Les deux formes de la globalisation et le protectionnisme

par Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis

La mondialisation du passé : L’exemple du Japon des années 1960-1980

Nous appelons « mondialisation du passé » la situation où apparaît un nouveau concurrent (des Etats-Unis et de l’Europe) et où ce concurrent gagne des parts de marché avec ses entreprises nationales exportant vers les Etats-Unis et le Japon et concurrençant les entreprises américaines et européennes des mêmes secteurs. Il ne s’agit pas de délocalisations mais de l’apparition de nouveaux concurrents d’une nouvelle nationalité. Regardons le cas du Japon de 1960 à la fin des années 1980.

La croissance des exportations est forte et le Japon gagne beaucoup de parts de marché, et construit un énorme excédent commercial vis-à- vis de l’Europe et des Etats-Unis.

Dans les années 60 et 70 (pas après) le Japon profite d’un fort avantage compétitif vis-à-vis des Etats-Unis, qui disparaît dans les années 1980 avec l’appréciation du yen. Le protectionnisme (droits de douane par exemple), dans cette configuration protège bien les producteurs nationaux contre les producteurs étrangers, puisqu’on peut substituer des produits domestiques aux produits importés s’ils deviennent plus chers.

La mondialisation présente : Le cas de la Chine

La mondialisation présente a des caractéristiques tout à fait différentes. Il ne s’agit pas de la progression rapide des exportations des entreprises des pays émergents vers les pays de l’OCDE, mais de la délocalisation de l’industrie des pays de l’OCDE vers les pays émergents, c'est-à-dire du déplacement géographique des capacités de production.

L’exemple de la Chine est clair. Près de 60 % des exportations de la Chine sont réalisées par des entreprises étrangères, ce qui correspond à l’importance des implantations d’entreprises étrangères en Chine. 

Ce transfert de capacités se voit à l’évolution des productions industrielles, des parts de marché dans le commerce mondial.

Les déficits commerciaux vis-à-vis de la Chine résultent donc de ces délocalisations industrielles, pas de l’apparition de nouveaux producteurs chinois.

Se protéger contre les importations depuis les pays émergents, avec ce type de mondialisation, est totalement inefficace : les productions ayant été délocalisées, il n’y a pas de production nationale substituable aux importations. Le protectionnisme (droits de douane par exemple) aboutit seulement à accroître les prix des importations, donc réduit le bien être.

On a vu ainsi que lors de la période d’appréciation du RMB vis-à-vis du dollar (qui permet d’expérimenter ce que seraient les effets de droits de douane) de 2005 à 2008, on a observé une hausse des prix des importations des Etats-Unis depuis la Chine sans réduction du déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine.

Au total, il ne faut pas se tromper de mondialisation.

La mondialisation présente (délocalisations) n’a rien à avoir avec celle des années 1970-1980 (apparition de nouveaux producteurs dans les pays émergents). La seule façon de résister à la mondialisation présente est l’exploitation des avantages comparatifs, pas le protectionnisme.

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