BCE : un QE calibré pour durer

par Thibault Mercier, Economiste chez BNP Paribas

La BCE a décidé d’étendre son programme d’achats d’actifs (QE) de 9 mois et de réduire le volume d’achats mensuels de EUR 80 mds à EUR 60 mds à partir d’avril 2017.

Compte tenu de la rareté des titres, la BCE devait faire un choix entre le rythme mensuel et la durée du programme. Elle a opté pour une prolongation plus importante à un moindre rythme.

La BCE a modifié deux paramètres de son programme d’achats d’actifs qui concernent la partie courte de la courbe des taux : elle a réduit la maturité minimum des titres éligibles de 2 ans à 1 an et s’est donné la possibilité d’acheter des titres dont le rendement est inférieur au taux de la facilité de dépôt (aujourd’hui -0,40%).

Bien que correspondant à un volume total d’achats plus important, la décision de décembre pourrait provoquer une légère remontée des taux longs. Néanmoins, celle-ci devrait rester contenue, Mario Draghi ayant clairement indiqué que la présence de la BCE sur les marchés avait vocation à perdurer.

La nécessité d’étendre le programme d’achats d’actifs au-delà de mars 2017 étant admise, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) devait arbitrer entre une extension de 6 mois de son programme d’achats d’actifs (QE) au rythme actuel et un allongement plus conséquent mais à un moindre rythme. La banque centrale a finalement opté pour la seconde voie, à savoir un prolongement du QE de 9 mois (c’est-à-dire jusqu’en décembre 2017) associé à une réduction du volume d’achats mensuels de EUR 80 mds à EUR 60 mds à partir d’avril 2017 (revenant ainsi au rythme en vigueur entre mars 2015 et mars 2016). La BCE a toutefois laissé la porte ouverte à une augmentation de la durée et/ou de l’ampleur du QE d’ici décembre 2017, si l’évolution de la situation se dégradait, sans envisager la possibilité d’en faire moins. Au final, la banque centrale a décidé d’étendre le QE d’au moins 9 mois au rythme minimum de EUR 60 mds par mois.

Cette décision doit être interprétée à la lumière des contraintes pesant sur la mise en œuvre du QE. En particulier, les achats de titres publics effectués par la BCE sont répartis en fonction du poids économique respectif des pays de l’union monétaire. En vertu de cette règle, c’est l’Allemagne qui bénéficie le plus des achats de la BCE. Or, les titres de dette publique allemands ne sont pas suffisamment abondants pour autoriser un allongement conséquent (supérieur à 6 mois) du QE au rythme de EUR 80 mds par mois. Pour envisager une telle option, il aurait fallu que la BCE accepte des déviations importantes de la clé de répartition de ses achats et/ou qu’elle augmente la part de chaque ligne obligataire potentiellement achetable. La première condition était politiquement inacceptable ; la seconde difficile à appliquer sans perturber le fonctionnement du marché obligataire.

En clair, c’est pour pouvoir continuer plus longtemps à intervenir directement sur les marchés obligataires que la BCE a dû réduire la voilure. Pour assurer une mise en œuvre fluide du QE, elle a modifié deux paramètres de son programme d’achats d’actifs qui concernent la partie courte de la courbe des taux : elle a réduit la maturité minimum des titres éligibles de 2 ans à 1 an, et s’est donné la possibilité d’acheter des titres dont le rendement est inférieur au taux de la facilité de dépôt (aujourd’hui -0,40%).

Bien que correspondant à un volume total d’achats plus importants (EUR 540 mds contre EUR 480 mds si le QE avait été étendu de 6 mois à EUR 80 mds par mois), la décision de décembre pourrait provoquer une légère remontée des taux longs du fait de la réduction des flux d’achats mensuels. En l’espèce, beaucoup dépendra de la composition des futurs achats le long de la courbe. Or, en s’affranchissant du plancher constitué par le taux de la facilité de dépôt et en incluant les titres de maturité comprise entre 1 et 2 ans, la BCE a ouvert la voie à une réduction de la maturité moyenne de ses achats. Si tel était le cas, le QE perdrait en efficacité, l’intérêt d’une telle politique étant précisément de cibler les maturités longues, les plus pertinentes pour le financement de l’économie. Reste à savoir si cela concernera tous les pays de manière égale : une repentification de la courbe des taux en Allemagne posera moins de problème qu’en Italie ou en Espagne.

Naturellement, la communication jouera aussi un rôle prépondérant dans l’évolution des rendements d’Etat à long terme. De ce point de vue, Mario Draghi a adopté un discours très accommodant durant la conférence de presse, prenant notamment un soin important à distinguer la décision de réduire le volume d’achat mensuel d’un début d’une amorce de tapering. Rappelant qu’un tapering correspond à un abandon progressif du programme d’achats d’actifs, M. Draghi a, au contraire, souligné que la présence de la BCE sur les marchés avait vocation à perdurer, précisant que l’idée d’un tapering n’avait pas été discutée au sein du Conseil des gouverneurs.

Le ton très « dovish » de la conférence de presse, faisant écho à la possibilité laissée par la BCE d’ajuster son QE à la hausse d’ici décembre 2017 si besoin, se reflète également dans les projections économiques dévoilées ce mois-ci. Les prévisions de croissance du PIB pour les trois prochaines années sont restées en ligne avec les projections de septembre (1,7% en 2017, 1,6% en 2018, 1,6% en 2019) et les risques sont toujours orientés à la baisse. Mais c’est surtout le profil d’inflation qui interpelle. La banque centrale prévoit que la croissance des prix à la consommation atteindra 1,3% l’an prochain, 1,5% en 2018 et seulement 1,7% en 2019, un redressement insuffisant eu égard à l’objectif de stabilité des prix de la BCE, ce qu’a confirmé M. Draghi durant la conférence de presse.

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