Chine : pourquoi la hausse des taux d’intérêt ?

par Bei Xu, économiste chez Natixis

Depuis le début de l’année 2010, nous avons assisté à une série de resserrements monétaires en Chine dans le cadre d’un processus de normalisation progressive d’une politique extrêmement expansionniste. Désormais, selon les autorités chinoises, le pilotage monétaire se veut prudent. En effet, les risques inflationnistes sont de plus en plus significatifs, l’indice des prix à la consommation ayant grimpé jusqu’à 5,1% en GA en novembre. Un tel niveau rend impossible la réalisation de l’objectif de 3% en moyenne sur 2010.

La banque centrale de Chine a pour l’heure toujours procédé en privilégiant des outils quantitatifs : cinq hausses du taux des réserves obligatoires (six pour les sept plus grandes banques du pays), retrait de liquidité par des opérations d’open-market, et enfin restrictions discrétionnaires des quantités de crédit à distribuer… Les taux d’intérêt de référence n’ont en effet été augmentés qu’une seule fois.

Historiquement, les outils quantitatifs ont toujours été privilégiés par rapport au prix de la liquidité qui est le taux d’intérêt :

  • La libéralisation des taux d’intérêt étant en cours, les taux d’intérêt de référence (de prêt et de dépôt) que les banques commerciales appliquent avec une certaine marge sont déterminés directement par la banque centrale et par conséquent ne reflètent pas vraiment l’équilibre de l’offre et de la demande du marché des capitaux.
  • L’accumulation des réserves de change est l’une des principales raisons expliquant la création monétaire de l’économie chinoise. La banque centrale de Chine emploie systématiquement des opérations de stérilisation afin de réduire l’ampleur de cette création monétaire. Les outils quantitatifs permettent naturellement de retirer plus directement de la liquidité du système bancaire.
  • Une hausse des taux d’intérêt faciliterait les carry trade, ce qui augmente la pression à l’appréciation de la monnaie chinoise malgré les contrôles des capitaux mis en place.

Aujourd’hui, il existe aussi une autre raison de « prudence » pour expliquer la quasi-absence de la hausse des taux d’intérêt en Chine. Une hausse de taux augmentant mécaniquement les charges d’intérêt des ménages, des entreprises et des collectivités locales (les crédits bancaires sont accordés à taux variable), un relèvement à la hausse des taux d’intérêt risquerait de peser sur la capacité de remboursement des emprunteurs et d’augmenter le ratio des prêts non performants. Compte tenu de l’explosion de la distribution de crédits en 2009-2010, un tel geste ne serait pas sans danger pour le système bancaire chinois.

Nous pensons pourtant que trois hausses de taux de 25 points de base auront lieu d’ici la fin de l’an prochain.

Le taux de dépôts bancaires est actuellement de 2,5% alors que le taux d’inflation se situait à 5,1% en novembre dernier. En terme réel, il est donc largement négatif et le demeurerait s’il n’y avait pas de hausse des taux d’intérêt puisque nous prévoyons un taux d’inflation de 4,2% en moyenne en 2011. Des taux d’intérêt réels négatifs présentent non seulement des risques inflationnistes (or la maîtrise du risque inflationniste devient aujourd’hui une vraie inquiétude de l’économie chinoise en raison de l’abondance de liquidité et de la hausse des coûts salariaux) mais ils peuvent aussi créer une distorsion des prix relatifs (immobilier par exemple) et procurer un sentiment de perte de richesse aux ménages puisque l’essentiel de leur épargne est sous forme de dépôt bancaire.

Dans un contexte marqué par l’accroissement des inégalités, par la hausse des prix immobiliers et des prix alimentaires, il serait important de relever significativement les taux d’intérêt réels sur les dépôts. A cet égard, trois hausses de 25 points de base des taux de référence nous semblent un minimum en vue de minimiser les effets néfastes des taux d’intérêt réels négatifs.

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