Marchés : les nuages n’ont pas disparu à long terme

par Romain Boscher, directeur des gestions chez Groupama AM

Les chiffres publiés dans le courant de l’été donnent l’image d’une récession qui aura été finalement plus précoce, plus profonde mais aussi plus courte qu’anticipé.

  • Plus précoce, car les révisions des statistiques font état d’une croissance négative dès le printemps 2008 en zone euro et au Japon, dès l’été aux Etats-Unis, montrant que la récession avait débuté avant la faillite de Lehman Brothers ;
  • Plus profonde, car entre la mi-2008 et la mi-2009, la baisse du PIB aura approché 4% aux Etats-Unis, 5% en Zone euro et 8% au Japon ;
  • Plus brève, car les indicateurs récents montrent que l’activité s’est plus ou moins stabilisée au printemps et a sans doute rebondi dès le troisième trimestre de cette année.

 

Ce rebond doit beaucoup à l’intensité de la relance budgétaire et monétaire mondiale : taux d’intérêt à zéro, primes à la casse, baisses d’impôts et grands travaux publics, combinés à un moindre déstockage, ont permis à l’économie mondiale de sortir de l’ornière. Le commerce mondial donne des signes de redressement, et la croissance sera vraisemblablement positive dans toutes les zones sur le second semestre de cette année. L’horizon des marchés semble donc relativement dégagé d’ici la fin de l’année.

A plus long terme, les nuages n’ont pas disparu. La récession qui s’est interrompue au début de l’été provient d’un excès d’endettement qui ne se résorbera que lentement. En outre, les pressions déflationnistes restent présentes et ne seront sans doute pas évacuées par une reprise qui s’annonce molle. Enfin, les « stratégies de sortie » des politiques historiquement expansionnistes s’annoncent extrêmement délicates à doser, entre risque d’endettement public non soutenable d’un côté et danger de nouveau plongeon conjoncturel de l’autre.

Dans ces conditions, nous attendons une normalisation très progressive de la politique monétaire, qui commencera par un retrait des liquidités avant toute hausse des taux d’intérêt. Ces retraits de liquidités ne débuteront sans doute pas avant 2010, les banques centrales souhaitant s’assurer que la reprise est installée. La normalisation de la politique budgétaire sera elle aussi très progressive, avec la fin programmée des mesures de soutien spécifiques du type « prime à la casse ».

Ce scénario est plutôt positif à court-terme pour les actifs risqués. Les taux longs gouvernementaux ont sans doute atteint leur point bas, mais la hausse sera très progressive du fait d’une politique monétaire qui, maintenant des taux proches de zéro, rend les obligations d’Etat attractives. Le marché du crédit, qui a bénéficié du retour vers les actifs risqués et de la quête de rendement, a retrouvé les niveaux qui prévalaient avant la faillite de Lehman Brothers. L’essentiel de l’amélioration est sans doute passée, mais il reste des secteurs délaissés qui peuvent faire l’objet d’achats sélectifs.

Les marchés actions ont eux aussi été dopés par un retour général vers les actifs risqués, favorisé notamment par la rémunération quasi-nulle des placements monétaires. Ils ont également été nourris par les relatives bonnes surprises du côté des résultats des entreprises non financières. Celles-ci ont opéré des réductions de coût d’une ampleur historique, limitant d’autant l’impact négatif de la récession sur leur profitabilité. Le retour des profits dans le secteur financier est venu compléter le tableau de résultats certes en baisse partout dans le monde mais commençant à afficher une inflexion porteuse d’espoir.

Nous pensons que cette lecture optimiste pour les marchés d’actions va prévaloir au cours des prochains mois au gré de la recherche de réinvestissement de liquidités encore assorties d’une rémunération nulle ; et ce tout particulièrement aux Etats-Unis, favorisés en outre par une devise faible et une flexibilité probante. En revanche, après avoir renoué avec ces niveaux « pré-Lehman » les marchés risqués (actions et crédit) risquent de s’interroger sur le corollaire, à savoir le retour durable à une profitabilité du même acabit. Car nous demeurons bien dans un cycle réel, où l’évolution des marchés est avant tout corrélée aux profits. Nous craignons qu’alors le constat sur la consommation et les profits associés soit insuffisamment flatteur, pour permettre la poursuite du mouvement; cette force de rappel comme les pressions déflationnistes vives risque donc d’entraîner un plafonnement voire une rechute.