par Maarten-Jan Bakkum, Stratégiste Senior Marchés Emergents, ING Investment Management
Au cours des vingt dernières années, la Chine a vu sa prospérité multipliée par plus de neuf. Il s’agit d’un chiffre par tête d’habitant tenant compte des fluctuations des prix et du taux de change par rapport au reste du monde. En comparaison de cette performance, tous les autres pays émergents n’ont connu qu’un modeste bond de prospérité. L’Inde obtient la meilleure mention au sein du reste, avec une multiplication par quatre. La Russie et les Philippines occupent le bas du classement avec un score inférieur à deux. Le Brésil se situe juste au-dessus de ce seuil.
L’énorme différence entre la Chine et les autres marchés émergents explique pourquoi le modèle économique chinois – ou en tout cas une partie de celui-ci – est de plus en plus copié par d’autres pays. Depuis plus de deux ans, l’Inde affiche ainsi des taux d’intérêt réels négatifs, alors que la banque centrale du pays menait traditionnellement une politique monétaire prudente. La volonté de croître et de ne pas rester trop à la traîne par rapport au grand voisin qu’est la Chine est tout simplement trop grande. Dans la plupart des autres pays émergents, soit la politique monétaire est beaucoup plus souple qu’elle ne l’a plus été depuis bien longtemps, soit les plans d’investissement des pouvoirs publics ont été largement revus à la hausse.
Au Brésil, où la croissance économique est restée à la traîne par rapport aux autres pays émergents pendant des décennies, le franc est entre-temps également tombé. Depuis la crise du crédit qui a frappé les Etats-Unis et l’Europe en 2008, le gouvernement brésilien a octroyé un nombre croissant de crédits via la banque nationale de développement économique et social BNDES. Dans un premier temps, ceci n’était certainement pas une mauvaise idée car les banques privées n’étaient plus en mesure de financer de grands projets d’investissement durant les mois de crise de 2008.
Entre-temps, les banques privées brésiliennes se portent à nouveau mieux, mais la BNDES poursuit sa politique expansive. La croissance des nouveaux crédits s’est située entre 40 et 50% en 2008 et en 2009. Compte tenu de l’activité enregistrée au premier semestre, le taux moyen de la croissance ne devrait certainement pas décélérer cette année.
Le financement de vastes projets d’infrastructure, souvent prestigieux, via une banque d’Etat est quelque chose de tout à fait commun en Chine. Cette stratégie est à l’origine du taux d’investissement chinois supérieur à 45%, qui entraîne un taux de croissance structurelle de l’économie chinoise compris entre 6 et 9%. Au Brésil, le taux d’investissement ne s’élève qu’à 19% et l’objectif des pouvoirs publics est de le porter à 24% au cours des prochaines années, afin d’atteindre une croissance potentielle de 5- 6%. En jouant la carte de la BNDES, les ambitions brésiliennes en matière de croissance ont de bonnes chances de se matérialiser, du moins au cours des prochaines années.
A court terme, il est improbable que cette stratégie entraîne des problèmes de financement. A plus long terme, ce risque est toutefois bien réel. La diminution de la transparence au niveau de la politique budgétaire brésilienne, une allocation moins efficace du capital, une hausse du déficit de la balance courante et une plus grande ingérence des pouvoirs publics dans l’économie en général sont des facteurs préoccupants, dont les investisseurs doivent être conscients.