par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Les données les plus récentes ont fait état de l’amélioration de la situation économique aux Etats-Unis. En juin, le PMI manufacturier a progressé pour le sixième mois consécutif, en gagnant deux points à 44,8, son plus haut niveau depuis août 2008, la composante production passant même au-dessus de 50 (52,5), le tout suggérant que le repli de l’activité manufacturière devrait cesser.
En juin, si l’activité dans le secteur a reculé pour le septième fois en huit mois (la production manufacturière avait stagné en février), le repli a été limité à 0,6% contre -1,1% le mois précédent, et une baisse moyenne de 1,6% entre novembre et mai.
Dans la même veine, les enquêtes régionales menées dans le secteur manufacturier par les Feds de New-York et de Philadelphie ont envoyé pour le quatrième mois consécutif des signaux plus positifs en juillet (de façon toutefois beaucoup plus modeste qu’au cours des trois mois précédents). Du côté des services, l’indice synthétique de l’enquête de l’ISM a progressé pour le troisième mois consécutif en juin, au plus haut depuis septembre dernier à 47.
Certes, le chômage (hors secteur agricole) a augmenté de nouveau très fortement en juin outre-Atlantique, avec 467k emplois perdus, après -322k en avril. Toutefois, entre novembre 2008 et avril 2009, la moyenne des destructions nettes d’emplois s’est établie à 645k. Au total, en dépit de cette détérioration en mai, les plus fortes pertes d’emplois ont été très probablement enregistrées au premier trimestre, ce que corrobore l’évolution récente des principaux indicateurs relatifs au marché du travail.
Les chiffres de demandes d’allocations chômage continuent d’indiquer une amélioration sur le marché du travail. Au cours de la semaine du 11 juillet, les premières demandes ont chuté de 569 000 à 522 000, après avoir systématiquement dépassé 600 000 entre la fin janvier et la fin juin.
L’ensemble de ce qui précède signale une récession moins marquée et rend probable un retour du PIB à la croissance dès le T3. Cela irait au-delà d’une simple reprise technique liée à la reconstitution de stocks, dont l’ajustement était allé sûrement au-delà de ce qu’aurait nécessité la (pourtant déjà très forte) baisse de la demande au cours des trimestres précédents. En effet, c’est au cours du second semestre que les effets sur l’investissement du plan de relance américain seront les plus significatifs. Enfin, le secteur immobilier montre des signes de plus en plus convaincants de stabilisation.
Prenant en compte ces indications favorables, la Réserve fédérale a relevé la tendance centrale de ses prévisions de croissance (en glissement annuel, au T4 2009) de -2,0% / -1,3 % en avril à -1,5% / -1,0% en juin. Ainsi, le PIB renouerait avec une croissance supérieure au potentiel dès l’année prochaine. Les projections de la Fed nous apparaissent trop optimistes. Pour notre part, nous attendons une reprise plus graduelle, avec un recul du PIB en glissement annuel d’encore 2% au T4 2009 et une progression limitée à 1,5% au T4 2010. En outre, les marchés financiers restent nerveux et les conditions financières tendues dans de nombreux secteurs (comme le soulignent d’ailleurs les membres du FOMC dans les minutes de la réunion des 23 et 24 juin). En outre, la fragilité de l’économie (également notée dans les minutes) est démontrée par la modestie du raffermissement de la consommation au cours des derniers mois en dépit des allègements fiscaux. Certes, les ventes de détail ont augmenté de 0,6% m/m en juin (la deuxième progression de suite), mais, hors véhicules, essence, matériaux de construction (éléments le plus volatils), elles ont très légèrement diminué (- 0,1% m/m), comme en mai. Le FOMC a d’ailleurs légèrement revu à la hausse ses projections du taux de chômage, tant en 2009 qu’en 2010 et 2011.
De même, nous estimons que l’inflation devrait demeurer faible plus longtemps que ne l’attend la Fed, repoussant à loin la sortie des mesures non conventionnelles d’assouplissement monétaire et plus encore le début de la remontée des taux directeurs.
Rappelons que l’inflation s’est de nouveau repliée en juin, les prix reculant de 1,4% sur l’année contre une baisse de 1,3% en mai, et ceci en dépit d’un effet de base défavorable très prononcé lié aux prix de l’énergie (en ligne avec la forte augmentation des prix pétroliers au cours des derniers mois). L’inflation sous-jacente s’est de nouveau modérée en juin, de 1,8% en mai à 1,7%, tendance qui devrait s’amplifier au cours des prochains mois, compte tenu du creusement de l’output gap.
Dans ces conditions, l’audition biannuelle du Président de la Fed Ben Bernanke devant la Chambre des représentants constituera un des évènements phares de la semaine prochaine.
Dans la zone euro également, les indicateurs avancés se redressent, mais ils restent plus bas que leurs équivalents américains et, surtout, encore loin des seuils signalant un retour de la progression de l’activité. Ainsi, le PMI manufacturier a augmenté de près de deux points en juin, mais ne se trouve qu’à 42,6, alors que la composante relative à la production s’est certes hissée à son meilleur niveau depuis août dernier, (à la faveur d’un gain mensuel de 1,7 point), mais, à 44,3, si elle indique une nouvelle modération de la contraction de l’activité, elle est encore loin d’annoncer une reprise durable. En outre, compte tenu d’un léger recul de l’indice d’activité dans le secteur des services, l’indice composite d’activité se situait à 44,6 en juin. En juillet, il devrait de nouveau progresser tout en restant à un niveau cohérent avec une contraction de l’activité. Les fortes progressions de la production industrielle en mai en Allemagne et en France (respectivement +3,7% m/m – un record depuis 1993 – et +2,4%) doivent être prises pour ce qu’elles sont : des reprises, liées en partie à la stabilisation des carnets de commandes, mais essentiellement au faible niveau des stocks, après qu’ils ont été allégés de manière drastique aux T4 2008 et T1 2009. La zone euro, où le crédit bancaire ralentit (1), ne devrait pas renouer avec une croissance durablement solide avant la mi-2010, soit avec un net retard par rapport aux Etats-Unis.
La parité EUR/USD évolue depuis plusieurs semaines au gré de l’appétit pour le risque des investisseurs, au-dessus de 1,40 quand celui-ci se renforce, au-dessous quand il se réduit. Au-delà des toutes prochaines semaines, la probable réappréciation à la baisse par les intervenants de marché des perspectives de croissance en 2010 pourrait amener le dollar à jouer de nouveau son rôle de valeur refuge. En outre, le décalage conjoncturel en défaveur de la zone euro devrait devenir tangible dès la fin de l’été, ce qui ne manquera pas de pénaliser la monnaie unique, laquelle devrait être également handicapée par les difficultés rencontrés par certains pays d’Europe centrale et orientale.
(1) En mai, la croissance annuelle des prêts au secteur privé a reculé à 1,8% contre 2,3% en avril et près de 10% en mai 2008. Les prêts aux ménages ont même reculé légèrement (-0,1%) en entre mai 2008 et mai 2009, et cela pour la première fois depuis la création de la série.