BCE : une baisse des taux programmée depuis le printemps

par Jean-Christophe Caffet et Cédric Thellier, économistes chez Natixis

Mario Draghi vient d’annoncer que la BCE baissait son taux de refinancement de 25 points de base, à 1,25%. Nous interprétons cet assouplissement monétaire comme la conséquence, somme toute logique, de la stratégie poursuivie par l’lnstitution francfortoise, à contre-courant des autres banques centrales du G7 depuis le début de l’année.

Cette stratégie était motivée par deux principes, ou arguments :

– Les doutes que pouvaient nourrir la BCE au printemps dernier quant au caractère transitoire de la poussée inflationniste actuelle. Au-dessus de sa cible depuis décembre 2010, l’inflation a néanmoins commencé de baisser dès le début de l’été, le rebond observé en septembre/octobre étant surtout imputable aux changements méthodologiques dans le calcul des IPCH nationaux (particulièrement sensibles en Italie).

Nous l’avions dit dès le mois de mars1 et l’annonce quasi-explicite d’une hausse des taux par JC Trichet : le choc inflationniste était essentiellement le fait des prix de l’énergie et l’hypothèse de sa transmission aux salaires (effets de second tour) nous paraissait grandement exagérée. Dans un contexte de chômage durablement élevé et de progression très faible (voire de recul) des coûts salariaux unitaires, l’occurrence d’effets de second tour nous paraît en effet davantage relever du fantasme que d’un véritable risque pour la stabilité des prix.

– La stratégie de leaning against the wind, visant à tirer les leçons de la crise en termes de politique monétaire, en particulier en soulignant les risques associés au fait de laisser les taux directeurs « trop bas, trop longtemps ». La dissipation des risques déflationnistes offrait alors l’opportunité de sortir de la période de taux historiquement bas, initiée en mai 2009, soit près de 24 mois.

Quel sens donner à cette baisse des taux ?

Le Conseil des Gouverneurs a donc décidé, à l’unanimité, de revenir sur ses décisions, elle aussi prises à l’unanimité, d’avril et juillet derniers. La situation s’est il est vrai nettement dégradée pendant l’été, les risques sur la croissance étant pour le moins baissiers au regard des projections de la BCE (+1,3% en 2012). Nous partageons évidemment cette inquiétude, que nourrissent par ailleurs les difficultés que traverse actuellement le secteur bancaire européen.

Si cette (première) baisse du refi de 25 pbs ne résoudra naturellement pas à elle seule la crise actuelle, celle-ci donnera toutefois un peu d’air aux banques dont les besoins de recapitalisation ont été estimés à plus de 100 Mds EUR par l’EBA.

Cette baisse ne présage pas non plus d’un changement de cap en matière de politique monétaire non conventionnelle, le nouveau Président de la BCE ayant réaffirmé le principe de séparation entre gestion de la liquidité et niveau des taux d’intérêt. En d’autres termes, la BCE continuera de fournir des liquidités à taux fixe et de manière illimitée et ne s’interdit pas d’intervenir de nouveau dans le cadre du programme SMP. Nous prévoyons par ailleurs une deuxième baisse de 25 pbs du taux refi lors de la réunion du 8 décembre prochain, lorsque la BCE présentera l’actualisation de ses prévisions de croissance et d’inflation.

NOTES

1 Voir Flash 2011-167 : « BCE : pire qu’en 2008 »

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