de la taxe sur les locaux commerciaux pour les PME, renouvelée pour une période de 6 mois à partir d’octobre 2012, création de 22 zones franches, baisse des charges sociales) et les différents dispositifs de financements déjà en place, George Osborne a détaillé sa proposition d’un « crédit easing » visant à soutenir le financement à court terme des PME. Pour l’heure, ce « credit easing» est doté de 21 milliards£ dont 20 milliards disponibles sous forme de garanties pour le financement bancaire au cours des deux prochaines années (National Loan Guarantee Scheme). Cela devrait permettre aux banques d’offrir des conditions de prêt plus favorables aux PME. Le milliard restant est alloué à un nouveau programme, le Business Finance Partnership.
Le gouvernement a également pris des mesures pour aider les ménages dont le pouvoir d’achat est écorné par l’accélération de l’inflation et la faible progression des revenus. La principale annonce concerne la taxe sur les carburants : la hausse de 3,02 pence par litre (ppl) en janvier 2012 est reportée au 1er août 2012 tandis que l’augmentation de cette taxe (estimée à 1,92 ppl) prévue en août 2012 est annulée.
Cependant cette mesure ne permet pas de compenser les effets de la baisse des dépenses courantes (Child Tax Credit, Working Tax Credit, modération salariale) sur les ménages. Au total, entre 2012-13 et 2014-15, la « facture fiscale » est encore lourde pour les ménages (2,9 milliards£).
Retrouvez les études économiques de Natixis