BCE : il ne manque plus que la croissance

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Natixis AM

Les conditions financières sont accommodantes avec des taux d’intérêt qui seront au plus bas pendant très longtemps. De ce côté-là, plus rien à attendre, Mario Draghi a indiqué que le point bas avait été touché. Les craintes que l’on pouvait éventuellement avoir sur le système bancaire sont désormais prises en charge par la BCE avec un TLTRO très avantageux au niveau des taux d’intérêt pour les banques. Le TLTRO est une opération qui permet l’échange de papier (risqué) du bilan des banques pour de la liquidité de la banque centrale. Enfin la BCE élargit le montant des achats et le type d’actifs qu’elle pourra acheter en incluant les papiers des entreprises non bancaires.

Plusieurs réflexions sur ces annonces: Les conditions nécessaires pour une amélioration de la situation de la zone Euro sont en place du côté de la BCE. Il manque juste la croissance pour que ça marche. D’où le souhait par la BCE d’une politique budgétaire plus volontariste. Cet élément est majeur car la BCE n’anticipe qu’un taux d’inflation de 1.6% à l’horizon 2018, très loin de l’objectif de 2%. Cela traduit la perception d’une économie au sein de laquelle les tensions resteront réduites durablement et implicitement, elle semble faire l’hypothèse que la politique budgétaire ne sera pas au rendez-vous. Le TLTRO va durer jusqu’en 2021, cela veut dire que la BCE considère que la situation va rester délicate à gérer au moins jusqu’à cette date et qu’il est nécessaire d’aider les banques sur l’ensemble de cette période.

L’environnement international reste fragile mais en cas de choc négatif, la BCE n’a plus vraiment de munitions. Toute nouvelle mesure portera sur la liquidité puisque que Draghi a indiqué que le point bas des taux d’intérêt avait été touché. C’est ce point finalement le plus préoccupant. Entre décembre 2015 et mars 2016 la BCE a mis en place des mesures nouvelles considérables avec un changement de régime en mars. On peut s’interroger sur sa capacité d’anticipation. Elle a mis en œuvre les mesures supplémentaires de mars, en raison de l’impact fort de la baisse du prix du pétrole qui va maintenir le taux d’inflation de la zone à un niveau très bas (la BCE attend 0.1% en 2016 contre une anticipation de 1.1% en décembre) mais aussi parce que les composantes de l’indice sous-jacent sont plus fragiles. La partie liée aux services a une contribution plus réduite parce que les salaires augmentent peu et la partie liée aux biens voit sa contribution se réduire parce que la baisse de l’euro est achevée. Si l’on suit les prévisions de la BCE, le régime d’inflation a changé entre décembre et mars et la banque centrale a ajusté sa stratégie comme si les éléments, notamment ceux liés à l’indice sous-jacent n’étaient pas attendus. C’est cela qui est préoccupant.