Australie : première hausse des taux parmi les pays du G20

par Sophie Mametz, économiste chez Natixis

Le 5 octobre, la Banque Centrale australienne a augmenté de 25pb son taux directeur, à 3,25%. Effective à compter du 7 octobre, cette décision est un coup d’arrêt dans le processus de baisse des taux initié en août 2008. Depuis le déclenchement de la crise, il s’agit aussi de la première hausse de taux décidée parmi les pays du G20.

Dans ce qui suit, nous revenons sur les éléments ayant permis à la Reserve Bank of Australia (RBA) de justifier d’une telle action. Dès lors, la question se pose de savoir si d’autres pays de la zone pacifique (notamment la Nouvelle Zélande) pourraient prochainement suivre ce mouvement.

La fin d’un cycle baissier 

Le 5 octobre, suite à son conseil de politique monétaire, la RBA a décidé d’augmenter de 25pb son taux directeur, à 3,25%. Non anticipée, cette hausse a eu un fort impact sur la devise : l’AUD/USD a progressé de 1,7% sur la journée.

Cette décision met un terme au cycle baissier initié en août 2008 (i.e. un mois avant le déclenchement de la crise) qui a amené les taux directeurs australiens à un plus bas en 49 ans.

Les membres du conseil ont ainsi considéré qu’il est temps de sortir d’une politique monétaire ultra accommodante. Voyons à présent quels éléments sont à la base d’une telle décision, pour tenter d’identifier si d’autres pays (notamment la Nouvelle Zélande) pourraient emboîter le pas de l’Australie.

Quelle justification à la hausse des taux en Australie ?

Glen Stevens, le gouverneur de la RBA, considère en effet que le maintien des taux directeurs à un plus bas niveau en 49 ans n’est plus justifié. Les risques de contraction économique s’éloignent de plus en plus, les pressions inflationnistes sont limitées et la croissance en 2010 devrait être proche de la croissance potentielle (i.e. entre 3 et 3.5%). Pour le secrétaire du Trésor, M. Swan, il n’y a pas de doute que l’économie redémarre.

Ainsi, d’un point de vue macroéconomique, les membres du conseil ont relevé leur prévision de croissance pour 2010, passant de 2,25% à 3-3,5% (en ligne avec nos prévisions de croissance à 3,2% en 2010, +4,0% en 2011). Cette révision intervient alors que les perspectives de croissance des pays partenaires en Asie semblent être bien plus favorables qu’anticipées jusque là. L’évolution récente de variables économiques domestiques conforte également la révision à la hausse de la croissance en 2010.

Contrairement à ce que l’on prévoyait jusque là, la hausse du taux de chômage n’a pas été aussi importante (en août, le chômage s’est établi à 5,8%, soit 5,5% en moyenne depuis le début de l’année contre une estimation précédente à 7% pour 2009). Depuis juillet 2007, le salaire hebdomadaire par tête n’a cessé de ralentir, passant de 4,9% à 3,8% au T2-09.

Le coût salarial unitaire est resté modéré ce qui, conjointement à la baisse du prix de l’énergie et des matières premières, a permis de limiter les tensions inflationnistes. Après avoir ralenti à 1,5% en GA en T2-09, l’indice des prix à la consommation est attendu en hausse de 1%. En 2009, l’inflation moyenne australienne pourrait donc atteindre 1,4%, alors que l’on prévoyait 1,9% en début d’année (rappelons que la cible d’inflation se situe entre 2 et 3%).

Comme nous l’anticipions en début d’année, le marché immobilier résiste bien. Au T2-09, le prix des maisons dans les huit plus grandes villes a progressé de 4,2% T/T. Les crédits immobiliers progressaient de 3,5% en GA en juillet. La confiance des entreprises en août s’est inscrite à son plus haut niveau en 6 ans, tandis que la confiance des consommateurs a atteint un plus haut niveau en 2 ans.

Entame du cycle de resserrement monétaire

Le contexte macroéconomique parait sain en Australie et justifie des perspectives de croissance bien orientées dans ce pays.

Rappelons que si les conditions devaient brutalement se détériorer, l’Etat australien disposerait alors de marges de manœuvre importantes en matière budgétaire : le 30 septembre, le secrétaire du Trésor, Wayne Swan, a annoncé que le déficit budgétaire pour l’année fiscale 2008 (qui s’est achevé en juin 2009) était moins important que celui initialement prévu.

Un cycle de resserrement monétaire est donc entamé en Australie. Selon les commentaires du gouverneur, Glen Stevens, il s’agira d’un processus graduel. Ainsi, d’autres hausses de taux devraient prochainement suivre : la deuxième est prévue en novembre ou décembre (+25pb) ; deux hausses supplémentaires (de 25pb chacune) devraient être décidées au S1-2010, les taux directeurs atteignant alors 4,0%.

La hausse des taux en Australie est-elle un phénomène isolé ?

L’Australie apparaît comme un pays à part : depuis le déclenchement de la crise en septembre 2008, il s’agit de la première hausse de taux décidée parmi les pays du G20. Peut-on croire que d’autres pays pourraient prochainement suivre ce mouvement ? Le cas de la Corée du sud est actuellement évoqué, tout comme celui de la Nouvelle Zélande (Special Report à paraître).

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