par Florian Ielpo, Head of macro, Multi Asset Group chez Lombard Odier Investment Managers
Le rallye sur les marchés d’actifs risqués qui a débuté en novembre de l’année précédente se poursuit en ce début d’année avec une amplification de son élan. Cette dynamique est clairement visible dans l’évolution des signaux des CTA (commodity trading advisors) qui alimentent nos stratégies et qui reflètent la performance des marchés financiers. À l’exception du marché obligataire, tant le crédit que les actions ont récemment gagné en cohérence dans leurs performances, démontrant un appétit fort des investisseurs pour la prise de risque. Cet appétit et la cohérence croissante des performances des indices soulèvent des interrogations. Quels facteurs peuvent expliquer cette convergence entre les différentes classes d’actifs ? Ne sous-estimons pas l’aspect fondamental des choses et parmi ceux-ci l’importance des tendances macro.
Un rallye en pleine rotation
Pendant une période prolongée, nous avons été témoins de la suprématie inébranlable des actifs américains. Cependant, cette domination a été précédée par une période tumultueuse marquée par des hausses abruptes des taux d’intérêt, qui ont coûté cher tant au complexe technologique américain qu’aux marchés dans leur ensemble. Malgré une stabilisation des taux à des niveaux toujours élevés, les actions américaines ont retrouvé leur vigueur, et depuis le début de l’année, le marché a absorbé environ 20 milliards de dollars de nouvelles émissions de crédit « investment grade ». L’appétit pour les actifs américains demeure, mais depuis quelque temps, quelque chose de nouveau se dessine à l’horizon. La figure 1 illustre clairement cette mutation des tendances : en analysant les pourcentages d’indices boursiers atteignant des plus hauts sur une année et en les segmentant par région, on observe la suprématie américaine depuis novembre, mais également un récent changement de tendance. Au cours des deux derniers mois, l’univers européen et asiatique a clairement gagné en dynamisme. Au cœur du mois de février, près de 30% des indices boursiers asiatiques et 35% des indices européens ont atteint des sommets, se rapprochant ainsi du comportement des indices américains. Ces statistiques véhiculent un message clair : une progression plus équilibrée des marchés depuis le début de l’année. Cependant, elles ne répondent pas à la question cruciale : qu’est-ce qui explique ce phénomène ?
Pourquoi maintenant ?
Au-delà de l’argument de la valorisation, qui indique que les actions et les actifs américains sont globalement plus chers, il existe des raisons fondamentales qui peuvent expliquer ce renversement de situation. Parmi ces raisons, un argument essentiel réside dans la croissance économique : la vigueur récente de la croissance américaine a surpris tandis que le reste du monde peinait à suivre. Cependant, depuis le début de l’année, nous avons plutôt assisté à un phénomène inverse : l’Europe et la Chine gagnent en dynamisme. Mais que se passe-t-il historiquement lorsque de tels événements se produisent ? La figure 2 apporte des éléments de réponse à cette question : lorsque le momentum de croissance aux États-Unis est plus fort que dans le reste du monde, les actions américaines surperforment. En revanche, dans le cas contraire, une situation opposée peut se produire. Actuellement, nos indicateurs de croissance commencent à pencher en faveur du reste du monde, alors que la performance des actions américaines sur 12 mois reste nettement en avance sur celle du reste du monde. Historiquement, ce type de tendance conduit à un meilleur équilibre des performances par région, ce qui pourrait bien être le cas aujourd’hui : la corrélation récente entre momentum macro et performance s’est renforcée et la timide tendance que laissent entrevoir certains indicateurs avancés pourrait permettre un rebalancement global de la demande pour les actifs risqués. Cela ne diminue en rien l’intérêt des actions américaines, mais cela pourrait donner lieu à un rallye plus équilibré que celui observé au cours des derniers trimestres. La bonne nouvelle est que de nombreux indices non américains sont actuellement valorisés de façon attractive.
Pour dire les choses simplement, un meilleur équilibre de croissance mondiale pourrait permettre un rallye plus équilibré sur les marchés.
Macro/Nowcasting Corner
Cette section rassemble l’évolution la plus récente de nos indicateurs de nowcasting pour la croissance mondiale, les surprises en matière d’inflation mondiale et les surprises en matière de politique monétaire mondiale. Ces indicateurs permettent de suivre les évolutions macroéconomiques les plus récentes qui font bouger les marchés.
Nos indicateurs de nowcasting indiquent actuellement :
• Nos indicateurs de croissance se sont récemment redressés, au fil d’une amélioration globale des statistiques aux Etats-Unis, en Europe et en Chine.
• Notre indicateur de surprise d’inflation aux Etats-Unis est à nouveau au-dessus de 50%, tirant à lui l’indicateur mondial. Attention aux mauvaises surprises en termes de dynamique des prix.
• Le statu quo de politique monétaire se poursuit, avec un pivot global qui gagne en clart