par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis
On peut s’étonner de ce que les marchés financiers pénalisent lourdement les dettes publiques d’un certain nombre de pays du Sud (Grèce, Espagne, Italie, Portugal), alors que la situation fondamentale de ces pays et leurs perspectives budgétaires ne sont pas plus mauvaises que celles de certains pays du Nord (Etats-Unis, Royaume-Uni, Irlande), qui eux sont moins pénalisés par les marchés.
S’agirait-il d’une « solidarité anglo-saxonne » des banques (et des agences de rating) ?
1- Certains pays du Sud très pénalisés par les marchés financiers
Les primes de risque auxquelles certains pays du Sud sont confrontés sur leurs dettes publiques sont très élevées par rapport à celles auxquelles les pays anglo-saxons sont confrontés, à l’exception de l’Irlande qui est à peu près au niveau de l’Espagne et du Portugal, mais le CDS de l’Irlande se resserre tandis que ceux des pays du Sud s’ouvrent.
L’évolution des ratings de ces pays montre aussi que la Grèce, l’Italie et le Portugal ont les plus mauvais ratings ; l’Espagne garde un rating similaire à celui des Etats-Unis et du Royaume-Uni.
2- Pourtant la situation budgétaire des pays anglo-saxons n’est pas fondamentalement meilleure que celle des pays du Sud.
La situation budgétaire fondamentale dépend :
- de la situation budgétaire présente ;
- de la croissance à long terme ;
- de la volonté politique de réduction des déficits.
Les déficits publics 2010 sont plus élevés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande que dans les pays du Sud.
La tendance (avant la crise) des gains de productivité est de l’ordre de 2 % par an dans les pays anglo-saxons ; elle est de 3 % en Grèce, 1 ½ % au Portugal. Elle est faible, il est vrai, en Espagne et en Italie.
La croissance prévue en 2011 n’est pas très différente dans les deux groupes de pays. Le poids de la finance et de la construction (secteurs en crise) est très élevé au Royaume-Uni ; semblable dans les autres pays, quel que soit leur groupe.
On voit qu’il n’est pas possible de dire, au total, que la situation budgétaire fondamentale est meilleure dans les pays anglo-saxons que dans les pays du Sud.
Les pays du Sud affichent un volontarisme beaucoup plus grand pour améliorer leurs finances publiques : déficit public prévu autour de 3 % du PIB en 2012, contre 5 % aux Etats-Unis, 7 % au Royaume-Uni et en Irlande.
3- Parler anglais dispense-t-il d’une crise budgétaire ?
On peut être étonné de la différence de traitement des marchés financiers et des agences de rating entre les pays du Sud et les pays « anglo-saxons », alors qu’il n’est pas clair que la situation fondamentale des dépenses publiques soit pire dans les pays du Sud.
S’agit-il d’une discrimination basée sur la géographie, la langue, la nationalité des banques ?