Assouplissement monétaire : nouvelle vague

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Aux Etats-Unis, la décision de la Fed de baisser ses taux directeurs de 50 points de base lors de sa réunion du 29 octobre était largement anticipée. L’objectif des Fed Funds est ainsi dorénavant de 1%, un niveau atteint une seule fois précédemment, entre 2003 et 2004, alors que les craintes de déflation étaient à leur apogée. Il s’agit du deuxième assouplissement de 50pb depuis début octobre, après l’action coordonnée des Banques centrales, le 8. Le taux d’escompte a été abaissé à 1,25%. Les inquiétudes de la Fed, quant aux perspectives d’activité, étaient très clairement exprimées dans le Communiqué.

Elle estime que « l’économie a ralenti de manière marquée, principalement en raison d’un recul des dépenses de consommation ». En outre, « le ralentissement mondial assombrit les perspectives des exportations américaines, alors que l’intensification de la crise sur les marchés financiers exerce une contrainte supplémentaire sur les dépenses ». De fait, la publication du PIB du troisième trimestre (-0,3% t/t annualisé) confirme le scénario de la Banque centrale. En effet, la consommation des ménages a fortement chuté (-3,1% t/t, en contraction pour la première fois depuis 1991 et la plus marquée depuis 1980) et l’investissement des entreprises s’est aussi contracté pour la première fois depuis 2006 (-1% t/t). Concernant l’inflation, la Fed attend désormais sa modération, vers un niveau compatible avec la stabilité des prix. En dépit du recul des risques haussiers sur les prix à moyen terme, la marge supplémentaire de baisse des taux semble désormais limitée. 

Néanmoins, la Fed peut encore renforcer son biais accommodant en adoptant de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif (refinancement d’actifs encore plus longs que ceux actuellement acceptés, par exemple) à la lumière de l’impact positif des décisions déjà prises au cours des dernières semaines. Ainsi, le programme CPFF, qui permet à la Fed d’acheter le commercial paper à trois mois émis par les entreprises (financières ou non), a débuté cette semaine, et les premiers signes indiquent un apaisement des tensions à l’émission. Par ailleurs, la Banque centrale a annoncé qu’elle accordait des lignes de swaps en dollars à ses homologues du Brésil, du Mexique, de la Corée du Sud et de Singapour.

Le FMI a annoncé qu’il réactivait la procédure de prêts d’urgence aux Etats qui en feraient la demande. Celle-ci permet aux pays, répondant à certains critères de stabilité (dette et déficit) et ayant un historique de conduite de politique économique satisfaisant, d’emprunter jusqu’à cinq fois leur quote-part auprès du Fonds, avec des conditions simplifiées. Cette procédure n’a été utilisée que six fois : en 1997, à la suite de la crise asiatique, pour les Philippines, la Thaïlande, l’Indonésie, la Corée du Sud, en 2001 pour la Turquie et en 2008 pour la Géorgie.

Dans la zone euro, une baisse du taux refi de 50 points de base à 3,25%, le 6 novembre prochain, est désormais acquise. En effet, l’amélioration des perspectives d’inflation permet un tel geste compte tenu du ralentissement prononcé de l’activité, ce que soulignait d’ailleurs Jean-Claude Trichet en début de semaine. L’inflation s’est inscrite à 3,2% en octobre, après 3,6% en septembre et un pic de 4,0% en juin et juillet. Son repli devrait se poursuivre à la faveur d’effets de base toujours très favorables sur les prix énergétiques et alimentaires. Elle devrait ainsi repasser sous 3% dès novembre. En ce qui concerne l’activité, l’enquête sur le sentiment économique publiée par la Commission européenne montre que la confiance a continué de se détériorer dans l’ensemble des secteurs de l’économie en octobre. Après s’être déjà replié d’environ 8 points entre le T3 et le T2, signalant que l’activité s’est vraisemblablement contractée au troisième trimestre, l’indice du sentiment économique a continué de reculer en octobre, perdant près de 7 points (6 dans l’industrie et dans les services, et une baisse de 5 points de la confiance des ménages).

Au Japon, la Banque centrale a décidé de baisser son taux overnight de 0,50% à 0,30% ainsi que son taux basic loan de 0,75% à 0,50%. 

Par ailleurs, à l’occasion de la publication de son rapport semestriel sur l’activité et les prix, elle a abaissé ses prévisions de croissance du PIB de 1,2% à 0,1% pour l’année budgétaire 2008 (qui s’achève en mars 2009) et de 1,5% à 0,6% pour 2009. La croissance du PIB ne reviendrait vers son potentiel qu’en 2010 (+1,7%). Concernant les prix, l’inflation devrait se dissiper dès l’année prochaine, passant de 1,6% cette année à 0,0% en 2009, pour remonter légèrement en 2010 (+0,3%). En outre, la Banque du Japon a décidé de rémunérer les réserves excédentaires des banques, enregistrées sur ses livres, au taux de 0,1%. Cette mesure sera effective dès la période de constitution de réserves de novembre jusqu’à celle de mars 2009, visant ainsi à fournir la liquidité suffisante pour le passage de fin d’année.